De fragiles libertés
En 1999, l'intronisation du jeune roi Mohammed VI fait souffler un vent de liberté sur le Maroc. En 2004, le souverain crée l'Instance Equité et Réconciliation. Les victimes des années de plomb qui ont subi des violences sous Hassan II, sont appelés à témoigner. La parole se libère mais les responsables ne sont pas poursuivis. Depuis les attentats de 2003 qui ont fait 45 morts à Casablanca, la situation tend à se ternir. La présidente de l'Association marocaine des droits humains parle de "régression". Quant au fils de Ben Barka, il évoque des "pratiques" qu'il juge "indignes d'un État de droit".
Plantu : “Mohammed VI mérite mieux, ses sbires font du zèle“
Plusieurs journalistes marocains ont été condamnés à des peines de prison et le quotidien français Le Monde a été interdit à la vente au Maroc les 22,23 et 24 octobre car les caricatures de Plantu avaient été jugées "irrespectueuses" de la famille royale. Le quotidien espagnol El Pais a subi le même sort le 25 octobre. Entretien avec le dessinateur de presse français Jean Plantu, qui publie dans Le Monde et à l'Express. 5 novembre 2009 -12'04
RSF alerte Hillary Clinton sur le sort “inquiétant“ de la presse au Maroc
L'organisation Reporters sans frontières attire l'attention sur le cas de plusieurs journalistes marocains dont les caricatures n'ont pas été appréciées au palais royal. Récit de Marian Nagusewski 3 novembre 2009 - 1'58
Le Monde interdit
Le Maroc interdit mardi 4 août la vente sur son territoire du quotidien français. Le Monde vient de publier une enquête d'opinion réalisée à l'occasion des dix ans de règne de Mohammed VI. Elle démontre pourtant que le roi reste très populaire. Reportage Anne Verdaguer et Marina Pool 4 août 2009 - 2'14
TelQuel et Nichane censurés
Les derniers numéros des deux hebdomadaires marocains ont été saisis par le ministère de l'Intérieur. Leur faute : ils auraient enfreint le code de la presse. Rien de plus précis, mais les journaux avaient projeté de publier un sondage sur la popularité de Mohammed VI... Commentaire de Guillaume Villadier 3 août 2009 - 02'01
La liberté de la presse en question
Le Maroc compte 21 quotidiens, 226 hebdomadaires, 226 mensuels et de nouvelles radios privées. Mais les condamnations à l'encontre des journalistes sont relativement courantes. Reportage de la RTBF 4 mai 2009 - 2'38
“Sous Mohammed VI, il y a eu des arrestations arbitraires et des disparitions“
Entretien avec Bechir Ben Barka, fils de Mehdi Ben Barka, principal opposant socialiste au roi Hassan II, enlevé en octobre 1965 à Paris et porté disparu.
Mohammed VI a t-il fait avancer le dossier Ben Barka ? La réponse n’est pas nette. On constate à la fois des avancées et des reculades. Son premier discours au trône avait été très encourageant. D’ailleurs, en novembre 1999, ma famille a décidé de revenir au Maroc après 35 ans d’exil volontaire. Les justices française et marocaine ont repris contact. Il a été reconnu que les truands qui ont enlevé mon père ont bien vécu au Maroc et qu’un ancien commissaire marocain est directement impliqué. On sait également où mon père a été exécuté, dans une villa près de Rabat. Mais le gouvernement marocain n’a pas autorisé la fouille des lieux. Dans une interview accordée au Figaro, Mohammed VI disait vouloir faire la vérité sur l’affaire Ben Barka mais ses déclarations sont restées lettre morte. Sur le terrain, il existe encore des réticences judiciaires et sécuritaires. Pourquoi, 44 ans après la disparition de votre père, le dossier Ben Barka est-il toujours bloqué ? On dit que ce sont les services de sécurité marocains qui bloquent le dossier. Mais nous n’en savons rien. Qu’est-ce qui est encore gênant dans ce dossier ? On connaît le commanditaire, le régime marocain au plus haut niveau, et les exécutants. Cette situation est pour nous incompréhensible. Ni la France ni le Maroc n’ont le courage de dire la vérité. On a l’impression qu’ils se sont donné le mot pour ne rien dire qui pourrait impliquer l’autre. Il faut savoir qu’en octobre 2007 un mandat d’arrêt international émis par un juge a été stoppé par la chancellerie française. Que pensez-vous du travail réalisé par l’Instance Équité et Réconciliation créée en 2004 ? Cette initiative a suscité un grand espoir et a été saluée par le mouvement des droits humains. C’était une grande avancée. La parole a été libérée. Les victimes des années de plomb ont pu raconter leur histoire devant les médias. Mais l’affaire Ben Barka a été traitée à part. Après avoir entendu des témoins et nous-mêmes, la commission a rédigé un rapport de 200 pages puis, sur une décision de la présidence, l’a tronqué et réduit à une seule page. C’est indigne. Cela a suscité la colère de nombreux membres de la commission. On espérait que le conseil constitutionnel des droits de l’homme marocain réagisse mais il n’a rien fait alors qu’il avait les moyens d’agir comme mener des investigations sur le lieu de l’exécution. Les