Mali : pourquoi la visite de l’Imam Dicko en Algérie fait polémique ?

Le 19 décembre, le président algérien Abdelmadjid Tebboune a reçu l’imam malien Mahmoud Dicko. Cette visite a suscité de vives critiques de la part des autorités maliennes. Comment expliquer cette réaction ?

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L'imam Mahmoud Dicko, qui a mené l'opposition au gouvernement malien a dirigé la prière lors d'une cérémonie en hommages aux victimes de la répression lors des manifestations à Bamako, ce vendredi 28 août 2020.
 
(AP Photo/Baba Ahmed)
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Il est sous le feu des critiques depuis près d’une semaine. Le ministère des Affaires étrangères du Mali accuse les autorités algériennes, "d’ingérence et d’actes inamicaux". En face, la Coordination des mouvements, associations et sympathisants de l’Imam Mahmoud Dicko (CMAS) dénonce “une cabale orchestrée contre son parrain, l'imam Mahmoud Dicko, en lien avec son voyage en Algérie".

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En effet, l’imam malien Mahmoud Dicko, importante figure religieuse et politique dans le pays, a été reçu à Alger par le président Abdelmadjid Tebboune le 19 décembre. Suite à cela, Bamako convoque l’ambassadeur d’Algérie au Mali, tandis qu’Alger le rappelle pour consultations. Bamako suit cet exemple et le Mali rappelle ensuite son ambassadeur.  

 

Que représente l’imam Dicko

Les autorités de transition du Mali n’ont pas apprécié de voir reçu en grande pompe à Alger cet imam malien qui jouit autant d'une autorité morale que d'une influence politique dans son pays. L'imam Dicko a été la figure tutélaire d'un mouvement de contestation qui a précédé la chute du président civil Ibrahim Boubacar Keïta, renversé par un coup d'État militaire en 2020.  

À présent, il est en retrait vis-à-vis des autorités de transition après avoir exprimé des désaccords avec le pouvoir en place comme par exemple au mois de juin 2023, où il s’est opposé au référendum pour mettre en place une nouvelle Constitution. Il est d’ailleurs une des rares personnes à exprimer publiquement ses désaccords avec les autorités militaires. 

Pourquoi l’imam Dicko s’est rendu en Algérie ?

Selon le gouvernement malien, la visite à Alger de l’imam Dicko représente “une ingérence dans les affaires intérieures du Mali". Il "invite la partie algérienne à privilégier la voie de la concertation avec les autorités maliennes, seules légitimes pour entretenir des échanges d’État à Etat avec les partenaires du Mali", pays sahélien en proie depuis 2012 aux agissements des groupes djihadistes et des séparatistes touareg.

Le 25 décembre, l’imam Mahmoud Dicko publie une vidéo de 13 minutes sur les réseaux sociaux dans laquelle il affirme s’être rendu à Alger sur invitation du président algérien. Il ajoute que les autorités de transition du Mali et les groupes rebelles étaient également conviés, mais ils ne se sont jamais rendus à Alger.

Il assure que des individus "qui parlent au nom des autorités" l'ont alors traité de "traître" et l'ont accusé de "conspirer avec les rebelles contre le Mali" pour compromettre sa "crédibilité auprès des Maliens". Il explique également que le président algérien l’avait invité car il souhaitait s’entretenir avec lui à propos de la situation au nord du Mali, en proie à des combats entre l’armée malienne et des rebelles touaregs.

Quelles sont les relations entre le Mali et l’Algérie ? 

Le Mali et l’Algérie entretiennent d’importantes relations commerciales et diplomatiques, notamment pour le nord du Mali, à proximité de la frontière algérienne. L’Algérie s’est d’ailleurs positionnée comme médiatrice afin de mettre fin au conflit entre les groupes armés au Nord du pays, rebelles et alliés du gouvernement et les forces maliennes. En 2015, l’Accord d’Alger est signé afin de créer des conditions de paix durable. 

Cependant, avec la recrudescence des tensions en 2023, cet accord semble de plus en plus compromis. Dans le nord du pays, après le retrait des troupes françaises, les hostilités entre les groupes armés à dominante touareg et l’armée malienne ont repris. Par ailleurs, des prérogatives présentes dans cet accord, comme la décentralisation du pouvoir avec l’instauration d’assemblées régionales, ne sont jamais appliquées.  

Cette reprise des tensions affecte l’Algérie dans la mesure où elle met à mal ses relations commerciales avec cette région du Mali. Le 13 décembre, dans un communiqué, l'Algérie appelle "toutes les parties maliennes à renouveler leur engagement dans la mise en œuvre de l'Accord de paix et de réconciliation issu du processus d'Alger". Le lendemain, l'ambassadeur du Mali à Alger est convoqué par la diplomatie algérienne.

Pour le moment, l’imam Mahmoud Dicko se trouve toujours en Algérie. Selon la CMAS, les prises de position politiques de l'imam Dicko ne sauraient être assimilées à de l'hostilité contre son propre pays. Elle "invite ses militants, sympathisants et partenaires à rester mobilisés pour la défense de l'idéal et des valeurs prônés par l'imam Mahmoud Dicko, patriote convaincu et déterminé de son pays" et "invite le peuple à se tenir prêt pour (lui) réserver un accueil mémorable". La date de son retour au Mali n'est toujours pas connue.