Fil d'Ariane
Est-ce un signe d'apaisement de la part de la junte ? Samedi, les militaires au pouvoir au Mali ont publié un projet de loi expliquant que le chef actuel de la junte, le colonel Assimi Goïta, ne pourrait pas être candidat aux futures élections présidentielles.
"C'est un message qui est autant adressé à la société civile qu'à la Cédéao et aux partenaires internationaux", décrypte Antoine Glaser, journaliste spécialiste de l'Afrique et auteur du livre Le piège africain de Macron (Fayard, 2021).
Après avoir renversé le gouvernement en 2020, le colonel Assimi Goïta a été investi président du Mali lors d'un second putsch en mai 2021. En décembre 2021, les militaires avaient évoqué la possibilité de prolonger l'actuelle transition de la junte de "six mois à cinq ans". Ils ont également renoncé à organiser les élections initialement prévues le 27 février prochain.
Depuis, la situation est tendue entre le Mali et ses voisins. Début janvier, la Communauté économique des États d'Afrique de l'Ouest (Cédéao) et l'Union économique et monétaire ouest africaine (Uémoa) ont pris des mesures économiques et diplomatiques à l'encontre du Mali pour sanctionner l'intention de la junte de se maintenir au pouvoir encore plusieurs années.
La junte laisse entendre aux Européens qu'ils vont revenir dans un cadre constitutionnel acceptable
Antoine Glaser, journaliste spécialiste de l'Afrique de l'Ouest
Début février, l'Union européenne a elle aussi décidé d'imposer des sanctions visant cinq responsables maliens, dont le premier ministre de transition, Choguel Kokalla Maïga, accusés de faire obstacle à la transition politique dans le pays.
L'annonce concernant la non-candidature de Goïta à la présidence constituerait alors une signal d'apaisement venant d'un Mali isolé sur la scène internationale. "C'est un message envoyé aux Européens disant : 'vous pensez que je suis un chef putschiste qui va se maintenir au pouvoir. Non, je ne vais pas me maintenir au pouvoir'. La junte laisse entendre aux Européens que le Mali va revenir dans un cadre constitutionnel acceptable", analyse Antoine Glaser.
Faire de telles annonces est d'autant plus stratégique pour Bamako. Le 17 février s'ouvre à Bruxelles le sommet UE-Afrique.
"À chaque fois, leur stratégie repose sur les effets d'annonce. C'est eux qui créent le happening. Ils prennent l'initiative politique. Ceci dit, il y a de plus en plus de critiques d'experts qui disent qu'il faut arrêter de faire des élections dans des pays où trois quarts du territoire ne sont pas controllés par l'État", poursuit Antoine Glaser.
Il y a une semaine, la junte a publié un autre projet de loi visant à conforter le pouvoir d'Assimi Goïta. Faut-il craindre une confiscation progressive du pouvoir par l'homme fort de Bamako ? Non, assure, Antoine Glaser, "compte tenu de sa personnalité, du fait qu'il ait pris le pouvoir et demandé tout de suite au M5 [un mouvement d'opposition, NDLR] de nommer un premier ministre et choisi Choguel Kokalla Maïga, un idéologue qui est ambitieux et qui se présentera s'il le peut aux élections."