Niger : comment les sanctions économiques affectent-elles le travail des humanitaires ?

Depuis le coup d’État survenu le 26 août, le Niger est sous le coup de sanctions économiques de la part de plusieurs pays. Ces sanctions ont des conséquences importantes sur le fonctionnement du pays, fortement dépendant de l’aide étrangère.

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Niger

Deux femmes marchent à proximité d'un jeune garçon à vélo dans les rues de Niamey, au Niger, le 13 août 2023.

AP Photo/Sam Mednick
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Le Niger peut-il s’en sortir sans aide extérieure ? La Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest (Cédéao) a décidé de sanctions économiques à l’encontre du pays, lors d’un sommet le 30 juillet, en réponse au coup d’État du 26 juillet. Il s’agit d’un blocus économique, caractérisé par la suspension de “toutes les transactions commerciales et financières” entre les pays de la Cédéao et le Niger. 

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Outre la Cédéao, de nombreux pays et institutions internationales ont également suspendu leur aide au développement. La France par exemple, a suspendu dès le 29 juillet “toutes ses actions d’aide au développement et d’appui budgétaire” au Niger. En 2022, l’aide au développement française pour le Niger s’élevait à 120 millions d’euros. La Banque mondiale quant à elle a annoncé suspendre ses versements “pour toutes ses opérations et jusqu’à nouvel ordre”. Elle avait déjà déboursé 730 millions depuis le début de l'année.

Or, le Niger “est un pays qui compte beaucoup sur son partenariat international”, explique l'ex-Premier ministre nigérien Ouhoumoudou Mahamadou dans un entretien à France 24 le 30 juillet. "Le dernier semestre de l'année", est "généralement" bouclé "avec les aides budgétaires qui nous proviennent de l'Union européenne, de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international (FMI) en particulier, ainsi que de l'Agence française de développement (AFD)", précise-t-il. Au total, près d’un quart des dépenses publiques nigériennes sont financées par les aides extérieures. 

Dans quelle mesure le Niger est-il dépendant de l’aide extérieure ? 

  • En 2021, le montant des aides bilatérales au bénéfice du Niger a été de 1,8 milliard de dollars, d’après l’OCDE. 
  • En 2022, la Banque Mondiale a déboursé 1,5 milliard de dollars pour des projets de terrain au Niger.
  • L’aide internationale représente 9% du PIB.
  • "Seulement 62% du budget du Niger est financé nationalement, le reste par des financements extérieurs", affirme l'Union européenne.
  • La moitié des habitants du pays vit avec 2,15 dollars par jour, ce qui correspond au seuil de pauvreté. 

Des conséquences déjà visibles 

La suspension de ces aides attise les craintes d’ONG sur une possible dégradation des conditions de vie des habitants. Le 5 août, une quinzaine d’organisations signent un communiqué. Elles rappellent que “la combinaison des sanctions et des conflits avec les vulnérabilités existantes au Niger pourrait avoir des effets dévastateurs sur la vie de 4,4 millions de personnes dans le pays qui ont déjà besoin d’aide humanitaire.”

Le Niger connaît sa pire crise humanitaire depuis dix ans, exacerbée par une saison des pluies tardive et de longues périodes d’alternance de sécheresse et d’inondations, avertit l’ONG Action contre la faim sur son site internet. D’ici à la fin du mois d’août, les cas de malnutrition infantile devraient augmenter de manière significative, ce qui rend nos interventions encore plus nécessaires

Pour l’ONG Action Contre la faim, la livraison de 4 000 lots alimentaires en provenance du Sénégal a été empêchée depuis le coup d’État en raison de la fermeture de l’espace aérien. Par ailleurs, dans un article pour le site d’information France Info, le directeur au Niger d’Action contre la Faim explique que le sentiment anti-français qui monte au Niger a des conséquences sur les activités de l’ONG espagnole. “Tout le monde pense qu’on est français, détaille-t-il. Nous devons clairement rappeler que nous sommes une ONG espagnole pour rester en sécurité.”

Philippe Bonnet, directeur intérim des opérations Solidarités International, explique que ses équipes ont été rapidement confrontées à des problèmes de transfert de fonds. “Tout d’un coup, on a eu des problèmes pour transférer de l’argent sur notre compte en banque au Niger." Si l’ONG a réussi à régler ce souci, elle a plus de mal à s'adapter à la disparition de l’argent liquide. “Même en ayant des virements sur notre compte, il n’y avait plus d’argent disponible dans les banques, poursuit Philippe Bonnet. Évidemment, c’est un problème dans un pays où la plupart de nos activités sont financées en argent liquide.

Quelles conséquences de l’absence d’aide humanitaire ? 

Un tarissement des soutiens aura nécessairement des répercussions lourdes sur l'économie nigérienne. Un rare motif d'espoir pour l'économie du pays repose sur le fait qu'avant la crise politique, le gouvernement se réjouissait de la mise en service à la fin de l'année d'un nouvel oléoduc. Celui-ci devrait faire bondir l'extraction de pétrole et la croissance nigérienne l'an prochain et représenter jusqu'à un quart du PIB, selon les estimations du gouvernement en sursis, de quoi éponger une partie des pertes d'appuis internationaux.

On va continuer à faire du plaidoyer pour la levée des sanctions pour les activités humanitaires, afin de permettre à nos activités de se poursuivre.

Philippe Bonnet, directeur intérim des opérations Solidarités International

Sur la durée, le blocage des transferts de fonds va être un gros problème, reconnaît Philippe Bonnet. On trouve des solutions alternatives, notamment grâce à des systèmes informels de transferts financiers à travers de grands commerçants.” Cependant, le directeur des opérations de Solidarités International ne baisse pas les bras. “On cherche des moyens pour faire rentrer des ressources, On est aussi beaucoup plus vigilants sur la gestion de la sécurité. On espère surtout que ça ne va pas durer", précise-t-il avant de conclure : "On va continuer à faire du plaidoyer pour la levée des sanctions pour les activités humanitaires, afin de permettre à nos activités de se poursuivre mais aussi pour faire en sorte de limiter l’augmentation des prix des denrées de bases pour les populations nigériennes".