Mopti, la « Venise du Mali » désertée par les touristes
Il y a encore deux ans, Mopti était un passage obligé pour les touristes en route vers le plateau Dogon. Mais depuis que des groupes islamistes ont conquis en mars dernier le nord du Mali, cette magnifique cité est devenue une ville-frontière où l'économie tourne au ralenti. Cette région d'1,5 million d'habitants sera aux avant-poste en cas de guerre entre le nord et le sud du pays. Alors que la communauté internationale prépare une force d'intervention et que les islamistes se renforcent, Macki Cissé, le président de la région de Mopti, était en France pour relancer la coopération entre sa région et des collectivités françaises. Rencontre.
Macki Cissé, président de la région de Mopti / Photo Amélie Cano
Quelles ont été les conséquences de la crise au nord-Mali sur la région de Mopti ?
Il y a tout d'abord une surcharge de population, notamment à Sévaré et Mopti. Beaucoup d'élèves, par exemple, n'ont pas pu passer leurs examens au Nord. Au moins 5.000 jeunes sont donc venus dans ces deux villes pour décrocher leur diplôme. Le problème de la nourriture se pose aussi : comme il y a surcharge, il ne va pas y avoir suffisamment à manger pour toute la population. C'est là où nos partenaires nous ont aidés. Le conseil général d'Ille et Vilaine et la Région Centre nous ont, par exemple, envoyé plus de 1.000 sacs de mil pour les familles d'accueil et les déplacés. Des associations locales nous ont aussi donné des semences. Et au niveau de l'économie ?
Le tourisme est d'une importance capitale dans la région de Mopti. Avant 2010, il représentait 25% de l'économie régionale. Mais aujourd'hui c'est tourisme zéro. Les hôtels sont vides, les guides sont partis en Côte d'Ivoire ou ailleurs pour trouver du travail. Les transporteurs, les piroguiers, les vendeurs n'ont plus de clients. C'est un vrai manque à gagner pour la population. L'agriculture a aussi souffert dans les localités frappées par la rébellion.
Une rue de Mopti
Quelle est la situation sécuritaire aujourd'hui à Mopti ?
Dieu merci, elle s'est améliorée. Il est vrai qu'au départ c'était très difficile. Mais on a obtenu l'aide de l'État : l'armée est aujourd'hui présente jusqu'à Konna (50 kms au nord de Mopti, ndlr). Il y a notamment un regroupement de militaires à Sévaré, près de Mopti, qui est chargé de la sécurisation de la région. Aujourd'hui nous dormons très bien car nous savons que nous sommes bien sécurisés. Les gens qui sont à l'extérieur de Mopti parlent d'insécurité. Mais nous, habitants de la région, nous disons que tout va bien.
Des centaines de djihadistes sont arrivés dans le nord-Mali les 20 et 21 octobre pour prêter main forte aux groupes islamistes. Vous attendez-vous à une guerre ? C'est difficile à dire. Nous nous en remettons à l'Etat, c'est lui qui décide. Nous soutenons fortement l'armée malienne. Si jamais une guerre se déclenche, c'est elle qui sera en tête pour nous défendre. Quel que soient les décisions prises concernant le projet de force africaine, c'est l'armée malienne qui dirigera les opérations et qui sera la première au front. Est-ce que vous craignez une offensive contre Mopti ?
Nous avons un bloc de militaires basé à Konna pour sécuriser la région. Le reste, c'est l'État qui décide. Je le répète, nous ne faisons que suivre ce que l'État nous dictera, point.
Les falaises de Bandiagara, pays Dogon, Mali
Combien de déplacés ont trouvé refuge dans votre région ?
Il y a 39.000 personnes qui se sont réfugiées sur notre sol. Mais quand on parle de « déplacé », on ne désigne pas seulement les personnes originaires des régions de Kidal, Gao et Tombouctou. Il y a aussi des déplacés au sein même du territoire régional. Les cercles de Douentza, Tenenkou et Youwarou (aires administratives au nord de la région de Mopti, ndlr) ont aussi été touchées par la rébellion. Ces populations déplacées vivent aujourd'hui à Sévaré, Mopti, Bandiagara et jusqu'à Djenné. A Mopti, il existe un camp qui les accueille. Il y a ensuite les familles d'accueil qui hébergent leurs parents en difficulté.
Vous êtes en France pour rencontrer les collectivités ayant des accords de coopération avec votre région. Comment se déroulent ces relations depuis que Mopti est devenue une zone tampon ?
Le travail se fait par téléphone et internet. Mais il est parfois nécessaire de se rencontrer. Dans le temps, nos partenaires se déplaçaient jusqu'à Mopti. Mais aujourd'hui ils ne peuvent plus venir, même pas à Bamako, car le ministère français des Affaires étrangères déconseille de se rendre au Mali. Il est donc plus facile que ce soit moi qui me déplace. En tout cas, l'appui qu'on leur demande ne fait pas défaut. L'aide arrive tout de suite. On a par exemple reçu près de 800 sacs de nourriture à Bandiagara. Nous mesurons tout ce que nos partenaires sont en train de faire pour nous, leur soutien moral et matériel. C'est dans ces moments difficiles qu'on reconnaît ses amis.
Le tourisme, une activité essentielle
Jusqu'en 2010, la région de Mopti, joyau du patrimoine malien (Djenné, plateau Dogon...), était une des premières destinations touristiques du Mali. Selon l'Office malien du tourisme, Mopti accueillait 100.000 visiteurs par an. L'ONG néerlandaise SNV a estimé que le tourisme générait 3 millions d'euros de revenus en 2009 dans le plateau Dogon. Mais la disparition de l'otage français Michel Germaneau en juillet 2010 porte un coup dur à la région. La zone est classée à risque par la France. Inquiets des enlèvements dans le Sahel, plusieurs pays européens déconseillent à leurs ressortissant de s'y déplacer. Le tourisme s'effondre. Les derniers visiteurs quittent définitivement la région au printemps, après la conquête du nord du pays par les rebelles touaregs du MNLA et les islamistes d'Ansar Dine, du Mujao et d'Aqmi.
Bientôt une force africaine ?
3.300 hommes devraient former cette force d'intervention 15 pays africains de la Cédéao sont impliqués dans ce projet. La Mauritanie, l'Algérie et le Tchad participent aux négociations 12 octobre 2012 : Le Conseil de Sécurité de l'ONU donne 45 jours à la Communauté des États d'Afrique de l'Ouest (Cédéao) pour élaborer un plan d'intervention au Nord-Mali