Niger : la France peut-elle perdre un allié stratégique au Sahel ?

Dans la nuit du 26 au 27 juillet 2023, des militaires putschistes ont annoncé avoir renversé le président du Niger. Après la fin de l’opération Barkhane, le pays occupait une position géostratégique pour la présence militaire française au Sahel.

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Soldats français Niger

Des soldats français chargent un drone Reaper avec des missiles sur la base aérienne de Niamey, au Niger, le 17 décembre 2019.

Malaury Buis/EMA/DICOD via AP
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"Nous, Forces de défense et de sécurité (FDS), réunis au sein du Conseil national pour la sauvegarde de la patrie (CNSP), avons décidé de mettre fin au régime que vous connaissez”, déclare le colonel-major Amadou Abdramane à la télévision nationale du Niger dans la nuit du 26 au 27 juillet 2023. Des militaires nigériens viennent d'annoncer le renversement du président démocratiquement élu en 2021 Mohamed Bazoum. 

Ce coup d’État vient déstabiliser un peu plus la région du Sahel, déjà jalonnée de gouvernements de transition militaire. En 2020 et 2021, le Mali a connu deux coups d’État. C'est la cas également au Burkina Faso, où deux putschs ont eu lieu en 2022. La prise de pouvoir des militaires s’est traduite par une politique de défiance envers la France. En août 2022, après neuf ans de présence, le dernier soldat français de l’opération Barkhane quittait le Mali. L'opération Barkhane comptait à son apogée en 2020 près de 3000 hommes au Mali. Le dispositif militaire français s"est alors recentré au Niger. Ce coup d’État va-t-il changer la donne ? Pourrait-il entraîner le départ des forces françaises du pays ?

Quel avenir pour les militaires français au Niger ?

Après le retrait de Barkhane du Mali, l’essentiel des effectifs militaires français au Sahel ont été ainsi déployés au Niger. Environ 1500 militaires sont implantés dans le pays La base de Niamey, avec des drones Reaper et des avions de chasse constitue le fer de lance de la présence militaire française dnas le pays. Ce nombre exclut les forces spéciales.

BARkhane novembre 2022

Vont-ils rester dans le pays si les militaires putschistes s’emparent du pouvoir au Niger ? “La messe ne paraît pas totalement dite même s’il y a eu cette intervention militaire des militaires”, analyse Antoine Glaser, journaliste et écrivain spécialiste des rapports entre la France et l’Afrique. “À partir du moment où les militaires nigérians ont expliqué qu’ils refusaient toute ingérence extérieure, c’est difficile d’imaginer qu’ils accepteront la présence de militaires français”, poursuit-il. Les tensions apparaissent déjà. Les militaires putschistes qui ont pris le pouvoir au Niger ont accusé jeudi la France d'être "passée outre" leur décision de fermer les frontières en faisant atterrir à Niamey un avion militaire.

Le plus vraisemblable, c’est que les soldats présents au Niger se replient au Tchad ou en Côte d’Ivoire, ou bien ils rentreront en France.

Antoine Glaser, journaliste et écrivain

Par ailleurs “on imagine quand même mal qu’Emmanuel Macron accepte que des militaires français restent dans un pays où il y a eu un putsch”, note le journaliste. Selon lui, “le plus vraisemblable, c’est que les soldats présents au Niger se replient au Tchad ou en Côte d’Ivoire, ou bien ils rentreront en France.” 

Une position géostratégique

Toutefois, le retrait des soldats français du Niger ne signifierait pas que la France se retrouverait sans alliés dans la région. “Le principal allié militaire de la France dans la région demeure quand même le Tchad, rappelle Antoine Glaser. Les militaires français y sont présents quasiment depuis 1970 de manière continue.” Il reconnaît toutefois que le pays reste “assez éloigné des zones de combat.”

Que représente la présence militaire française au Tchad ? 

  • Environ 1000 soldats français sont actuellement déployés au Tchad. 
  • La principale base de l'armée française au Tchad se trouve à N’Djamena. 
  • On y trouve une base aérienne projetée, qui compte des avions de chasse, des avions de transport et des hélicoptères. 
  • Une force de projection terrestre est présente avec des blindés et des hommes.
  • La base de N'Djamena constitue le cerveau des forces françaises présentes au Sahel. 
  • Elle abrite le Poste de commandement interarmées de théâtre, le PCIAT. 
  • C'est de N'Djamena que sont pilotées les actions contre les groupes djihadistes.

Par rapport à la zone des trois frontières, le Niger jouit d’une position stratégique.

Antoine Glaser, journaliste et écrivain

Sur le plan géostratégique, le Niger est un atout majeur car sa position permet de surveiller les mouvements djihadistes, mais aussi tout ce qu’il se passe en Libye”, explique Antoine Glaser. En effet, le pays se situe entre l’Algérie, la Libye, le Tchad, le Nigeria, le Bénin, le Burkina Faso et le Mali. “Cette position permet aussi de voir toute la lutte contre Boko Haram”, ajoute le journaliste. Il reconnaît que “par rapport à la zone des trois frontières, le Niger jouit d’une position stratégique.” 

carte zone des trois frontieres
De 2015 à 2021, l'EGIS a sévi dans la zone des trois frontières aux confins du Mali, du Niger et du Burkina Faso.
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Si les militaires se replient, il n’y aura plus que le renseignement américain pour surveiller la zone sahélo-saharienne.

Antoine Glaser, journaliste et écrivain

Le coup d’État risque de constituer une “perte énorme” du point de vue militaire selon le journaliste. “Il ne s’agit pas seulement du Niger”, précise-t-il. “Comme il n’y a plus de commando des forces spéciales de Sabre au Burkina Faso, il ne reste vraiment que le Niger pour surveiller cette zone sahélo-saharienne”, analyse-t-il. Le nouveau pouvoir militaire au Burkina Faso a entrainé le départ des 400 membres des forces spéciales françaises du pays.

Si les militaires français se replient, il n’y aura plus que le renseignement américain pour surveiller cette zone”, selon lui. 

Les forces américaines possèdent en effet “une base de drones à Dirkou, dans le nord-est du pays, qui leur permet aussi de surveiller ce qu’il se passe en Libye”, détaille Antoine Glaser. “Avec leurs grandes oreilles, leurs avions et autres, ce sont eux qui assurent l’essentiel du travail de renseignement sur l’ensemble de la zone sahélo-saharienne”, poursuit-il. Mais globalement, “il y a de moins en moins de présence occidentale dans cette zone”, note le journaliste. “Cela fait partie de la recomposition mondiale entre les occidentaux et les revendications des pays du Sud.