Fil d'Ariane
Chef de la garde présidentielle du Niger depuis 2011, il est à l'origine de la chute du président élu Mohamed Bazoum. Vendredi 28 juillet, ce militaire de carrière s'est présenté comme le nouvel homme fort du pays. Le chef des putschistes ne fait pas pour autant l’unanimité à Niamey et au sein de l'armée régulière.
Le général Abdourahamane Tiani, chef de la garde présidentielle du Niger à l'origine de la chute du président élu Mohamed Bazoum. Il est apparu au cours d'une allocution télévisée diffusée par ORTN-Télé Sahel le 28 juillet 2023.
Vendredi 28 juillet, le général Abdourahamane Tiani est devenu "président du Conseil national pour la sauvegarde de la patrie (CNPS)". À ce titre, il a tenu une allocution télévision diffusée dans tout le pays par la télévision nationale nigérienne. Au cours de sa prise de parole, il a expliqué que le coup d’État militaire débuté mercredi était lié à "la dégradation de la situation sécuritaire" dans le pays.
Cette prise de parole est intervenue trois jours après l’annonce de la séquestration du président renversé Mohamed Bazoum et de sa famille. Retenus à Niamey dans la résidence présidentielle privée, ils sont aux mains de commandants putschistes de la garde présidentielle aux ordres du général Abdourahamane Tiani.
Rappelant la présence de groupes djihadistes dans le pays, le général a dénoncé une approche sécuritaire sous son prédécesseur qui “n'a pas permis de sécuriser le pays en dépit de lourds sacrifices consentis par les Nigériens et le soutien appréciable et apprécié de nos partenaires extérieurs". "Le CSNP, par ma voix, demande aux partenaires et amis du Niger, en cette étape cruciale de la vie de notre pays, de faire confiance à nos Forces de défense et de sécurité, garantes de l'unité nationale", a-t-il ajouté.
Le nouvel homme fort du Niger est âgé de 59 ans. Ancien élève de l'École nationale des officiers d'active de Thiès, au Sénégal, il a passé l’essentiel de ses premières années de militaire à l’étranger : il a servi plusieurs fois dans des missions onusiennes en Côte d'Ivoire, au Congo et au Darfour, au Soudan, ainsi que dans une mission de la Communauté des États d'Afrique de l'Ouest (Cédéao) en Côte d'Ivoire.
De retour au Niger, il a d'abord été basé dans la région de Diffa, avant de s’installer à Dirkou (Agadez), rapporte RFI. Au milieu des années 90, il est nommé commandant de compagnie à la frontière tchadienne. "Le général Tiani est un officier ayant fait ses preuves sur le terrain", commente à son sujet l'ex-militaire Amadou Bounty Diallo.
C'est un homme de l'ombre, puissant, mais pas une figure très consensuelle.
Ibrahim Yahaya Ibrahim, chercheur pour International crisis group
"On ne le connaît pas beaucoup en dehors des milieux militaires, il n'a pas de présence publique affichée. C'est un homme de l'ombre, puissant, mais pas une figure très consensuelle", décrit Ibrahim Yahaya Ibrahim, chercheur pour International crisis group. D'après les affirmations auprès de l'AFP d'un proche du président déchu sous couvert d'anonymat, le général "assistait très rarement aux cérémonies officielles et aux activités du président", se faisant souvent représenter par son adjoint, le colonel Ibroh Amadou Bacharou.
Mercredi 26 juillet, sitôt après l'annonce du coup d'État, le général était absent lors de la toute première allocution des putschistes à la télévision nationale. Le général Abdourahamane Tiani était alors représenté, encore une fois, par son fidèle adjoint, le colonel Ibroh Amadou Bacharou.
Le général Tiani est originaire de Filingué, une zone très aride et enclavée, à quelques 200 km au nord-est de Niamey, dans la région de Tillabéri, théâtre d'attaques des groupes djihadistes depuis des années. Ses proches le décrivent comme "homme à poigne", "valeureux" et surtout "populaire" auprès de son unité. "Comment aurait-il pu entraîner ses éléments dans le putsch s'ils n'avaient pas confiance en lui ?", relève Issa Abdou, un acteur de la société civile nigérienne interrogé par l'AFP.
Conformément aux directives de Mahamadou Issoufou, il a transformé la garde présidentielle en une puissante machine dotée d'armements sophistiqués.
Un fonctionnaire nigérien interrogé par l'AFP
Le général Abdourahamane Tiani est nommé chef de corps de la garde présidentielle du Niger en 2011. Il doit sa nomination au président nigérien de l’époque, Mahamadou Issoufou , prédécesseur de Mohamed Bazoum. Son rôle : assurer au quotidien la sécurité du chef d’État nigérien. "Conformément aux directives de Mahamadou Issoufou, il a transformé la garde présidentielle en une puissante machine dotée d'armements sophistiqués", souligne de son côté un fonctionnaire interrogé par l'AFP. Il est par ailleurs réaffirmé à ses fonctions par Mohamed Bazoum lorsqu'il est élu président du pays en 2021.
Peu de temps après son élection, deux tentatives de coup d’État au Niger sont déjoués. Notamment grâce à l'action du général Abdourahamane Tiani. Son rôle dans le maintien du régime et de l’ordre au Niger a été salué par le président Bazoum en personne, plusieurs mois avant le coup d’État du 26 juillet. Selon les informations de nos confrères de RFI, le président de l’époque avait notamment déclaré à son intention : "vous avez su gravir tous les échelons de commandement des forces armées nigériennes, des unités élémentaires aux zones de défense. Toutes ses responsabilités, vous les avez assumées pleinement et avec un esprit de dévouement, d'abnégation, de disponibilité et de loyalisme".
La Russie soutient déjà le régime du général général Abdourahamane Tiani ?
"Ce qui s'est passé au Niger, ce n'est rien d'autre que la lutte du peuple nigérien contre les colonisateurs qui essayent de lui imposer leurs règles de vie", aurait affirmé M. Prigojine, selon un message diffusé jeudi soir par une organisation russe liée au groupe paramilitaire Wagner. Pour l'heure, l'authenticité du message n'a pas pu être confirmée.
Après le Mali et le Burkina Faso, le Niger, jusqu'alors allié des pays occidentaux, devient le troisième pays du Sahel, miné par les attaques de groupes liés à l’État islamique et à Al-Qaïda, à connaître un coup d’État depuis 2020. Le Mali et le Burkina Faso se sont notamment tournés vers la Russie après avoir exigé le départ des soldats français de leur sol.
Plusieurs proches du président déchu Mohamed Bazoum assurent que le général Abdourahamane Tiani a initié ce coup d’État par crainte de perdre son poste. Selon des proches du président Bazoum contactés par nos confrères de l'AFP, les relations entre le général Tiani et le chef de l’État s'étaient dégradées depuis plusieurs mois. D'après ces sources, Mohamed Bazoum avait récemment exprimé sa volonté de le remplacer à la tête de sa garde.
Un proche de Bazoum a notamment confié à l'AFP que le "remplacement" d'Abdourahamane Tiani et "une refonte en profondeur de la garde présidentielle” devaient être décidés jeudi 27 juillet au cours du conseil des ministres.
Une version corroborée par deux directeurs adjoints du cabinet de Mohamed Bazoum, Daouda Takoubakoye et Oumar Moussa. Peu de temps après le discours du chef d’État proclamé par de paires putschistes, ils ont dénoncé un "coup d’État pour convenance personnelle justifié par des arguments puisés exclusivement dans les réseaux sociaux”.