Maroc : disparition de l'écrivain et journaliste Driss El Khoury

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Driss El Khoury, capture d'écran
Driss El Khoury. (Capture d'écran YouTube)
D.R.
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L'écrivain et journaliste Driss El Khoury, considéré comme l'une des meilleures plumes de la littérature marocaine arabophone, est décédé lundi 14 février à l'âge de 83 ans à Salé, près de Rabat, a annoncé l'Union des écrivains du Maroc.

"Avec la disparition de Driss El Khoury, le Maroc perd un homme exceptionnel, un grand écrivain et un créateur talentueux et engagé", écrit l'Union des écrivains du Maroc dans le communiqué qui lui rend hommage.

Auteur prolifique et personnage haut en couleur, Driss El Khoury était davantage connu dans le monde arabe que francophone.

Driss El Khoury est un grand écrivain, demeuré méconnu, car lu uniquement par les arabophones.Driss Chouika, traducteur du Double langage

"Quant à la classification des auteurs marocains en arabophones et francophones, je trouve qu'elle est toute faite car elle vise à créer un profond abîme entre les écrivains marocains nonobstant leur langue", commentait-il dans son essai "Double Langage" traduit en français en 2017. Le traducteur Driss Chouika disait dans la préface :

"Chacun des articles de ce recueil s'attaque, avec acuité, virulence et pertinence, et dans une expression et un style qui "coulent de source", à l'un des thèmes qui sous-tendent la vie culturelle et intellectuelle au Maroc en particulier et dans le monde arabe en général. Une écriture d'une rare lucidité dans le monde arabe, qui m'a poussé à traduire ce recueil. C'est que Driss El Khoury est un grand écrivain, demeuré méconnu, car lu uniquement par les arabophones. D'où ce modeste effort pour le plaisir et l'intérêt de le rendre accessible aux lecteurs francophones. "

Parmi ses nouvelles les plus populaires, figurent "Al-Bidayat" ("Débuts", 1980) et "Al-Ayyam wa Allayali" ("Jours et nuits", 1982).

Aux côtés d'emblématiques écrivains marocains tel que Mohamed Choukri et Mohamed Zefzaf, il est décrit comme un "trublion" de la littérature de par ses écrits sans filtres.

Son destin s’insère, se reflète, dans des situations tragi-comiques, autant de trames de narrations marquées par la simplicité et la nudité d’un style traduisant le vécu du peuple.Abderrahmane Amzellough, journaliste

En avril 2004, l'Institut du Monde arabe à Paris lui rendait hommage. Le journaliste de la télévision marocaine 2M, Abderrahmane Amzellough faisant le compte rendu de cette soirée soulignait qu'aux "côtés de Mohammed Zefzaf, Ahmed Bouzfour, et bien d’autres nouvellistes du Maroc, Driss Khoury a su doter la nouvelle, genre majeur dans le monde arabe, d’une touche singulière. [...] Son destin s’insère, se reflète, dans des situations tragi-comiques, autant de trames de narrations marquées par la simplicité et la nudité d’un style traduisant le vécu du peuple."

Abderrahmane Amezzelough écrit à propos du recueil "Nostalgia" que l'écrivain transporte ses lecteurs "vers Casablanca des années 60. A l’époque où la mégalopole, qui a marqué l’œuvre du nouvelliste, commençait à déployer ses tentacules. Khoury, qui a grandi à Derb Ghallef et à Mâarif, raconte son enfance et son adolescence, à travers des lieux, devenus mémorables pour les enfants de Casa.
Dans le quartier "prolétaire" de Derb Ghallef, réputé par la résistance au temps du Protectorat, l’écrivain a grandi dans une modeste maison où sa famille cohabitait avec les voisins, avant de le quitter vers Mâarif, considéré jadis comme un espace huppé.
[...] Dans ce voyage dans le temps et dans l’espace, Nostalgia nous brosse également le portrait de Driss Khoury, qui a su se dégager de la marge pour devenir une référence dans la littérature marocaine. "

Driss El Khoury "est une plume alerte, singulière. Une voix authentique aussi. Celle des petites choses, des petites gens (...) Toute son œuvre est une ode à la  liberté. Celle d'écrire, de respirer, d'être ce qu'on est et rien d'autre", résumait Karim Boukhari, rédacteur-en-chef de la revue d'histoire Zamane, en 2019.

Né en 1939 à Casablanca, l'écrivain fut journaliste dans la presse de gauche - notamment au quotidien arabophone "Al Ittihad Al ichtiraki" ("L'Union socialiste") jusqu'à sa retraite.