Terminus
Article mis à jour le 27 novembre 2013 Sans doute arrivée aujourd'hui à son terme sans gloire, l'épopée du capitaine-général Sanogo se confond avec celle de son coup d’État et de ses suites, un bref règne aux allures de pieds-nickelés. L'histoire d'un conflit de caserne transformé en catastrophe nationale avant de l'être en guerre régionale. Le 21 mars 2012 dans la journée, le ministre de la défense malien Sadio Gassama se rend avec son chef d'Etat major Gabriel Poudiougou au camp militaire de Kati, à quelques kilomètres de la capitale pour évoquer la situation dans le nord du pays. Elle n'est guère brillante. Face aux Touaregs d'Ançar Dine et du MLNA surarmés depuis la chute de Kadhafi, les militaires maliens essuient revers sur revers. Un mois plus tôt, une centaine d'entre eux ont été froidement massacrés à Aguelhok, non loin de la frontière algérienne. Les soldes sont faibles, l'équipement dérisoire et en mauvais état. Fin janvier et début février se sont déroulées des manifestations d'épouses exigeant « des munitions » pour leurs maris. Quoique finissante – on est à un mois de l'élection où il ne se représente pas – l'autorité du président élu« ATT » (Amadou Toumani Touré) est affaiblie, contestée. A Kati, Gassama et Poudiougou sont pris à parti par des soldats furieux et essuient des jets de pierre. Leurs escorte doit tirer en l'air pour les dégager et leur permettre de s'enfuir. Enhardis, les mutins s'emparent de l'armement du camp et de quatre automitrailleuses. Apparemment sans préméditation, ils se dirigent à quelques dizaines vers la capitale et attaquent la présidence de la République. La garde formée de parachutistes (« bérets rouges ») résiste quelques heures mais cède dans la soirée. ATT a pu s'enfuir mais le bâtiment est pris, ainsi que ceux de la télévision nationale. Une mutinerie éclate le même soir à Gao. Dans la nuit, de nombreuses personnalités politiques sont arrêtées et conduites à Kati.
Matin blême
Le lendemain 22 mars à 5 heures du matin, un communiqué est lu à la télévision malienne par un lieutenant inconnu, Amadou Konaré. Annonçant la suspension de la Constitution, il justifie le coup d’État par « l'incapacité du gouvernement à donner aux forces armées les moyens nécessaires de défendre l'intégrité de notre territoire national » et promet, comme à l'accoutumée dans ces circonstances, de restituer le pouvoir à un gouvernement élu lorsque la situation le permettra. Celui-ci, en attendant, est exercé par une junte au nom laborieux en forme d'oxymore, le Comité national pour le redressement de la démocratie et la restauration de l’État. Elle est dirigé par un capitaine de 39 ans au verbe confus, Amadou Haya Sanogo, dont on saura qu'il a été formé aux États-Unis et dernièrement chargé de l'intendance. Les officiers supérieurs semblent absent du putsch. Le couvre feu est instauré et de nouvelles arrestations sont opérées à travers le pays. Modèle régional, la démocratie malienne a vécu. Dans les jours suivants, la majorité des grands partis politiques maliens condamnent le coup de force ainsi que de multiples associations et syndicats. La rue, cependant, ne bouge pas. Le 27 mars, les chefs d’États de la Cédéao (Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest) réunis à Abidjan suspendent le Mali de l’organisation afin de sanctionner les putschistes. Ils décident également l’envoi d’une délégation composée de plusieurs chefs d'Etats et menacent la junte d'une « action armée » soutenue par la Côte d'Ivoire, le Niger, le Nigeria et le Ghana.
