Mali : selon l'expert indépendant Alioune Tine "la situation des droits de l'Homme est préoccupante"
Alioune Tine, expert indépendant de l'ONU, juge "préoccupante" la situation des droits humains au Mali. Il s'inquiète des exactions imputées aux djihadistes mais aussi aux forces régulières, ainsi que des restrictions des libertés sous la junte au pouvoir.
Assimi Goita, le 24 août 2020 à Bamako. Selon l'expert indépendant de l'Onu et directeur régional d'Amnesty international Alioune Tine, "la situation des droits de l'Homme est restée préoccupante" au Mali.
"La situation des droits de l'Homme est restée préoccupante", a dit devant le Conseil des droits de l'Homme des Nations unies Alioune Tine, expert de l'Onu sur le sujet pour le Mali.
Les groupes affiliés à Al-Qaïda et à l'organisation État islamique et d'autres groupes extrémistes "ont continué à procéder à des assassinats ciblés, des enlèvements, des actes d'intimidation, des menaces de mort, l'imposition de taxes illégales (la Zakat), des activités criminelles liées à l'orpaillage illégal" a continué l'expert.
Ces groupes sont responsables de 57,20% des atteintes aux droits humains, a-t-il précisé en présentant un rapport portant sur une période allant de mars à fin décembre 2021.
Mais il s'est aussi déclaré "gravement préoccupé par les allégations faisant état des violations sérieuses" des droits humains et du droit humanitaire imputées aux forces régulières maliennes. Il a fait état d'accusations d'exécutions sommaires, de disparitions forcées ou d'actes de torture.
Il est "également préoccupé par les arrestations et détentions arbitraires continues" dans les services du Renseignement, "où des personnes auraient été torturées".
Il a exprimé ses "profondes préoccupations par rapport au rétrécissement de l'espace civique" dont se plaignent la société civile et une partie de l'opposition. Il a spécifiquement cité la décision de la junte mi-mars de suspendre la diffusion au Mali des médias publics français RFI et France 24. Les autorités leur reprochent la diffusion d'informations selon lesquelles l'armée malienne est impliquée dans des exactions contre des civils.
Il a souligné que "réfuter en bloc" les mises en causes avant d'avoir mené des enquêtes "risque de faire peser le doute sur l'engagement international des autorités maliennes en matière de droits de l'Homme et leur volonté politique de lutter contre le cancer de l'impunité".
Le Mali "réitère son engagement à respecter et à faire respecter les droits de l'Homme malgré les défis de tous ordres qui nous assaillent", a répondu un responsable du ministère malien de la Justice dans un message enregistré.
Quant à l'impunité, les autorités "sont résolues (à) y mettre un terme", a-t-il assuré en citant sans plus de précision la tenue de procès antiterroristes, mais aussi "le jugement de plusieurs cas d'infraction relevant de la compétence des tribunaux militaires" ou encore la relecture en cours du code de justice militaire.
Il a admis "des lenteurs" dans les enquêtes, mais "cette situation n'est pas le fait d'un manque de volonté politique mais plutôt le résultat de contraintes d'ordre sécuritaire et matériel". Il a argué de la disparition des services de l'État et de l'insécurité sévissant dans des régions comme le centre, un des principaux foyers de la violence.
Un rapport de la mission de l'ONU au Mali (Minusma) publié à la suite de deux autres antérieurs indiquait que sur 584 civils tués en 2021, 67 avaient trouvé la mort au cours d'opérations des forces de sécurité maliennes, dont un certain nombre victimes d'exécutions sommaires ou arbitraires.
La Minusma impute la mort de plus de la moitié des 584 civils tués (331) aux groupes islamistes radicaux et celle de 122 autres aux groupes proclamés d'autodéfense communautaire, selon un comptage fait par l'AFP à partir de ces trois différents rapports.