"Massacre de Shakahola" au Kenya : un influent pasteur remis en liberté

Un tribunal a ordonné ce 4 mai la remise en liberté sous caution de l'influent pasteur Ezekiel Odero, arrêté la semaine dernière dans le cadre de l'enquête sur la mort de 109 personnes dans une forêt du sud-est du Kenya.

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Ezekiel Odero

Le pasteur Ezekiel Odero, à Mombasa, au Kenya, le 27 avril 2023.

AP / Maarufu Mohamed
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Un tribunal a ordonné, jeudi 4 mai 2023, la remise en liberté sous caution de l'influent pasteur Ezekiel Odero, arrêté la semaine dernière dans le cadre de l'enquête sur la mort de 109 personnes dans une forêt du sud-est du Kenya.

Les enquêteurs soupçonnent que certains adeptes de son Église de la Vie Nouvelle figurent parmi les victimes du "massacre de la forêt de Shakahola", une affaire qui bouleverse le Kenya depuis plusieurs semaines.

Plus d'une centaine de corps, dont une majorité d'enfants, ont été retrouvés dans cette forêt de la côte kényane, où se réunissaient les adeptes d'une secte évangélique appelée Église Internationale de Bonne Nouvelle, et dirigée par le pasteur auto-proclamé Paul Nthenge Mackenzie.

"Il est susceptible d'interférer avec les témoins"

(Re)lire : en Afrique, derrière le succès de milliers d'"Églises" indépendantes, beaucoup de personnes "sans réponse"

Ce dernier, qui prônait de pratiquer un jeûne extrême pour "rencontrer Jésus", va être poursuivi pour "terrorisme" avec 17 autres personnes. Les procureurs avaient demandé vendredi 28 avril le maintien en détention d'Ezekiel Odero pour une durée de 30 jours, afin que les enquêteurs puissent pousser leurs investigations. Ce télévangéliste célèbre et fortuné "est une personne influente à la tête de milliers de croyants" et "s'il est libéré, (il) est susceptible d'interférer avec les témoins", avaient-ils fait valoir.

(Re)voir : Kenya : le pasteur de la secte poursuivi pour terrorisme

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Les avocats d'Ezekiel Odero dénonçaient, eux, une détention sans "aucune preuve", ni "aucune plainte". "En ne fournissant pas d'informations adéquates sur l'état de l'enquête (...), je suis convaincu que l'État n'a pas agi de bonne foi en cherchant à (le) maintenir en détention", a déclaré le juge Joe Omido, du tribunal de Mombasa. 

Ezekiel Odero a donc été libéré contre une caution de 1,5 million de shillings kényans (10.000 euros environ ndlr), avec obligation de se présenter à la police une fois par semaine et interdiction de s'exprimer sur l'affaire.

Asphyxie et strangulation

La décision a été accueillie par des cris et des chants de ses fidèles, réunis à l'extérieur du bâtiment. Cette libération n'entraîne toutefois pas l'abandon des enquêtes qui le visent pour "meurtre", "aide au suicide", "enlèvement", "radicalisation", "crimes contre l'humanité", "cruauté envers des enfants" et "fraude et blanchiment d'argent", entre autres.

Les enquêteurs doivent terminer leurs investigations sur la possible présence de personnes mortes dans l'enceinte de l’Église de la Vie Nouvelle, un complexe de 26 hectares situé à Mavueni, près de la ville côtière de Malindi, dans la forêt de Shakahola.

(Re)lire : Kenya : début des autopsies des victimes d'une secte chrétienne

Les procureurs ont évoqué de "nouvelles raisons impérieuses" de le maintenir en prison, après les premières autopsies de corps retrouvés à Shakahola. Selon les résultats des examens médico-légaux menés sur 40 premiers corps, une majorité de victimes sont mortes par manque de nourriture, mais d'autres ont été asphyxiées ou étranglées. Un corps portait également des traces de coups avec un objet contondant.

Polémiques

Ce scandale a placé les autorités sous le feu des critiques pour ne pas avoir empêché les agissements du pasteur Mackenzie, pourtant arrêté à plusieurs reprises pour ses prêches extrêmes. Le ministre de l'Intérieur, Kithure Kindiki, a annoncé la semaine dernière un vaste remaniement dans les services de sécurité de la région côtière, avec le transfert des principaux responsables.

Ce "massacre" a également ravivé le débat sur l'encadrement des cultes au Kenya, pays majoritairement chrétien qui compte 4.000 "églises", selon des chiffres officiels. Le président William Ruto est lui-même un fervent protestant "born again", soutenu par les milieux évangéliques lors de son élection en août 2022. 

Peu après la révélation du "massacre de Shakahola", il a promis des mesures contre ceux qui "utilisent la religion pour faire avancer une idéologie louche et inacceptable", qu'il a comparés à des "terroristes".

(Re)lire : Kenya : l'État peine à contrecarrer l'essor des "pasteurs" et "églises" autoproclamés

Un "groupe de travail présidentiel" sur le sujet doit être lancé dans les prochains jours, a annoncé lundi le ministre de l'Intérieur. Les précédentes tentatives de réglementation des cultes se sont heurtées à une vive opposition au Kenya, au nom notamment de la liberté de culte.

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