Fil d'Ariane
Quatre des meneurs du mouvement de contestation sociale du Hirak dont Nasser Zefzafi, ont été condamnés lundi soir à 20 ans de prison par la cour d'appel de Casablanca. Ces peines de prison ont suscité l'indignation dans tout le pays.
20 ans de prison. Le chef de file du mouvement, Nasser Zefzafi, ainsi que trois autres meneurs, Nabil Ahmjiq, Ouassim Boustati et Samir Ighid, ont écopé d'une lourde peine pour "complot visant à porter atteinte à la sécurité de l'Etat". Ils risquaient la peine de mort.
Les 49 autres militants qui comparaissaient avec eux ont écopé de peines comprises entre un et quinze ans de prison. Un verdict prononcé, au terme d'un procès-fleuve de plusieurs mois, et en leur absence. Car tous ont refusé de se présenter devant le tribunal. Leurs avocats ont refusé de plaider, par solidarité. Un boycott pour dénoncer la "partialité" de la justice marocaine, selon les accusés.
Je suis déçu et choqué par les condamnations. On s'attendait à ce qu'il y ait plus de justice et d'équité. Plusieurs choses ont convaincu les accusés lors du procès qu'ils n'étaient pas face à une cour indépendante.
Maître Mohamed Aghnaj, membre du collectif de défense des détenus du Hirak
Pas d'avocats, mais des proches des accusés lors du verdict. Ils ont poussé des cris de détresse quand les peines les plus lourdes ont été prononcées. Quelques rares militants ont scandé des slogans de solidarité, comme "Vive le Rif" ou "Nous sommes Zefzafi".
Ce mercredi, des milliers de Marocains ont défilé dans les rues notamment à Rabat.
Sur Internet une pétition a été lancée pour réclamer une loi d'amnistie générale pour les condamnés du Hirak.Les avocats ont l'intention de faire appel après concertation avec leurs clients. Comme ses co-détenus, Nasser Zefzafi a boycotté les derniers jours d'audience et refusé de prendre la parole aux dernières heures du procès.
L'ancien demandeur d'emploi de 39 ans est devenu le visage du Hirak ("mouvement" en arabe), notamment avec ses talents d'orateur. Nasser Zefzafi ne mâche pas ses mots, dénonce alors la corruption, l'arbitraire du pouvoir, la répression de l'État policier et appelle le roi Mohammed VI à oeuvrer pour sortir la région du Rif de la pauvreté et de l'enclavement.
On le soupçonnera alors d'intention séparatiste ce qu'il nie. Il sera arrêté pour avoir interrompu le prêche d'un imam ouvertement hostile au mouvement, dans une mosquée d'Al-Hoceïma, ville-épicentre de la protestation qui a secoué le Rif. Longtemps délaissée sous le règne de Hassan II, la région a une réputation de frondeuse et entretient des relations difficiles avec le pouvoir central marocain.
Pour assurer sa défense, à la barre, Nasser Zefzafi évoque un procès politique et cite la Constitution marocaine qui autorise les manifestations pacifiques. Il assure avoir été torturé pendant un interrogatoire.
Nous sommes des fils de pauvres, des gens simples, sortis dans la rue pour dire "non" à l'injustice et à la tyrannie. Qu'est-ce qui empêche l'Etat central de répondre aux citoyens qui demandent des hôpitaux, des universités, et qui souhaitent combattre la mafia ?"
Nasser Zefzafi, meneur de la contestation dans le Rif marocain, 29 avril 2017
Les manifestations déclenchées par la mort d'un vendeur de poissons, broyé dans une benne à ordure en octobre 2016, avaient fait plus de 600 blessés parmi les forces de l'ordre. 450 personnes, selon des associations, avaient été arrêtées.
Les associations de défense des droits humains critiquent l'"approche sécuritaire" des autorités et dénoncent la "répression" du mouvement et les actes de "torture".
Le gouvernement répond à l'indignation populaire en affirmant que la justice est indépendante et qu'il faut attendre la phase d'appel.
> Revoir le reportage de notre correspondante sur la contestation à Al Hoceïma, dans la région du Rif en juillet 2017 :
> Revoir le reportage de notre correspondante à Casablanca lors d'une manifestation des partisans du Hirak qui protestent contre la détention de leurs proches en octobre 2017 :