Niger : le président de l’Assemblée nationale une nouvelle fois cible d'une attaque

Un peu moins de quatre mois après que son domicile a été attaqué par des manifestants lors des troubles qui ont succédé à l’annonce des résultats de la dernière présidentielle, remportée par Mohamed Bazoum, favori du parti au pouvoir, le président de l’Assemblée nationale nigérienne Seyni Oumarou, est à nouveau la cible de violences non encore élucidées. Dans la nuit du vendredi 12 au samedi 13 juin, deux assaillants à moto ont pris d’assaut son domicile, tuant au passage une sentinelle et blessant grièvement le chef de poste.

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L'actuel président de l'Assemblée nationale nigérienne Seyni Oumarou, devant la presse après son vote, à Niamey, au Niger, le 12 mars 2011, lors de l'élection présidentielle. 
© AP Photo/Tagaza Djibo
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L’attaque au domicile du président de l’Assemblée nationale du Niger est intervenue dans la nuit du vendredi 12 au samedi 13 juin dernier. Aux alentours d’une heure du matin, deux individus à moto ont tiré sur la sentinelle de garde qu’ils ont tué, puis ils ont blessé très grièvement le chef de poste dont la vie n’est heureusement plus en danger. Après avoir commis leur forfait, les assaillants ont pris la fuite et se sont évaporés dans la nature.  

Aucune piste n'est écartée par les enquêteurs


Pour le moment, l’on ignore toujours l’identité des malfaiteurs et le mobile de cette attaque qui intervient dans un contexte d’insécurité terroriste grandissante ciblant des civils – attaques attribuées pour la plupart à l’Etat islamique au Grand Sahara. Dans un communiqué publié dès samedi soir, le ministère de l’Intérieur affirme « qu’une enquête a été ouverte immédiatement » et que « les recherches en vue d’identifier et d’interpeller les auteurs sont actuellement en cours. »

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L'Assemblée nationale nigérienne, lors de l'ouverture de la session budgétaire 2017.
© D.R.

Autre information importante donnée par le ministère de l’Intérieur, les assaillants ont « vainement tenté d’emporter un véhicule 4X4 pick-up stationné au domicile du président de l’Assemblée nationale. » Cette dernière précision peut laisser penser qu’il s’agit, à priori, d’une tentative de vol à main armée qui a très mal tourné. Pour l’heure cependant, aucune piste n’est écartée par les enquêteurs.

Et comme nous l’a confié Lamido Moumouni Haroun, ancien ministre et directeur de cabinet du président de l’Assemblée nationale, « on ne saurait se prononcer sur telle ou telle hypothèse. Nous attendons que de façon claire et précise la police scientifique, parce qu’il y a quand même une caméra qui a pu filmer tout cela, que la police scientifique détermine avec précision quelles étaient les motivations des assaillants, si elle peut le faire, et à ce moment-là nous pourrons nous prononcer. »  

La récurrence des attaques intérroge

En l’espace de trois mois et demi, c’est la deuxième fois que le domicile du président de l’Assemblée nationale nigérienne, Seyni Oumarou, est ciblé par une attaque. Durant les troubles qui ont succédé à l’annonce le 23 février dernier de la victoire à l’élection présidentielle de Mohamed Bazoum par la Commission électorale, des manifestants avaient pris d’assaut le domicile de Seyni Oumarou, tuant par balles au passage l’un de ses gardes du corps.

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Le président nigérien Mohamed Bazoum (au centre), entouré de gauche à droite par Albert Pahimi Padacke, premier ministre tchadien, et ses homologues burkinabé Roch Marc Christian Kabore, congolais Denis Sassou Nguesso et togalais Faure Gnassingbe, à Paris, le 18 mais 2021, à l'occasion du sommet sur le financement des économies africaines. 
© Photo by Ludovic Marin, Pool via AP

Après ces événements, la sécurité a été renforcée au domicile de Seyni Oumarou, qui habite le quartier SONUCI [Société Nigérienne d’Urbanisme et de Construction Immobilière], une zone résidentielle située à l’ouest de Niamey, la capitale nigérienne. Ces dernières semaines, les tensions politiques s’étant apaisées, ce dispositif de sécurité s’était considérablement allégé.

Aujourd’hui, beaucoup s’interrogent sur ce choix et la récurrence des attaques contre le domicile de Seyni Oumarou, président de l’Assemblée nationale et deuxième personnage de l’Etat, selon les dispositions constitutionnelles, dans un pays qui n’est pas coutumier des violences politiques.

