Si la Minusma vient d'être renouvelée pour un an, l'ONU se donne le droit de revoir l'utilité de sa force au Mali en 2019. Car pour l'heure, le bilan, en terme de resultats de sécurité et de paix, ne satisfait pas les Nations Unies...
Nous sommes le 30 mai 2018. Antonio Guterres est en visite auprès des casques bleus déloyés au Mali . Le secretaire général de l'ONU est venu constater la situation compliquée dans laquelle se trouve la mission. A l'époque, c'est une dynamique positive qui est mise en avant, avec l'aide de la force G5 Sahel (5.000 militaires) formée par cinq pays: Mali, Niger, Tchad, Mauritanie et Burkina Faso.
Je tiens aussi à vous dire que nous travaillons pour garantir une effective solidarité internationale à la force du G5 Sahel. Je rends hommage aux cinq pays du Sahel qui ont su assumer eux même le leadership face aux défis énormes auxquels ils font face.Antonio Guterres, secrétaire général de l'ONU
Avec 13 500 hommes déployés au Mali et un coût de 1,1 milliard de dollars, la Minusma est loin de faire de la figuration aux côtés de la force française Barkhane. En première ligne, régulièrement prise pour cible par les groupes terroristes, la force onusienne a déjà perdu 160 soldats, dont 104 dans des actes hostiles, soit plus de la moitié des soldats de l'ONU tués sur cette période dans le monde... Malgré tout, la situation sécuritaire du Mali ne semble pas s'améliorer.
L'ONU impatiente "face aux retards"
A New York, le Conseil de sécurité perd patience. Fin juin, dans une nouvelle résolution, il souligne son impatience et sa préoccupation sur la mise en oeuvre de l'accord de paix signé il y a trois ans et met en garde les parties face à une guerre qui s'éternise.
Cette mission
"ne restera pas pour toujours au Mali" et
"cette résolution est claire sur le fait que nous ne pouvons plus accepter de retards" pour la paix, a averti l'ambassadeur adjoint des Etats-Unis auprès de l'ONU, Jonathan Cohen.
"Ce renouvellement n'est pas comme les précédents", a abondé l'ambassadeur français à l'ONU, François Delattre. Il est accompagné d'un
"message fort" sur la nécessité de
"progrès substantiels sur le processus de paix", a-t-il précisé.
Le nord du Mali était tombé en mars-avril 2012 sous la coupe de groupes armés liés à Al-Qaïda, en grande partie chassés ou dispersés par une intervention militaire lancée en janvier 2013 à l'initiative de la France, qui se poursuit actuellement. Malgré l'accord de paix de mai-juin 2015, les violences ont persisté et se sont propagées du Nord vers le centre et le Sud, puis au Burkina Faso et au Niger voisins, se mêlant souvent à des tensions ou des conflits intercommunautaires.
Tensions et insécurité persistantes au Mali
En mars, un rapport de l'ONU avait souligné que l'insécurité continuait de prédominer au Mali, avec la poursuite de trafics d'êtres humains, de drogue et d'armes. Si au cours des dernières années les groupes jihadistes liés à Al-Qaïda ont été dispersés, des zones entières du Mali échappent toujours au contrôle des forces maliennes, françaises et internationales, visées par des attaques régulières.
Jusqu'à là, pour nous, les trois parties sont responsables du retard. La responsabilité est partagée et elle est collective. Je suis certain que dans peu de temps, si les choses n'évoluent pas, des sanctions vont tomber.Mahamat Saleh Anadif, chef de la Minusma
Lenteur des procédures de démilitarisation des groupes armées, forces armées maliennes qui peinent à se réformer : les difficultés sont nombreuses et les autorités maliennes sont très critiquées pour leur attentisme. Sur le terrain, l'apparition de nouvelles dynamiques complique aussi ce processus de paix, notamment les violences au centre du Mali.
Sur la dynamique du conflit actuel, se greffent des dynamiques beaucoup plus anciennes et plus classiques qui ont trait à la gestion des ressources, notamment au conflit qui oppose les agriculteurs et les éleveurs.Niagalé Bagayoko, spécialiste des questions de paix et sécurité en Afrique
Espoir d'une amélioration à l'issue de la présidentielle?
L'ONU a annoncé que le mandat de la Minusma, déployée en 2013, sera renouvelé pour un an, mais souhaite tirer un bilan à la fin de l'année et réévaluer si besoin la présence de la force internationale au Mali. Le Conseil de sécurité a maintenu les effectifs actuels de la Minusma, mais demandé de définir de meilleures priorités dans leur mission, réclamé des équipements aéroportés supplémentaires, et évoqué la possibilité d'établir à long terme une stratégie de sortie du pays pour l'ONU.
La communauté internationale, présente avec la Mission de l'ONU au Mali (Minusma) et la force française Barkhane, attend une relance de l'application de l'accord de paix après l'élection présidentielle dont le premier tour est prévu le 29 juillet.
La Minusma, qui a acheminé ces dernières semaines le matériel électoral, s'est aussi engagée à transporter les candidats qui le souhaitent dans les zones échappant au contrôle du gouvernement, en particulier dans le nord du pays, fief de l'ex-rébellion à dominante touareg.