Un responsable de la Commission électorale de Namibie (ECN) compte les bulletins de vote à l'Université des Sciences et Technologies de Namibie, à Windhoek le 28 novembre 2024
Les élections n'en finissent pas en Namibie où deux jours de vote supplémentaires ont été décidés jeudi après des lenteurs qui ont empêché de nombreux électeurs de voter, contre la volonté de tous les partis d'opposition qui dénoncent un "simulacre" et préparent une réponse commune.
La décision de prolonger le vote très au-delà de la fermeture prévue des bureaux mercredi à 21H00 intervient après des incidents logistiques et techniques ayant provoqué de longues heures d'attente pour participer à ce scrutin très disputé pour le parti historique au pouvoir.
Chômage massif, inégalités persistantes et renouvellement des générations ont érodé le soutien à la Swapo, le parti qui dirige ce pays d'Afrique australe depuis l'indépendance en 1990. En particulier chez les jeunes qui constituent une part clef de l'électorat: 42% des inscrits ont moins de 35 ans.
Si les deux jours de vote de plus ne portent que sur 36 bureaux, ils concernent tous les Namibiens qui, particularité du pays, peuvent voter partout où ils le souhaitent.
Une première prolongation pour une "durée non spécifiée" du vote, décidée tard mercredi, a déjà provoqué la colère de toute l'opposition.
Celle-ci a demandé jeudi de "cesser le décompte des voix et d'arrêter les opérations de vote" dans une déclaration associant les vingt autres partis se présentant aux élections, exceptée la Swapo, à tête de ce pays d'Afrique australe depuis l'indépendance en 1990.
Un membre de l'opposition namibienne signe une pancarte pour demander la fin du scrutin le 28 novembre 2024, à la Commission électorale de Namibie (ECN) à Windhoek
Après une nouvelle rencontre, les responsables de l'opposition doivent donner leur "position" commune "soit tard ce (jeudi) soir, soit tôt demain" sur "la marche à suivre", a indiqué Christine Aochamus, la secrétaire générale de la principale formation d'opposition, les Patriotes indépendants pour le changement (IPC).
En attendant, le leader du premier parti d'opposition dans l'assemblée sortante, McHenry Venaani, a accusé la commission de "mener le pays au bord du précipice".
"Ces deux jours supplémentaires ne vont pas aider si ça ne concerne pas l'ensemble du pays. Ca ne peut se limiter à des zones spécifiques", a commenté le président du Mouvement démocratique populaire (PDM), en s'étonnant que l'ouverture d'un seul bureau soit prolongée dans la province de la capitale Windhoek, particulièrement peuplée.
Des couacs en cascade, des pannes électroniques aux pénuries de bulletins, mêlés à un "niveau de participation remarquable", d'après la commission électorale, ont provoqué mercredi parfois jusqu'à 12 heures d'attente dans les bureaux de vote.
Une manière de "tenter délibérément de dissuader les électeurs de voter", a accusé l'IPC dénonçant un "simulacre d'élection".
"C'est une élection déloyale", opine dans les rues de Windhoek Edison Bernardo, assistant financier de 25 ans qui a attendu cinq heures avant de pouvoir voter mercredi. "Les gens n'ont pas voté, beaucoup ont quitté la file d'attente. Il devrait y avoir une nouvelle élection", estime-t-il.
"Les gens sont en colère. Au moment où ils ont prolongé le vote, il était déjà 21H00, beaucoup étaient déjà partis", observe Maria Nambahu, stagiaire de 25 ans dans la réassurance qui a aussi dû patienter cinq heures pour déposer son bulletin la veille. "Si tout le monde doit revoter, personne ne voudra revenir faire la queue", pronostique-t-elle.
La candidate du parti au pouvoir, Netumbo Nandi-Ndaitah, en position de devenir la première femme présidente du pays, pourrait être contrainte à un second tour inédit.
Les longues files d'électeurs qui n'ont pu finir de voter par exemple qu'à 05H00 du matin à l'université des Sciences et Technologie sont "un signal que les gens sont avides de changement", estime auprès de l'AFP Ndumba Kamwanyah, professeur à l'Université de Namibie. Ce qui "ne ressemble pas à une bonne nouvelle pour le parti en place", selon lui, à défaut de résultat partiel communiqué par la commission électorale.
Netumbo Nandi-Ndaitwah ("NNN"), figure à 72 ans de la lutte pour la libération, affronte notamment à la présidentielle l'ex-dentiste et avocat Panduleni Itula, 67 ans. Fondateur en 2020 de l'IPC, il avait réuni 29,4% des suffrages à la présidentielle de 2019, sans disposer de parti à l'époque.
La Swapo, éclaboussée par des scandales de corruption comme le "Fishrot" sur les quotas de pêche, peut craindre le même sort que d'autres partis de libération dans la région, affaibli comme l'ANC en Afrique du Sud ou balayé comme le BDP au Botswana.