Nasser Zefzafi, le chef du mouvement "Hirak" de contestation populaire qui dure depuis 6 mois dans la région du Rif a été arrêté, lundi 29 mai. Il était recherché depuis vendredi 26 mai pour avoir interrompu le prêche d’un imam lors de la grande prière à la veille du ramadan dans la ville d'Al Hoceïma au nord du Maroc.
"Zefzafi a été arrêté", a annoncé une source gouvernementale à l'AFP. Nasser Zefzafi était recherché depuis vendredi 26 mai et a été arrêté ce lundi 29 mai au matin par la police.
De nouveaux affrontements violents avaient éclaté vendredi et samedi soir lors de manifestations en soutien à Nasser Zefzafi, le chef de Hirak, un mouvement de contestation sociale qui agit depuis plus de 6 mois dans la région du Rif, au nord du Maroc. Tard dans la nuit de ce week-end, des groupes de jeunes se sont rassemblés et ont scandé "Vive le Rif" ou encore "Nous sommes tous Zefzafi".
Les forces anti-émeutes sont intervenues pour les disperser violemment à coups de matraques. Les manifestants ont riposté à coups de pierres durant près d’une heure. Vingt personnes, dont plusieurs militants de Hirak ont été arrêtées. Elles sont accusées
"d’atteinte à la sécurité intérieure",
"d’avoir reçu des transferts d’argent et un appui logistique de l’étranger" pour
"porter atteinte à l’intégrité du royaume." Nasser Zefzafi, icône de la contestation sociale
Nasser Zefzafi est la figure de la contestation populaire née en octobre dernier après la mort de Mouhcine Fikri, un vendeur de poisson, accidentellement broyé dans une benne à ordures. Le leader de la mouvance "Hirak" était recherché par la police pour avoir interrompu, lors de la grande prière du vendredi 26 mai, le prêche d'un imam dans la mosquée Mohammed V à Al Hoceïma.
Selon l'Association marocaine des droits humains (AMDH), c'est "l'insistance" de l'imam "à mobiliser les fidèles contre les manifestations" qui "a suscité l'ire des militants du Hirak" présents, en particulier Nasser Zefzafi qui s'est estimé "directement ciblé par ce prêche". Ce dernier considère en effet que les instances religieuses s’adonnent parfois à de la propagande au service du pouvoir. Une analyse que confirme Mounia Bennani-Chraïbi, professeure de sciences sociales et politiques à l’Université de Lausanne : "Les gens acceptent de moins en moins que la nation ou la religion soient utilisées de manière aussi politicienne par le régime".
Dans un communiqué, le procureur du roi a ordonné "l'ouverture d'une enquête et l'arrestation de Nasser Zefzafi". Selon le procureur du roi, le leader de la mouvance "Hirak" a empêché "le prédicateur de poursuivre son prêche, prononçant un discours provocateur où il a insulté l'imam et semé des troubles qui ont attenté au calme et à la sacralité du lieu de culte". Il risque de 6 mois à trois ans de prison.
Ce genre d’acte est de nature à jeter de l’huile sur le feu Mustapha Tossa, journaliste et politologue franco-marocain
Nasser Zefzafi est soutenu par une bonne partie de la population car "pendant de longs mois, il est parvenu à diriger ce mouvement social et est devenu une icône, assure Mustapha Tossa, journaliste et politologue franco-marocain. Mais je crois qu’après cet acte qui consistait à violer la sacralité d’une mosquée, cela va changer la perception des Marocains à son égard. Même ceux qui comprenaient son discours social revendicatif peuvent être heurtés par une telle démarche. Le peuple marocain est un peuple très conservateur et très religieux et pour lui les symboles sont très importants. Il ne faut pas jouer avec la dynamite religieuse et sociale. Et ce genre d’acte est de nature à jeter de l’huile sur le feu".
Des revendications sociales et politiques
Depuis plusieurs mois, la région du Rif, réputée frondeuse, est le théâtre de manifestations récurrentes menées par la mouvance de Nasser Zefzafi. Au fil des mois, cette contestation a pris une tournure plus sociale et plus politique pour dénoncer
"l’abandon" et la
"marginalisation" de cette région par le pouvoir de Rabat.
Selon le
site d’informations marocain TelQuel, les protestataires exigent le développement de leur région dans les domaines de la santé (construction d’hôpitaux, de dispensaires) et de l’éducation (construction d’une université pluridisciplinaire, d’instituts de formation) mais également une évolution économique qui se traduirait par la levée
"du blocus économique" dont la région fait l’objet et l’arrêt de la
"corruption généralisée". Leurs revendications sont également politiques : pas convaincus des résultats de l’enquête sur la mort de Mohcine Fikri, les activistes d’Al Hoceima
"demandent aux autorités de mener des investigations approfondies et, surtout, de divulguer les résultats de l’enquête dans les plus brefs délais", explique TelQuel.
En réponse aux manifestations et aux revendications des contestataires, l'Etat avait relancé ces dernières semaines tout un catalogue de projets de développement pour la région, érigée en
"priorité stratégique", tout en disant vouloir
"favoriser la culture du dialogue". Mais en attendant la concrétisation de ces mesures, le mouvement d’Al Hoceïma poursuit le combat.