Retraite
Le 29 mars, alors que des incidents ont opposé dans la capitale l'armée putschiste à des opposants et que des journalistes maliens comme étrangers ont été arrêtés ou malmenés, l'avion transportant la délégation des chefs d’États africains est empêché d'atterrir par une manifestation « spontanée » sur le tarmac de l’aéroport de Bamako. Cette fois, c'est un peu trop. La Cédéao lance un ultimatum à la junte exigeant le rétablissement de l’ordre constitutionnel dans les trois jours sous peine de sanctions dissuasives : interdiction de voyager, gel des avoirs, blocus du pays... Le lendemain, Sanogo présente ses excuses, évoquant sans rire « un incident malheureux, indépendant de notre volonté et de celle de nos compatriotes, venu entraver cette réunion ». Après des jours de pourparlers, la junte signe le 6 avril un accord de sortie de crise avec la médiation ouest-africaine. Elle s’engage à rendre le pouvoir aux civils après la démission d'Amadou Toumani Touré, réapparu quelques jours plus tôt dans une semi-clandestinité avant de prendre le chemin de l'exil. Le président de l’assemblée nationale, Diacounda Traore assurera la transition. L’accord prévoit la nomination d’un Premier ministre de transition : ce sera Cheikh Modibo Diarra, astrophysicien de son état. Une loi d’amnistie contre les auteurs du coup d’État sera adoptée, permettant aux putschistes de continuer à œuvrer dans l'ombre. Le 21 mai, ils passeront à tabac dans son bureau le président Traoré lui-même – qui devra se faire soigner en France durant plusieurs semaines – sans être inquiétés ; ils arrêteront en décembre le Premier ministre et imposeront son remplacement.
Débandades et soupçons
C'est pourtant plus encore et paradoxalement sur le terrain militaire que l'aventure des apprentis sorciers putschistes se transforme en désastre complet. Dès le 30 mars, les rebelles du MLNA et leurs douteux alliés ont pris dans le nord les villes de Kidal et Bourem. Gao tombe le lendemain, suivi de Tombouctou. Les deux tiers du pays passent en quelques jours aux mains d'une coalition dans laquelle les laïques touaregs sont vite balayés par un conglomérat de prétendus islamistes et narco-traficants d'AQMI, d'Ançar Dine et du MUJAO. Ceux-là mêmes qui ont fourni au coup d’État son prétexte officiel y régneront sans être sérieusement combattus jusqu'à l'intervention française. Beaucoup d'observateurs relèvent à cet égard une troublante coïncidence entre l'ultime offensive djihadiste de janvier 2013 et la montée, à Bamako, d'une nouvelle agitation hostile au Président Traoré, soupçonnant, entre islamistes et Sanogo, une connivence pour un partage de fait du pays. L'irruption imprévue des Français vient en tout cas contrer ce scénario et remet in extremis en selle le faible pouvoir civil « de transition », contraignant les comploteurs à plus de modestie ... mais non à la contrition. Alors qu'une partie de l'armée malienne remobilisée s'engage dans la libération du territoire, le bouillant capitaine se garde bien, en tout cas, de s'aventurer personnellement dans une guerre dont il s'était tant fait le chantre, ne se risquant pas même à un déplacement dans le nord. Retranché avec les siens dans son bastion de Kati mais visiblement toujours craint notamment pour ses liens conservés avec les services de sécurité, il demeure pourtant impuni. De façon surréaliste, il est même investi le 13 février en grande pompe à la tête d'un improbable Comité de réforme de l'armée ("compte tenu de ses qualités personnelles", précise sans rire le Président de la Transition). A défaut d'un rôle opérationnel, celui qui a largement contribué à précipiter son pays dans l'abîme y conserve un pouvoir de nuisance, le seul dans lequel il ait jamais vraiment excellé, même s'il s'avère avec le recul un peu fantasmatique. Gratitude des sortants ou précaution des entrants, il est même promu général par le dernier conseil des ministres de la Transition le 14 août 2013, peu après l'élection à la Présidence d'Ibrahim Boubakar Keita.
Le coup de trop
Trois mois plus tard, une nouvelle mutinerie dans son bastion du camp militaire de Kati, sans que son rôle soit très clair, est celle de trop. D'un silence ambigü à l'époque du putsch, le nouveau président Keita déclare dans un discours à la Nation que "Kati n'allait plus faire peur à Bamako", exigeant de l'armée qu'elle agisse en ce sens... ce qui, cette fois, est fait. Désarmé, le "général" Sanogo est chassé de Kati. Il reste libre, mais plusieurs des siens sont arrêtés. Convoqué la semaine dernière par la justice pour être entendu sur différents meurtres et violences perpétrées sous son autorité, il refuse de se présenter au juge d'instruction, arguant de sa qualité d'ex-chef d’État. Il est aujourd'hui arrêté comme un voleur de poules.
