Oui ou non : telle est maintenant la question qui va occuper le Maroc jusqu’au 1er juillet, date du référendum sur la nouvelle Constitution. Faut-il entériner le texte dévoilé par le Roi vendredi dernier, ou faut-il maintenir le rapport de forces pour dénoncer ce que certains appellent une véritable mascarade ? Le débat est lancé.
Une constitution de transition, et déjà des appels au boycott
Mohammed VI le jour de son discours sur la Constitution, le 17 juin 2011
Les Marocains attendaient une véritable Constitution démocratique : ils ont eu, au mieux, une constitution de transition démocratique. Grande déception, donc, chez nombre de syndicalistes et de mouvements civils qui depuis février réclamaient une transformation en profondeur du système politique et du système de gouvernance marocain. Ils ont d’ailleurs dès lundi appelé à un boycott du référendum, et les débats vont bon train, dans les médias comme dans les cafés ou les salons, sur les nouvelles dispositions constitutionnelles. VERS UN PLUS GRAND RESPECT DES DROITS HUMAINS Une seule chose fait l’unanimité : ce sont les avancées incontestables en matière de respect des droits. L’égalité entre hommes et femmes est désormais inscrite dans la Constitution, et la protection des libertés individuelles renforcée: la torture est désormais interdite et considérée comme un crime pénal, et la constitution impose le respect de l’individu, de son domicile et de sa correspondance. Le texte consacre également la liberté d’expression (les lignes rouges restant la personne du roi) et le droit à l’information. Seul bémol relevé par certains : le manque de clarté de certaines formulations. « Le préambule évoque la primauté des conventions internationales ratifiées par le Maroc sur le droit interne du pays… mais dans le respect de son identité nationale immuable », note Rabah Mansouri, développeur web. «Cela veut dire que le Maroc est libre de considérer que certaines conventions ne respectent pas son identité et donc n’est pas obligé de les respecter ! ». DES LIGNES ROUGES TOUJOURS INFRANCHISSABLES Mais c’est sur le plan de l’organisation politique que les critiques sont les plus acerbes. Le roi a certes renforcé les prérogatives du Premier ministre : le gouvernement comme le Parlement auront un champ d’intervention élargi, avec un pouvoir de contrôle parlementaire accru. Mais le roi n’a pour autant rien renier des siennes. C’est lui qui aura le dernier mot sur les nominations des ministres et des gouverneurs, c’est lui qui présidera le conseil des ministres et le conseil de la magistrature dont il nomme une partie des membres. Il peut aussi, sur consultation des autres pouvoirs – mais sans leur accord -, dissoudre le Parlement. En somme, la méfiance à l’égard des autres pouvoirs reste la règle. « C’est une démocratie sous tutelle que l’on nous propose, explique, désabusé, Younès Benkirane, étudiant en sciences politiques. Nous n’avons pas été entendus du tout, notamment parce que les partis politiques n’ont pas saisi avec nous ce moment historique où l’on aurait pu peser pour de vrais changements. Ils ont applaudi la nouvelle constitution parce qu’ils ne veulent pas vraiment être responsables : ils veulent juste rester sous le parapluie des proches du palais, pour s’assurer de leurs bonnes grâces. Rien ne changera avec cette constitution». LA PROPAGANDE DÉJÀ À L'OEUVREPOUR LE RÉFÉRENDUM Le discours était à peine terminé, ce vendredi, que déjà les affiches pour le « Oui » à la constitution recouvraient les murs des grandes villes, et que de nombreuses manifestations de joies plus ou moins orchestrées comme au bon vieux temps de Hassan II éclataient un peu partout. Mais suffiront-elles à couvrir la colère qui couve encore chez les Marocains qui rêvent toujours d’une vraie démocratie fondée sur une séparation nette des pouvoirs ? Pas sûr