Fil d'Ariane
Depuis son retour, il n’a, malgré les sollicitations, bénéficié d’aucunes mesures, ni d'aide du gouvernement. Il l'a décidé. Il doit retenter sa chance. Mery Dembélé vit donc ses derniers moments d’intimité avec ses proches. Sa famille, il l'aime et c’est tout ce qu’il a. En ce moment douloureux, il demande la bénédiction de sa femme.
Pour fuir la misère, il a donc décidé de partir. Il lui faut quitter son village natal de Djonfa Courou pour peut-être, un jour, retrouver les siens, loin d’ici.
« Vraiment, je souhaite que ma famille puisse me retrouver un jour, dit Mery Dembelé. Si ce souhait ne se réalise pas dans un ou deux ans, je reviendrai leur rendre visite. Vraiment, je suis terriblement pauvre ici, et pour avoir une situation, ce n’est pas facile. » Et d'ajouter : « le fait de partir ne m’enchante pas. »
Sa famille souhaite l’accompagner jusqu’aux portes du village. Une localité agricole où les rendements du sol ne permettent pas de faire vivre tout le monde. Avant lui, beaucoup d’autres sont partis. C’est auprès des vieux et des femmes du village qu’il prend congé. Pris par l’émotion, il demande à sa femme et ses filles de rentrer.
"Ce sera dur mais il ne me manquera pas", dit Dembélé Wassa Dansira. "S'il me manque, je vais supporter c'est mieux qu'il tente sa chance plutôt que de rester ici sans rien", insiste cette épouse qui s'empresse d'ajouter :"Je lui pardonne et que Dieu fasse qu’il arrive en bonne santé !"
Auparavant vivier agricole, la ville de Kita vit au ralentit. Sur le chemin de l'exil, c'est ici que Méry choisit de s'arrêter.
"Il vaut mieux mourir directement plutôt que de vivre dans la honte. Surtout si tu meurs dans la quête de donner un avenir meilleur à ta famille. Pour moi ce n’est pas grand chose et je préfère ça plutôt que d’être près d’eux dans la honte….. Chez nous, les malinkés, la mort vaut mieux que la honte", lâche Méry, un brin désabusé.
Les risques du trajet, il les connaît. Ce sera la troisième fois que Mery quitte son pays. De 2014 à 2016, il vivait en Libye. La guerre et les discriminations, il les connait.
Mais c’est là-bas, qu’il souhaite retourner. "Les arabes sont mauvais avec nous, surtout les Libyens. Mais que faire?" dit-il.
"Ce que nous gagnons dans la difficulté en Libye, nous ne le trouvons pas dans notre pays. Sinon, ils nous font subir toutes sortes de calvaire. Mais il y a aussi de bonnes personnes parmi eux, si Dieu me fait croiser leurs chemins, je peux travailler et vivre sous leurs protections sans avoir de problèmes."
Avant la traversée du désert, Mery se rendra à Bamako pour déposer une demande de passeport. Artisan vitrier en Libye, son ancien patron souhaite lui payer le trajet jusqu'à Tripoli.