Sanogo écroué, inculpé de “meurtre et assassinats“
28.11.2013d'après AFPLe général Amadou Sanogo a été inculpé mercredi à Bamako de "meurtres et assassinats", entre autres chefs d'inculpation dans plusieurs affaires, et écroué. Sanogo "a été inculpé de meurtres et assassinats, complicité de meurtres et assassinats, et placé sous mandat de dépôt", a déclaré à l'AFP une source judiciaire proche du juge d'instruction Yaya Karembe qui avait ordonné son interpellation et l'a entendu avant de l'inculper. Il a en outre été inculpé de "séquestration et d'enlèvement", a ajouté cette source qui a affirmé que "nul n'est au dessus de la loi". "D'autres personnes" proches de Sanogo "seront rapidement entendues", a-t-elle affirmé. Selon une autre source au ministère de la Justice, l'ordre de l'arrêter a été donné "au plus haut niveau" de l'Etat. "C'est une victoire pour les familles des victimes et la justice malienne dans une affaire hautement sensible", ont estimé la Fédération internationale des ligues des droits de l'Homme (FIDH) et l'Association malienne des droits de l'Homme (AMDH), ajoutant: "C'est un signal fort pour la lutte contre l'impunité qui démontre que personne n'est au dessus des lois". Dans la matinée, plusieurs dizaines de soldats maliens armés ont pénétré au domicile du général Sanogo, dans le centre de Bamako, avant de le faire monter à l'arrière d'un véhicule, a constaté un journaliste de l'AFP. "Il ne voulait pas se rendre devant la justice, nous venons donc d'exécuter un mandat d'amener" du magistrat, a déclaré un militaire sur les lieux. Son domicile a été perquisitionné. Ancien capitaine promu général en août, il avait été convoqué fin octobre par le juge Karembe mais ne s'était pas présenté, ce qui avait provoqué l'indignation de plusieurs partis politiques et organisations de la société civile. Début octobre, d'anciens compagnons de Sanogo avaient mené une mutinerie à Kati, son ancien quartier général situé à 15 km de Bamako, pour réclamer eux aussi des promotions, obligeant l'armée régulière à intervenir pour reprendre le contrôle des lieux. Des proches de Sanogo sont soupçonnés d'avoir sévi contre ces soldats qui s'étaient alors opposés à lui. Mi-octobre, des familles de militaires avaient affirmé avoir découvert dans la caserne de Kati et ses alentours les corps d'au moins trois de leurs parents soldats. Exactions Dans les mois suivant le coup d'Etat du 22 mars 2012, puis le contre-coup d'Etat sanglant du 30 avril suivant, Kati avait déjà été le lieu de nombreuses exactions et assassinats commis contre des militaires considérés comme fidèles au président renversé, Amadou Toumani Touré. Des hommes politiques, des journalistes et des membres de la société civile ont également été victimes des brutalités des putschistes. Il y a une semaine, le Front uni pour la sauvegarde de la démocratie et de la République (FDR), coalition de partis et d'organisations qui s'étaient opposés au coup d'Etat, s'était déclaré "profondément indigné" que le général Sanogo ne réponde pas à une convocation de la justice.
Législatives : un second tour le 15 décembre
28.11.2013d'après AFPAucun parti ou coalition de partis politiques n'a obtenu la majorité absolue aux élections législatives du 24 novembre au Mali où un second tour aura lieu le 15 décembre, selon les résultats provisoires annoncés mercredi soir par le gouvernement. Le taux de participation a été de 38,4%, soit environ 10 points de moins qu'au second tour de la présidentielle du 11 août, "en deçà de nos attentes", a reconnu le ministre malien de l'Administration du territoire, Moussa Sinko Coulibaly, en annonçant les résultats provisoires qui doivent être confirmés par la Cour constitutionnelle. Les listes emmenées par les grands partis traditionnels, dont celui du président Ibrahim Boubacar Keïta (IBK)le Rassemblement pour le Mali (RPM), arrivent en tête dans la plupart des 55 circonscriptions.