Fil d'Ariane
Mohamed Bazoum, président du Niger, a été renversé à la suite d’un coup d’État militaire le 26 juillet. Depuis, il est retenu dans l’enceinte du palais présidentiel. Si la communauté internationale se mobilise pour obtenir sa libération, ses conditions de détention inquiètent.
Mohamed Bazoum, président du Niger, lors d'un déplacement officiel aux États-Unis. Décembre 2022.
Ils sont aux mains des putschistes. Mohamed Bazoum, le chef d’État nigérien, son épouse et leur plus jeune fils sont retenus prisonniers dans l’enceinte du palais présidentiel de Niamey depuis deux semaines. L'actuel président élu du Niger, âgé de 63 ans, et arrivé au pouvoir en 2021, a été renversé le 26 juillet dernier par sa garde présidentielle à la suite d’un “mouvement d’humeur” initié par des militaires.
L'ONG Human Rights Watch assure qu’elle s’est entretenue “avec le président Bazoum, son médecin, l’avocat de la famille, un ancien conseiller en communication et avec un ami de la famille". Le président Mohamed Bazoum a décrit le traitement de sa famille en détention comme étant « inhumain et cruel ».
Mon fils est malade, il a une grave maladie cardiaque et a besoin de voir un médecin.
Mohamed Bazoum, président du Niger
« Je n’ai plus d’électricité depuis le 2 août et aucun contact humain depuis le 4 août. Je ne suis pas autorisé à recevoir les membres de ma famille ou mes amis qui nous apportaient de la nourriture et d’autres fournitures », explique le chef d’État dans un communiqué mis en ligne par l’ONG le 11 août. « Mon fils est malade, il a une grave maladie cardiaque et a besoin de voir un médecin », a-t-il ajouté. Selon lui, les putschistes “ont refusé de lui permettre de recevoir des soins médicaux ».
Zazia Bazoum, fille aînée de Mohamed Bazoum, s'est, elle aussi, exprimée dans le Guardian concernant les conditions de détention de sa famille. En séjour à Paris, elle a assuré que la situation « est très compliquée ». “C’est très dur pour moi de les savoir dans cette situation », a-t-elle aussi confié au journal britannique. Privés électricité, “ils restent dans le noir”, a-t-elle affirmé, rappelant qu’au mois d’août “la météo au Niger est très dure” et qu’il fait “très chaud dans la maison”.
Toujours d’après les révélations de Zazia Bazoum, les membres de sa famille emprisonnés par les putschistes mangent "uniquement des pâtes et du riz et n’ont plus accès à l’eau potable". Selon leur fille, Mohamed Bazoum, son épouse Hadja Hadiza Bazoum auraient même perdu cinq kilos chacun depuis le coup d’État du 26 juillet. Le benjamin de la fratrie, Salem Bazoum, âgé de 22 ans, lui aussi aux mains des putschistes, en a perdu dix, rapporte sa sœur.
Selon Human Right Watch, les Bazoum sont contraints de s’alimenter avec de la nourriture déshydratée et n’ont pas accès à des produits frais. Quelques jours après le coup d’État, le président tchadien Mahamat Idriss Déby Itno a fait le déplacement jusqu’à Niamey pour s'entretenir avec le président Bazoum. Il a aussi pu échanger avec le général Abdourahamane Tchiani à Niamey. Sur une photo prise au moment de leur rencontre, le président Mohamed Bazoum apparaît aux côtés de son homologue tchadien souriant et semble en bonne santé. C’est la dernière photo officielle rendue publique depuis le putsch.
À droite, le président du Niger Mohamed Bazoum. À gauche, son homologue tchadien Mahamat Idriss Déby Itno. Les deux hommes ont pu se rencontrer à Niamey quelques jours après le coup d'État du 26 juillet.
Invité du journal international de TV5MONDE le 7 août, Ouhoumoudou Mahamadou, le Premier ministre nommé par Mohamed Bazoum, a assuré, lui, que le président déchu était toujours “séquestré dans sa résidence avec sa femme et son enfant et a des contacts limités avec d’autres personnes qui lui sont chères”.
D’après le chef du gouvernement, qui refuse de reconnaître le pouvoir militaire du général Tchiani, nouvel homme fort de Niamey, “on leur a coupé l'électricité, l’eau. Ils vivent avec les quelques réserves qu’ils ont pu accumuler". Ouhoumoudou Mahamadou parle même d’une “situation catastrophique” dans laquelle se trouve actuellement la famille séquestrée par la junte militaire.
Les chefs militaires nigériens et auteurs du coup d’État font subir à Bazoum et à sa famille (...), un traitement abusif, en violation du droit international humanitaire.
Carine Kaneza Nantulya, directrice adjointe de la division Afrique à Human Rights Watch
Le parti nigérien pour la démocratie et le socialisme (PNDS-Tarayya) dont est issu le président déchu est lui aussi alarmiste. Le parti dénonce dans un communiqué des “conditions de vie drastiques, cruelles et inhumaines” imposées par les putschistes aux trois membres de la famille Bazoum.
De nombreuses institutions ont alors fait part de leurs inquiétudes au sujet de l'état de santé du président Bazoum et de sa famille. Vendredi 11 août, le président de la commission de l'Union Africaine, Moussa Faki Mahamat, a fait part de "ses vives préoccupations" sur "la détérioration des conditions de détention" du président nigérien Mohamed Bazoum.
« Les chefs militaires nigériens et auteurs du coup d’État font subir à Bazoum et à sa famille, ainsi qu’à d’autres prisonniers non identifiés, un traitement abusif, en violation du droit international humanitaire », a aussi déclaré Carine Kaneza Nantulya, directrice adjointe de la division Afrique à Human Rights Watch. Le 9 août, le Secrétaire général des Nations Unies, António Guterres, a dénoncé « les conditions de vie déplorables dans lesquelles le président Bazoum et sa famille vivraient ».
Vendredi 11 août, le chef de la diplomatie européenne Josep Borrell a lui aussi exprimé “sa profonde inquiétude” au vu de la “détérioration des conditions de détention” du chef d’État nigérien. Selon ce dernier, la famille Bazoum serait “privée de nourriture, d'électricité et de soins depuis plusieurs jours”.
Le 3 août, Mohamed Bazoum avait rédigé une tribune dans les colonnes du Washington Post, où il se présentait officiellement comme “otage” et assurait être retenu contre sa volonté par des militaires nigériens.
D’après les informations de nos confrères de Jeune Afrique, les conditions de détention de la famille Bazoum se seraient alors dégradées en représailles à cette tribune. Sitôt publiée, ils auraient confisqué le téléphone portable du dirigeant. Dans le même temps, son cuisinier personnel, resté en fonction après le coup d’État, a été interdit d’accès à la résidence présidentielle.
Alors que le sommet des chefs d’État major de la Cédéao vient d’être reporté sine die, la décision d’une intervention militaire menée par la coopération ouest-africaine pour tenter de rétablir le président Bazoum reste au coeur des préoccupations de la communauté internationale.