Le renforcement des expulsions des Comoriens hors de Mayotte, décidé par Paris il y a quelques jours, irrite le gouvernement de Moroni. Les Comores revendiquent la souverainté de Mayotte et refusent de récupérer ces citoyens expulsés -selon le gouvernement- illégalement de l'île. Moroni interdit désormais aux bateaux chargés du rapatriement d'accoster aux Comores.
Dans le port de Mutsamudu, la capitale de l'île comorienne d'Anjouan, c'est un petit manège auquel ces pêcheurs ne prêtent même plus attention. Les clandestins qui embarquent vers l'île française de Mayotte dans l'espoir d'une vie meilleure sont environ 20 000 chaque année. Ils en reviennent aussi sec, expulsés et leurs économies souvent liquidées par les passeurs.
Pour certains ces aller-retours en clandestinité sont même devenue une habitude. Sur la place M'roni, Youssouf, la quarantaine attend son prochain départ pour le département français d'outre-mer. Il vient pourtant d'en être tout juste expulsé pour la troisième fois, faute de papiers en règle.
"Je vais à Mayotte pour des soins. J'en profite pour entamer des démarches de régularisation de ma situation. Quand je veux partir, j'ai des amis à la police aux frontières, je les appelle, et ils viennent me chercher, ça se passe très bien." Youssouf Salim, clandestin expulsé de Mayotte
Une décontraction apparente qui cache mal le malaise de ces Comoriens engagés malgré eux dans le bras de fer entre ce petit archipel de l'océan Indien et la France.
Ibrahim compte une dizaine d'expulsions depuis 1991, la dernière il y a seulement deux semaines.
"J'ai une femme, et trois enfants qui ont la nationalité française, j'ai demandé plusieurs fois un titre de séjour mais on me l'a toujours refusé. Ce qui est insupportable, ce sont les menaces et les humiliations des forces de l'ordre." Ibrahim Houssein, mécanicien originaire de la Grande-Comore
Mayotte, France : depuis un mois l'île est paralysée par un mouvement de contestation sociale contre cette immigration clandestine.
À Mayotte, les Comoriens sont accusés de tous les maux explique Solène Dia, chargée de projet à l'association Cimade : « Il y a un climat délétère qui s'est installé sur l'île. La peur, les gens l'ont déjà puisqu'à Mayotte être interpellé et être embarqué au CRA (Centre de rétention administratif), c'est quelque chose de très commun finalement. Sauf que là, il y a un climat qui fait que ces gens ont encore plus peur parce qu'ils savent que ça peut être à n'importe quel moment, ils savent surtout qu'il y a des possibilités de représailles de la part de populations qui sont sur le territoire et ils ont la peur d'être encore plus stigmatisés. »
A Mayotte selon plusieurs rapports de l'INSEE, la population étrangère estimée à 40% est majoritairement en situation régulière ou en voie de régularisation.