Le Maroc mène t-il une politique délibérément violente à l'égard des migrants? Racisme, mauvais traitements, expulsions hors cadre juridique, un rapport une ONG locale lance l'accusation. Le GADEM dénonce des milliers d'arrestations et de déplacements forcés dans la région de Tanger.
C'est une photo révélatrice, elle montre des femmes menottées, à l'aéroport Mohammed V de Casablanca. Selon les membres du Groupe antiraciste pour les étrangers et les migrants ce sont des immigrés en règle, avec carte et passeport en main, mais expulsées comme des clandestins.
Camille reçoit des photos comme celle-ci chaque jour, prises et envoyées par les migrants pour témoigner de ce qu'ils subissent. Rafles, violences, conditions de détention indignes, ici dans le sous-sol du commissariat Central de Tanger.
Ca, ce sont des bouteilles remplies d’urine car les personnes n’avaient pas accès la nuit aux sanitaires.
Le mot torture revient extrêmement souvent
Camille, GADEM Groupe anti-raciste pour les Etrangers et les Migrants
Le Gadem a enquêté des mois durant, récolté des témoignages directs sur le terrain.
Ils seraient désormais des milliers, avec ou sans papiers, envoyés vers le sud, le plus loin possible de Tanger, ville frontalière, porte d'entrée vers l’Europe.
Nos reporters ont pu rencontrer l’un de ces migrants déplacé de forces. Dix ans de vie à Tanger, déplacé du jour au lendemain au petit matin.
Il y avait 4 cars de police, ils sont venus à la maison, ils ont sonné à la porte, heureusement pour ne pas fracturer la porte j’ai demandé aux autres gars qui étaient avec moi, d’ouvrir la porte. Lorsqu’ils sont rentrés ils ont pris tout le monde sans demander les papiers !
J’ai compris que le problème ce n'est pas d’avoir un papier, on leur a donné un quota, que chaque car doit contenir 13 personnes parce que je les entendais compter, 13 ? t’as 13 ? Papa Baidy Fall, Sénégalais déplacé de force
Et dans la rafle, il perd tout. Portables, ordinateurs, vêtements, rien ne reste.
" C’est comme s’ils cherchaient un butin de guerre. Nous on n'est pas en guerre.
On n’a pas le droit de nous traiter ainsi. Au moment où je vous parle, il y a plus de 300 personnes qui sont dans les locaux de la police depuis un mois " raconte Papa Baidy avant de reprendre
" et quand on t’attrape en tant que clandestins, si c’était illégal, il fallait nous traduire devant la justice. Nous amener au niveau du procureur. Mais si vous nous gardez un mois, rien que pour nous mettre dans un bus, nous déporter ? Ce n'est pas sérieux. " s'insurge t-il.
Les chiffres sont évidemment sujet à caution, le Gadem vient de rendre publique ses propres estimations, évaluées à minima. «
On serait à 7520 personnes dont 174 femmes dont 22 femmes enceintes, 147 mineurs, dont 21 bébés, 27 enfants de moins de 10 ans, et parmi eux des demandeurs d’asile donc enregistrés au HCR » explique Camille du Gadem.
Les compagnies de transport auraient-elles des consignes ? Aujourd'hui les cars sont systématiquement arrêtés, fouillés. Et même quand ils sont en situation régulière, les subsahariens se disent aujourd’hui empêchés de se rendre à Tanger.