Un règlement de compte politique ?

Seidik Abba
Le journaliste et écrivain Seidik Abba, auteur notamment de "Pour comprendre Boko Haram", co-écrit avec son fil Abdoulkader Abba, et paru récemment aux éditions L'Harmattan.
© D.R.

Et s’agissant justement de l’hypothèse d’un règlement de compte politique, si elle était avérée, elle pourrait être liée au mécontentement suscité par la décision de Seyni Oumarou de rallier Mohamed Bazoum, alors candidat du parti au pouvoir, lors du second tour de l’élection présidentielle du 21 février dernier [Mohamed Bazoum l’avait emporté avec 55,75% des voix, contre 44,25% à l’ex-président Mahamane Ousmane].

« Le ralliement de Seyni Oumarou avait provoqué des crispations, souligne le journaliste et écrivain nigérien Seidik Abba, y compris dans son camp. Est-ce que ce sont des mécontents de son propre parti qui ont décidé d’agir ? Ou est-ce les membres du camp de Ousmane où on avait déploré son ralliement à Bazoum ? C’est tout ça qui rend l’affaire intéressante. »   

A 70 ans, Seyni Oumarou est un vieux routier de la scène politique nigérienne. Ancien premier ministre de 2007 à 2009, sous la présidence de Mamadou Tandja, il s’est présenté aux trois dernières élections présidentielles, sous les couleurs du MNSD-Nassara, le Mouvement national pour la société du développement, qu’il dirige depuis douze ans. Avec 8,95% des suffrages recueillis lors du scrutin présidentiel du 27 décembre 2020, loin derrière Mohamed Bazoum, le favori du PNDS, le Parti nigérien pour la démocratie et le socialisme, arrivé en tête avec 39,33% des voix, Seyni Oumarou a choisi de rallier le candidat du PNDS eu second tour.

Un choix d’autant plus surprenant que, comme le souligne Seidik Abba, durant la dernière campagne présidentielle : « Seyni Oumarou avait rejoint les rangs de ceux qui contestaient à Bazoum la nationalité nigérienne, y compris les procédures devant la Cour constitutionnelle. Son ralliement avait donc beaucoup surpris. Il s’était justifié en disant que la Cour avait tranché et qu’il était légaliste. C’est tout ça qui avait provoqué l’incompréhension dans son camp. Les partisans de Mahamane Ousmane lui en veulent, car s’il les avait rejoints, ça aurait pu faire la différence. »

Les gestes qui apaisent

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L'ancien premier ministre et opposant Hama Amadou, dans un bureau de vote, à Niamey, au Niger, le 31 janvier 2011, lors de l'élection présidentielle. 
© AP Photo/Tagaza Djibo

Avec ses 4,22% des voix et 7 sièges remportés lors des législatives couplées au premier tour de la présidentielle de décembre 2020, l’ancien président Mahamane Ousmane ne pouvait guère garantir la présidence de l’Assemblée nationale à Seyni Oumarou, comme l’a fait Mohamed Bazoum, dont le parti, le PNDS, contrôle 80 des 166 sièges de l’actuelle législature.

« Même si Seyni Oumarou avait rallié Mahamane Ousmane, précise Seidik Abba, le gouvernement aurait été formé par le PNDS, puisqu’au Niger, c’est celui qui a la majorité à l’Assemblée nationale qui forme le gouvernement. » Et un peu moins de quatre mois après son accession à la magistrature suprême, Mohamed Bazoum s’attèle à pacifier le climat politique dans le pays.

Quelques jours seulement après sa prestation de serment en avril dernier, le président Mohamed Bazoum n’a ainsi pas hésité à autoriser l’ancien premier ministre Hama Amadou, son principal opposant, en détention depuis mars, à la prison de Filingué, au nord de Niamey, à quitter sa cellule pour se rendre en France pour raisons médicales.

Et le 7 juin dernier, ce sont les représentants de la société civile nigérienne qu’il a reçus, non seulement pour mieux connaître leurs préoccupations, mais aussi leur demander de contribuer à la protection des acquis de la démocratie et à la promotion de la bonne gouvernance. « Nous concevons qu’il y a une place pour des acteurs comme vous, leur a-t-il lancé dans son discours, qui ne sont pas des acteurs politiques, qui n’ont pas vocation à conquérir le pouvoir et à l’exercer, mais qui ont une vocation très précise de sentinelle, pour critiquer et pour dire ce qui se fait en bien et ce qui se fait en mal. »