Niger : Mohamed Bazoum un président élu démocratiquement victime de son armée

De la Mauritanie au Soudan Mohamed Bazoum est un des derniers présidents civils du Sahel. Mohamed Bazoum était le premier chef de l'histoire du Niger en 2021 à succéder pacifiquement et démocratiquement au président sortant. Aujourd'hui séquestré par des militaires Mohamed Bazoum voit son destin politique rattrapé par une armée coutumière des coups d'État dans le pays. Retour sur le parcours de cet ancien syndicaliste de 63 ans.

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Mohamed Bazoum

Le président nigérien Mohamed Bazoum au palais présidentiel de Niamey, au Niger, le 16 mars 2023.

© Boureima Hama/Pool Photo via AP
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Le 6 juillet dernier, le désormais ex-président nigérien Mohamed Bazoum recevait à Niamey Josep Borrell, Haut représentant de l’Union européenne pour les Affaires étrangères et la politique de sécurité. Au terme de sa visite, le chef de la diplomatie européenne avait annoncé le renforcement de l’appui militaire de l’UE pour combattre les groupes djihadistes.

Dans un Sahel toujours en proie au terrorisme djihadiste, le Niger bénéficie en effet du soutien de plusieurs pays occidentaux dont les États-Unis et la France, qui y disposent de bases militaires.

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Près d’un an après la fin de l’opération Barkhane au Mali, et quelques mois seulement après le retrait des troupes françaises exigé par le Burkina Faso, 1500 soldats français sont toujours présents au Niger. Et c’est notamment à cause de la situation sécuritaire que les militaires réunis au sein du CNSP disent avoir mis fin au régime du président Mohamed Bazoum.  

Du syndicalisme à la politique

Marié et père de quatre enfants, Mohamed Bazoum est né en 1960 à Bilabrine, près de N’Gourti, dans la région de Diffa, située au sud-est du Niger. Il passe son enfance et tout son cycle primaire à Tesker, dans la région voisine de Zinder où s’installe ensuite sa famille. En 1979, il obtient son baccalauréat au lycée Amadou Kouran Daga de Zinder, dans le sud du pays.

Titulaire d’une bourse d’études cette année-là, il intègre le département de philosophie de la faculté des lettres et sciences humaines de l’université de Dakar, au Sénégal (devenue en 1987 l’université Cheikh Anta Diop). Après une maîtrise en philosophie politique et morale, il décroche son diplôme d’études approfondies en 1984, option logique et épistémologie.

Après son retour au pays, Mohamed Bazoum embrasse la carrière d’enseignant. Ancien leader estudiantin doté de grandes qualités d’orateur, il s’engage très vite au sein du Syndicat national des enseignants nigériens, avant de rejoindre le bureau exécutif de la puissante Union syndicale des travailleurs du Niger.   

Aux côtés de l’ancien président Mahamadou Issoufou et quelques autres camarades, il participe à la création du Parti nigérien pour la démocratie et le socialisme (PNDS-Tarayya) en décembre 1990. L’année suivante, il représente l’Union syndicale des travailleurs du Niger à la Conférence nationale, étape majeure du processus de démocratisation, après des années de dictature militaire et de tentatives de putschs.

(Re)voir Niger : retour sur le coup de force des militaires putschistes

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À l’époque, comme beaucoup d’autres pays d’Afrique subsaharienne, le Niger est contraint de s’orienter vers le multipartisme. Entre 1991 et 1993, durant la transition démocratique post-conférence nationale, Mohamed Bazoum devient secrétaire d’Etat auprès du ministre des Affaires étrangères et de la coopération. Toujours en 1993, il est élu député de la circonscription spéciale de Tesker, dans la région de Zinder, au sud du pays. Par la suite, il sera réélu dans la même circonscription en 2004, 2011 et 2016.

La succession de Mahamadou Issoufou

En 1995, le PNDS-Tarayya remporte les élections législatives. Le chef de l’Etat d’alors, Mahamane Ousmane, se retrouve dans une cohabitation. Mohamed Bazoum devient ministre des Affaires étrangères d’un gouvernement dirigé par Hama Amadou.

Après le coup d’État du colonel Ibrahim Baré Maïnassara le 27 janvier 1996, Mohamed Bazoum se retrouve dans l’opposition. Une situation qui se poursuivra après l’assassinat en 1999 du colonel Ibrahim Baré Maïnassara et l’élection la même année de feu Mamadou Tandja.  

Avec l’élection en 2011 de son compagnon de route Mahamadou Issoufou, Mohamed Bazoum est nommé ministre des Affaires étrangères, poste qu’il occupe jusqu’en 2015. L’année suivante, il hérite du ministère de l’Intérieur, après un bref passage par la présidence de la République.

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Personnage clé de la décennie Issoufou, Mohamed Bazoum est considéré comme un dur par une partie de la société civile nigérienne. En 2018, une vingtaine de militants de différentes associations avaient en effet été arrêtés pour avoir manifesté contre une loi de finance jugée « antisociale ».  

Le 31 mars 2019, Mohamed Bazoum est investi candidat du PNDS-Tarayya pour l’élection présidentielle de 2020. Il obtient 55,75% des voix, selon la commission électorale, contre 44,25% à son rival Mahamane Ousmane. Il succède ainsi à son compagnon de route Mahamadou Issoufou, qui se retire après deux mandats successifs de cinq ans. La victoire de Mohamed Bazoum avait été saluée comme une première transition démocratique, dans un pays qui avait connu plusieurs coups d’État.