Après 30 ans de politique d'arabisation dans l'enseignement, le français revient dès l'école primaire au Maroc. Désormais, les écoliers suivront leurs cours de sciences et de mathématiques, non plus en arabe mais dans la langue de Molière. Les explications de notre correspondante au Maroc, Ana Ravix.
Les matières scientifiques seront enseignées en français dès la première année de l’enseignement de base, et non en troisième année. En dépit de l'opposition de son propre chef du Gouvernement, le ministre marocain de l'éducation Rachid Belmokhtar a fait passer ses réformes, visiblement avec l'appui du Roi Mohamed VI.
Le conseil des ministres marocains du 6 janvier tenu à Laâyoune, et présidé par le roi Mohammed VI, a entériné le choix de la "mise en place de l’enseignement des matières scientifiques et techniques en français". La nouvelle avait déjà été rendue publique le 10 octobre dernier dans une circulaire adressée aux directeurs des académies marocaines.
Sa stratégie, étalée sur quinze ans sonne le glas de la politique d’arabisation lancée il y a trois décennies.
« A partir des années 1960, le Maroc a commencé à “importer” des enseignants d’Egypte et de Syrie afin de conduire le processus d’arabisation. C’est à cette époque que le wahhabisme et la pensée des Frères musulmans se sont progressivement introduits dans le royaume », souligne l’historien Pierre Vermeren, dans un article du Monde. Plus de seize ans après la mort d’Hassan II, la réforme de l’éducation n’a toujours pas eu lieu alors que l’enseignement privé ne cesse de s’amplifier au détriment de l’école publique : de 9 % en 2009, la part des élèves scolarisés dans le privé est passée à 15 % en 2015, selon Global Initiative for Economic, Social and Cultural Rights, un centre de recherches sur les inégalités dans l’accès à l’éducation.
Cette arabisation a été menée à son terme en 1989, notamment dans les sciences, et le français est devenu une langue étrangère à l’école. Mais cela a fortement influé sur le niveau général des élèves qui, d’après les enseignants et responsables marocains, a beaucoup baissé par rapport à celui des élèves des années 70. Or, des matières comme les sciences, les mathématiques, le droit international, l’économie, la médecine, n’ont jamais été arabisées à l’université. Il en est alors résulté une crise de l’enseignement supérieur.
Langue française et classes aisées
Selon les derniers chiffres officiels, le réseau des établissements scolaires d’enseignement français au Maroc est tout simplement le plus dense au monde avec, à la rentrée de 2015, plus de 32 000 élèves dont plus de 60 % de Marocains. Ces établissements (près de vingt-cinq aujourd’hui) couvrent les principales villes du royaume. Seuls les Marocains les plus aisés ont les moyens d’y inscrire leurs enfants.