Fil d'Ariane
Le département français de Mayotte fait face à une épidémie de choléra sur son territoire. Au 6 mai, 58 cas ont été identifiés sur l'île. Cette épidémie risque de mettre à mal le système de santé de l’île, déjà extrêmement tendu.
À Mayotte, près d'un tiers de la population n'a pas accès à l'eau potable. Cela peut favoriser la propagation du choléra.
La propagation du choléra va-t-elle se poursuivre à Mayotte ? Le 28 avril, l’Agence régionale de santé du 101 département français annonçait 26 cas identifiés. Le 8 mai, ce nombre est monté à 58 cas. La préfecture et l'Agence régionale de santé annoncent le décès d'un enfant de trois ans.
Voir Mayotte : un enfant meurt du choléra
Il s'agit du premier mort de la maladie sur le territoire mahorais. Le ministre délégué à la Santé Frédéric Valletoux fait état auprès de Mayotte la 1ère d’une “vingtaine de patients actuellement pris en charge”. Il doit se rendre sur l’île de l’océan Indien les 9 et 10 mai.
On est très inquiets sur le fait que le choléra vienne saturer un système de santé qui était déjà sous-dimensionné.
Marion Ramstein, coordinatrice de Médecins du Monde
Comment le choléra est-il arrivé à Mayotte ?
Le premier cas de choléra à Mayotte a été détecté le 18 mars 2024.
Il s’agit d’un cas importé des Comores, en proie à une épidémie depuis le mois de février, avec plus de 4 900 cas et 102 décès depuis le début de l'année.
Le ministère de la Santé de l’Union des Comores indiquait 161 nouveaux cas et 4 décès pour la seule journée du 8 mai.
Sur le sol mahorais, les premiers cas autochtones ont été détectés le 26 avril dans la commune de Koungou, au nord de Mamoudzou.
“On est très inquiets sur le fait que le choléra vienne saturer un système de santé qui était déjà sous-dimensionné”, s’alarme Marion Ramstein, coordinatrice de l’ONG Médecins du Monde à Mayotte. En effet, le département ne compte qu’un seul hôpital, situé à Mamoudzou. “Après, il y a treize dispensaires sur l’île, poursuit la coordinatrice de Médecins du Monde. Il s’agit de lieux de soins pour les personnes les plus précaires, car ils sont accessibles à ceux qui ne bénéficient pas de la Sécurité sociale.”
Cependant, onze de ces treize dispensaires sont actuellement fermés car “mobilisés dans le cadre de la lutte contre le choléra”, poursuit-elle. Cela l’inquiète notamment pour la prise en charge d’autres pathologies. Actuellement, en plus du choléra, “il y a une épidémie de dengue et le nombre de cas de leptospirose (NDLR : une maladie bactérienne pouvant conduire à des insuffisances rénales) a doublé la semaine dernière” dans le département, détaille Marion Ramstein.
(Re)lire Santé : crise de l'eau potable à Mayotte
Le ministre délégué à la Santé Frédéric Valletoux se veut toutefois rassurant. Selon lui, la situation est “sous contrôle” dans la mesure où l’État se prépare à faire face aux “difficultés attendues” avec les différents acteurs sanitaires du département. Interrogé le 1er mai par Mayotte la 1ère, le ministre précise que “18 réservistes sont arrivés en plus des 49 déjà présents depuis quelques semaines.”
18 réservistes sont arrivés en plus des 49 déjà présents depuis quelques semaines.
Frédéric Vaulletoux, ministre délégué à la Santé
Marion Ramstein estime que “toute ressource supplémentaire en santé, vu la précarité du système actuel, sera la bienvenue”. Elle rappelle toutefois que “le problème c’est que les soignants ne sont pas remplacés à 70%” et qu’il y a déjà “un appel à la réserve sanitaire et à des médecins en mission courte d’une semaine ou d’un mois et demi pour remplacer les postes permanents.”
En plus d’un système de santé au bord du gouffre, la situation est complexifiée par la réalité sociale du département. “Les conditions de vie dans les bidonvilles, dans les bangas ici rassemblent un peu tous les ingrédients qui peuvent faciliter la propagation de la maladie”, analyse Marion Ramstein. En effet, “l’accès à l’eau salubre est compliqué voire inexistant dans certains quartiers et il y a des conditions de vie avec beaucoup de promiscuité”, poursuit-elle.
Comment s’attrape le choléra
Le choléra est provoqué par l'absorption d’eau ou d’aliments contaminés par la bactérie Vibrio Cholerae, porteuse de la maladie.
Afin d’éviter d’être contaminé, il faut faire attention à avoir les mains propres et à boire de l’eau potable.
Or, selon France Info, un tiers de la population de Mayotte n’a pas accès à l’eau potable.
La population rattachée au réseau d’eau subit également des coupures et n’a accès à l’eau que deux jours sur trois.
Par ailleurs, l’Institut Pasteur indique que moins de 25% des personnes infectées présentent des symptômes.
Cela signifie que le choléra peut être transmis par des personnes qui pensent ne pas être contaminées.
(Re)lire Mayotte : l’île fait face à une pénurie d’eau historique
Les moyens médicaux ne sont pas uniquement consacrés au soin des personnes touchées par l’épidémie de choléra. “On continue ce combat déployé depuis plusieurs semaines, c’est-à-dire des opérations de prévention d’un côté, (...) et les opérations de vaccinations qui font qu’aujourd’hui, près de 3 400 personnes ont été vaccinées à Koundou”, détaille Frédéric Valletoux.
(Re)voir Mayotte : la sensibilisation face au choléra
“Depuis le début des premiers cas, l’Agence Régionale de Santé a développé un plan de réponse” à la maladie, détaille Marion Ramstein. Avec ce dispositif, “tous les cas détectés sont transférés à l’hôpital et pris en charge par l’unité choléra.” Ensuite, “les cas contacts vont être traités et les logements désinfectés.” Chaque cas contact se verra proposé un vaccin contre le choléra. Ce vaccin est aussi proposé lors des “campagnes de vaccination de masse dans les quartiers touchés”, poursuit la coordinatrice de Médecins du Monde.
Il y a une intensification des contrôles des forces de l’ordre à proximité directe voire dans les salles d’attente des lieux de soins.
Marion Ramstein, coordinatrice de Médecins du Monde
Marion Ramstein craint toutefois que tous les cas de choléra ne soient pas détectés. En effet, les bidonvilles peuvent être des foyers épidémiques, mais les personnes y vivant ont peur de se rendre à l’hôpital ou d’appeler le 15 car “il y a une intensification des contrôles des forces de l’ordre à proximité directe voire dans les salles d’attente des lieux de soins”, explique-t-elle. Selon elle, il faudrait établir “une sanctuarisation des lieux de soins et des services publics pour qu’ils soient accessibles à tous.”