Al-Haqed est en prison pour un clip qu’il n’a pas personnellemnt créé, ni posté sur Youtube : comment la loi marocaine justifie-t-elle son arrestation ? On a l’impression que c’est une volonté de faire taire l’activisme culturel, et bien évidemment politique, de Mouad Belghouat, en fomentant des qualifications pénales qui sont plus ou moins proches de la réalité. Parce que pour qu’il y ait outrage à agent, il faut qu’il y ait un lien direct entre la personne et l’agent outragé. Là, il y a outrage indirectement, via un vidéo-clip et une chanson. La poursuite va se concentrer plutôt sur les paroles de la chanson plutôt que sur les images du vidéo clip où une tête d’âne a été placée sur le corps d’un policier. Le rappeur est très soutenu par la jeunesse, jeunesse qui est nombreuse au Maroc : la monarchie ne craint pas de se mettre à dos autant de ses sujets ? En sciences-politiques, on a une équation qui nous dit que le pouvoir d’influence est alternatif au pouvoir d’injonction : c’est-à-dire que le pouvoir a la capacité de lever les armées et l’impôt, et les « têtes de réseaux », qui participent par leur intellect ou leur activité culturelle, ont ce que l’on appelle un pouvoir d’influence. Lorsqu’il y a un équilibre pareil, le pouvoir d’injonction peut s’inquiéter. Mais en France, les groupes NTM ou Ministère a.m.e.r ont carrément appelé à l’assassinat de policiers. La République française les a condamnés à 3000 ou 3500 francs à l’époque. Mais qu’une « maison » comme celle de la sûreté nationale soit inquiète d’une chanson de rap est un indicateur d’instabilité au Maroc. J’espère que ce n’est pas un indicateur d’instabilité de tout un régime. Par rapport à une réaction des jeunes vis-à-vis d’une condamnation de Mouad, je ne peux pas m’avancer là-dessus, mais je sais que Mouad est très populaire dans les jeunes générations, notamment celles des milieux défavorisés, qui d’un point de vue démographique constitue la majorité du pays. L’expression artistique contestataire, par le rap, est-elle en progression au Maroc, Al-Haqed fait-il des émules ? Oui, nous avons des exemples concrets, notamment Hoba Hoba Spirit qui avait déjà pointé du doigt différents dysfonctionnements sociaux et l’approche sécuritaire de la gouvernance, et puis plusieurs groupes de rap qui se sont inscrits dans cette ligne plus ou moins contestataire. Mais bien évidemment avec le printemps arabe, le mouvement du 20 février, il y a vigilance de l’Etat, j’ai envie de dire. Si Al-Haqed est condamné, quelle peut –être la réaction populaire ? Il y a une mobilisation internationale, le communiqué de Human Rights Watch, tombé avant-hier, condamne cette arrestation, les médias internationaux font pression sur l’opinion publique pour que Mouad soit libéré, la profession des avocats fait pression à la barre, mais il est évident que fermer une bouche en incite d’autres à s’ouvrir, empêcher un espace d’expression pousse à ce que d’autres veuillent se créer.
Qu'allez-vous plaider le 25 ?
Je plaide la relaxe et l'innocence de Mouad évidemment ! Il n'y a pas de culpabilité en l'espèce, avec la nouvelle constitution, l'article 25 est très clair : la liberté d'expression est garantie par l'Etat. Ce même Etat qui essaye d'étouffer la liberté d'expression ! Il y a donc contradiction notoire entre les textes et l'applications des textes.