promesses qui ont été faites publiquement aux familles victimes des années de plomb n’ont pas été tenues. Etes-vous déçu ? L’affaire Ben Barka est un symbole. Au bout de 10 ans de règne, c’est un rendez-vous manqué pour la vérité et pour l’histoire marocaine. Il aurait fallu tourner cette page de manière digne, en respectant les familles des disparus. Or ce n’est pas le cas. Les responsables individuels et étatiques n’ont pas été nommés. Le problème de fond demeure : celui de l’impunité des tortionnaires. Il y a encore des pratiques au Maroc qui sont indignes d’un État de droit. Quel héritage votre père a t-il laissé au Maroc ? Mon père reste toujours une référence dans certains milieux politiques et même au sein de la jeunesse. Pour les 20-25 ans, Ben Barka n'est pas qu'un nom. Il représente des valeurs d’intégrité et de non compromission. C’est parce qu’il a refusé la compromission qu’il a été arrêté. Son combat politique dérange encore. En dix ans, le Maroc a-t-il fait des progrès en matière de droits humains ? Il y a eu des avancées. Mais depuis les attentats de 2003 à Casablanca, j’ai l’impression que le Maroc recule. Il s’est passé des choses sous Mohammed VI qu’on ne pensait plus jamais revoir, comme des arrestations arbitraires et des disparitions sans aucune explication… Il y a aussi une remise en cause de la liberté de la presse qui subit ces dernières années une forte pression financière et administrative. J’espère que cet épisode n’est qu’une parenthèse dans le règne de Mohammed VI. Qu’attendez-vous aujourd’hui ? Aujourd’hui, la balle est dans le camp de l’État français et marocain. La plainte, déposée en 1975 pour assassinat, tentative et complicité d'assassinat, est toujours en cours. Nous ne cherchons pas à mettre untel ou untel en prison. Nous voulons connaître la vérité et avoir un lieu de sépulture pour se recueillir. Propos recueillis par Camille Sarret 30 juillet 2009
“La politique sécuritaire féroce après les attentats de Casablanca a touché aussi les démocrates“
L'analyse d'Ali Amar, journaliste et auteur de Mohammed VI, le grand malentendu aux éditions Calmann Lévy. JT TV5MONDE 30 juillet 2009
“La justice est instrumentalisée“
Analyse de Khadija Ryadi, présidente de l'Association marocaine des Droits humains.
"Sous Mohammed VI, on sort plein de nouvelles lois, de recommandations, de discours, mais tout ceci reste lettre morte. Dans la réalité, il n’y a aucun impact. Par exemple, dans le monde du travail, certains droits élémentaires sont encore bafoués. Dans le secteur privé, notamment dans le textile et l’agro-alimentaire, un employé peut risquer la prison s’il tente de créer un bureau syndical. Au tribunal, les patrons font valoir la liberté de travailler inscrite dans le code pénal qui est entravée par l’activité syndicale et ils gagnent le procès ! Au Maroc, la justice est instrumentalisée. C’est un système géré par l’État. Après les attentats de 2003, le Maroc a adhéré à la stratégie américaine de Bush. Des milliers de personnes ont été arrêtés, beaucoup ont été torturés et certains ont perdu la vie. Les jugements ont eu lieu mais ont été inéquitables. Même le roi le reconnaît mais seulement pour une vingtaine de jugements, alors qu’il s’agit de la quasi totalité. Je pense que le Maroc est en régression. Ce recul se remarque d’ailleurs au niveau de la liberté de la presse. Notre pays a dégringolé dans le classement de Reporter sans frontière. Des particuliers posent régulièrement plainte contre les journalistes et gagnent très souvent leur procès avec des des dommages et intérêts très importants, de plusieurs millions de dirhams. Et quand la Libye a demandé au gouvernement marocain de poursuivre trois journaux pour diffamation, il l’a fait ! J’ai très peur que le Maroc revienne aux années de plomb. Si on veut un vrai changement et mettre en place un État de droit, il faut absolument réformer la constitution du pays. Aujourd’hui, même si un parti remporte les élections et la majorité des sièges au Parlement, il n’a pas la possibilité de mettre en application son programme. Tous les pouvoirs restent concentrés dans les mains du roi." Propos recueillis par Camille Sarret 28 juillet 2009
L'enlèvement de Ben Barka
Photo tirée du film de Jean-Pierre Sinapi, "L'affaire Ben Barka". Vendredi 29 octobre 1965, à 12 h 15, Mehdi Ben Barka est interpellé devant la brasserie Lipp, boulevard Saint-Germain à Paris, par deux policiers français de la brigade mondaine, Louis Souchon et Roger Voitot. Exhibant leur carte de police, ils invitent Ben Barka à monter à bord d'une voiture où se trouve également Antoine Lopez, un agent du SDECE (les services du contre-espionnage français de l'époque). Il est conduit à Fontenay-le-Vicomte dans la villa d'un truand, Georges Boucheseiche. Dès lors, on perd sa trace. Son corps ne sera jamais retrouvé et l'affaire Ben Barka n'est toujours pas véritablement élucidée, malgré plusieurs instructions judiciaires en France et au Maroc.