Fil d'Ariane
Les 180 personnes, dont des étrangers, piégées depuis trois jours dans un hôtel au Mozambique après une attaque de groupes djihadistes, ont été évacuées vendredi 26 mars. Mais selon une source sécuritaire qui s’est exprimée le lendemain, certaines d’entre elles ont ensuite été tuées dans une embuscade.
Mercredi après-midi, des groupes djihadistes ont lancé une attaque surprise dans la petite ville de Palma, située au nord-est du pays, limitrophe de la Tanzanie, à proximité de la zone abritant un méga-projet gazier auquel participe le groupe français Total.
Les forces gouvernementales se sont retirées de Palma, donc la ville est de fait saisie par les groupes armés djihadistes
Une source locale qui a requis l'anonymat
Terrifiés, des gens ont pris la fuite vers la forêt environnante tandis que des travailleurs du site, parmi lesquels des expatriés et des fonctionnaires mozambicains, se sont réfugiés quant à eux dans l'hôtel Amarula.
Selon les informations de plusieurs sources sécuritaires, la localité se trouve désormais aux mains des assaillants.
"Les forces gouvernementales se sont retirées de Palma, donc la ville est de fait saisie par les groupes armés djihadistes », a affirmé à l'AFP l'une de ces sources. "Palma est tenue par les assaillants", a ajouté une autre source qui a requis l'anonymat, affirmant que des combats se poursuivaient dans la zone.
Les détails sur l'évacuation restent confus. Depuis le début de l'attaque, la communication via téléphone portable est particulièrement aléatoire.
Un premier groupe de 80 personnes a quitté l'hôtel à bord de camions de l'armée, vendredi, selon la source de sécurité qui participe à ces opérations. Mais "le convoi de 17 camions a été attaqué peu après avoir quitté l'hôtel".
"Plusieurs personnes ont été tuées mais la plupart ont réussi à s'échapper", a affirmé cette source, précisant que seuls sept des véhicules étaient arrivés à sortir de la zone de combats, le parcours des autres restant inconnu.
La centaine d'autres assiégés ont quitté l'hôtel à pied pour rejoindre la plage. C’est là que les militaires les ont trouvés, au beau milieu de la nuit, avant de les évacuer par bateau.
"Les combats se poursuivent et plusieurs équipes militaires continuent les recherches pour tenter de sauver les personnes qui étaient à bord des camions attaqués", a encore précisé cette source.
Le gouvernement mozambicain ne s'est pas exprimé publiquement depuis jeudi, moment où il a annoncé répliquer militairement à l'attaque. Un responsable militaire, interrogé par l'AFP, n'a pas souhaité donner de précisions mais a affirmé que le ministre de la Défense s'exprimerait prochainement.
(Re)voir : Mozambique : ces centaines de milliers de déplacés qui fuient les attaques djihadistes
A Palma, "presque tout a été détruit et beaucoup de gens sont morts", a affirmé un salarié du site gazier par téléphone, vendredi, après son évacuation, sans être en mesure de donner de détails sur les victimes ou leur nationalité.
Plusieurs personnes ont été tuées, a affirmé l'ONG Human Rights Watch, citant des témoins "qui nous disent avoir vu des corps dans les rues". Parmi eux, au moins un citoyen sud-africain, selon une source gouvernementale à Johannesburg.
L'attaque a été lancée le jour même où Total annonçait la reprise des travaux de construction sur le site, suspendus depuis le début de l'année en raison de l'insécurité dans la zone. Mais selon plusieurs experts, les préparatifs nécessaires pour mener une attaque d'une telle ampleur écartent l'hypothèse d'une réplique à cette annonce.
[A Palma] presque tout a été détruit et beaucoup de gens sont morts
Un salarié du site gazier
Vendredi, des hélicoptères avaient survolé la zone pour tenter de trouver un corridor pour évacuer les assiégés de l'hôtel, selon plusieurs sources.
Dans une vidéo publiée le même jour sur les réseaux sociaux, qui n'a pas pu être vérifiée, l'un des assiégés, un homme visiblement ému, qualifiait en portugais la situation de "critique": "Nous ne savons pas si nous allons être sauvés", dit-il face à son téléphone portable, comme un SOS.
Palma est située à plus de 1.800 km au nord de Maputo, la capitale, dans la province musulmane du Cabo Delgado, où les autorités sont confrontées à une violente guérilla depuis plus de trois ans.
Les attaques de ces djihadistes armés, connus sous le nom d'Al-Shabab ("les jeunes", en arabe) et qui ont fait allégeance au groupe Etat islamique (EI) en 2019, avaient faibli ces derniers mois. Une accalmie jusque-là imputée à la riposte militaire.
Le conflit a fait au moins 2.600 morts, dont plus de la moitié de civils, selon l'ONG Acled, et forcé plus de 670.000 personnes à quitter leur foyer, selon l'ONU.
(Re)voir : Le Mozambique face à une guérilla djihadiste affiliée au groupe État islamique