Mali: un journaliste français enlevé par un groupe djihadiste

Un journaliste français, Olivier Dubois, collaborateur de différents médias comme le Point Afrique ou le quotidien Libération, affirme avoir été kidnappé début avril au Mali par des djihadistes affiliés à Al-Qaïda, dans une vidéo à la provenance indéterminée circulant sur les réseaux sociaux mercredi.

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Olivier dubois
Un journaliste français, Olivier Dubois, collaborateur de différents médias, affirme avoir été kidnappé début avril au Mali par des jihadistes affiliés à Al-Qaïda, dans une vidéo à la provenance indéterminée circulant sur les réseaux sociaux mercredi.
Capture d'écran/ réseau sociaux
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"Je peux vous confirmer la disparition au Mali du journaliste Olivier Dubois et je veux immédiatement adresser mes pensées à lui, à ses proches et à l'ensemble des rédactions avec lesquelles il a l'habitude de travailler", a déclaré à Paris le porte-parole du gouvernement français, Gabriel Attal.

Dans un brève vidéo d'une vingtaine de secondes, Olivier Dubois explique avoir été enlevé le 8 avril à Gao (nord) par le Groupe de soutien à l'islam et aux musulmans (GSIM, ou Jnim en arabe), principale alliance djihadiste au Sahel.


Assis par terre, les jambes croisées sur une toile de couleur verte, dans ce qui semble être une tente, il dit s'adresser à sa famille, à ses amis et aux autorités françaises "pour qu'elles fassent tout ce qui est en leur pouvoir pour me faire libérer".

Le journaliste, vêtu d'un costume traditionnel rose clair, la barbe bien taillée, regarde fixement la caméra et s'exprime d'une voix ferme. Les mouvements de ses doigts et d'une jambe semblent néanmoins traduire une certaine nervosité.

Journaliste aguerri 

Le quotidien Libération, pour lequel il travaillait régulièrement depuis avril 2020, a indiqué dans un article récemment publié ne pas avoir eu de nouvelles de lui "depuis bientôt un mois". Selon Célian Macé, journaliste à Libération, Olivier Dubois vivait au Mali "depuis six ans. Un pays qu’il aime et qu’il connaît bien.

Il s'était rendu de sa propre initiative à Gao en vue d'un entretien avec un commandant du GSIM, Abdallah Ag Albakaye, selon des informations recueillies auprès de différents interlocuteurs militaires et diplomatiques et du "fixeur" d'Olivier Dubois, l'un de ces locaux auxquels les journalistes font couramment appel dans les zones à risques pour les aider dans leur travail.

Voir aussi : Mali : Olivier Dubois, journaliste français, kidnappé depuis un mois

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L'interview avait été arrangée avec le concours de ce "fixeur", seulement identifié comme Souleymane pour des raisons de sécurité. Avec son aide, le journaliste avait préalablement échangé par écrit avec Abdallah Ag Albakaye, commandant d'un groupe de jihadistes dans la zone de Talataye, à environ 150 km de Gao. Souleymane est originaire de cette même région.

Olivier Dubois a rallié Gao depuis Bamako le 8 avril au matin par avion, grâce à la réouverture récente de lignes commerciales entre la capitale et plusieurs villes du centre et du Nord. Il a déposé des affaires comme son passeport et son téléphone à l'hôtel où il avait une chambre réservée.
 

Nous confirmons la disparition au Mali de M. Olivier Dubois. Nous sommes en contact avec sa famille ainsi qu'avec les autorités maliennes. Nous procédons aux vérifications techniques d'usage.
                                               Un responsable du ministère français des Affaires étrangères
 

Il avait alors rendez-vous dans un appartement de Gao avec Abdallah Ag Albakaye. Souleymane a indiqué avoir accompagné le journaliste dans une rue de Gao où il l'a vu embarquer dans une voiture avec plusieurs hommes. Le journaliste n'a plus été vu en public depuis.

L'alerte a été donnée discrètement deux jours après, quand il ne s'est pas présenté à son vol de retour de Gao vers Bamako. La nouvelle de sa disparition, connue d'un certain nombre, a été tenue secrète, avec l'espoir d'un simple changement de programme, qui est allé s'amenuisant de jour en jour jusqu'à la diffusion de la vidéo dans la nuit de mardi à mercredi 5 mai.

"Nous avons été informés deux jours après sa disparition. En concertation avec les rédactions qui l'emploient habituellement, nous avons pris la décision de ne pas rendre publique cette prise d'otage, afin de ne pas entraver une éventuelle issue positive rapide",a réagi sur Twitter le secrétaire général de Reporters sans frontières (RSF), Christophe Deloire, en demandant aux autorités maliennes et françaises de "tout mettre en oeuvre pour obtenir sa libération".

"Nous confirmons la disparition au Mali de M. Olivier Dubois. Nous sommes en contact avec sa famille ainsi qu'avec les autorités maliennes. Nous procédons aux vérifications techniques d'usage", a assuré un responsable du ministère français des Affaires étrangères.

Poussée djihadiste au Nord

Il n'y avait plus de Français otage dans le monde depuis la libération en octobre 2020 de Sophie Pétronin, une septuagénaire enlevée près de 4 ans plus tôt, par des hommes armés à Gao également, où elle vivait et dirigeait depuis des années une organisation d'aide à l'enfance.

Mme Pétronin avait été libérée en même temps que l'homme politique malien Soumaïla Cissé, décédé depuis, et que deux Italiens, Nicola Chiacchio et Pier Luigi Maccalli, également enlevés par des jihadistes.

Voir aussi : Sophie Pétronin libérée : retour sur 4 ans de captivité

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Malgré des conjectures persistantes, le gouvernement malien n'a jamais confirmé le paiement d'une rançon, en plus de la libération de 200 prisonniers, dont un certain nombre de jihadistes, contre la liberté de ces quatre otages.

En octobre 2020, la Suisse avait été informée que le GSIM avait exécuté Béatrice Stöckli, une missionnaire évangélique, qui avait été enlevée en janvier 2016 à Tombouctou. En mars dernier, le ministère suisse des Affaires étrangères avait indiqué que son corps avait pu être retrouvé et formellement identifié.

Voir aussi : Libération des otages au Mali : "L'argent des rançons nourrit le djihadisme"

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Le Mali est en proie depuis 2012 à une poussée jihadiste partie du Nord, qui a plongé le pays dans une crise sécuritaire et s'est étendue au centre du pays. Les violences se sont également propagées au Burkina Faso et au Niger voisins.

Les violences - jihadistes, intercommunautaires ou autres - ont fait des milliers de morts et des centaines de milliers de déplacés, malgré l'intervention des forces de l'ONU, française et africaines.