Fil d'Ariane
La tension régnait, dimanche 30 mai, dans le sud-est du Nigéria. L’ancienne région séparatiste commémore "le Biafra", en souvenir de la guerre civile qui a fait plus d'un million de morts, essentiellement de l'ethnie igbo, à la fin des années 1960.
Pour les 30 et 31 mai, le Mouvement des peuples indigènes du Biafra (Ipob), organisation séparatiste dirigée par Nnamdi Kanu, a organisé deux jours de célébration en l'honneur des victimes : une procession aux bougies le 30 au soir l'ordre absolu de rester chez soi durant toute la journée du lendemain.
Chaque personne du pays du Biafra est invitée à rester à la maison lundi 31 mai
Emma Powerful, porte-parole du Mouvement des peuples indigènes du Biafra
Via un communiqué, la porte-parole de l’Ipob, Emma Powerful, invite "chaque personne du pays du Biafra à rester à la maison lundi 31 mai", en rappelant que tous les marchés, les rues, et les commerces devaient être fermés. "Nous conseillons fortement nos compatriotes de ne pas défier cet ordre, car toute personne vue à l'extérieur pourrait devenir une cible de nos ennemis -les forces de sécurité fédérales- qui ensuite, à leur habitude, viendront nous tenir pour responsables", a-t-elle mis en garde.
Les rues d'Owerri, capitale de l'Etat d'Imo, étaient déjà totalement désertes dimanche. Personne n'osait quitter son foyer au lendemain d'une attaque perpétrée par des hommes armés non identifiés, qui a fait deux morts au sein de l'armée de l'air nigériane.
Ahmed Gulak, un homme politique très influent dans la région, par ailleurs conseiller spécial de l'ancien président Goodluck Jonathan, a également été abattu par six hommes non identifiés, dimanche 30 mai, à Imo, alors qu'ill était en route vers l'aéroport, selon la police locale.
"Plus personne ne sort de chez soi", rapportait dimanche matin, Ajibade Awofeso, un habitant de la localité. Ce dernier assurait, en outre, que des militaires bloquaient le carrefour de Poly, "d'où ils tirent des coups de feu sporadiques".
Mayelope Opeyemi, un autre résident, décrivait une "situation très grave ici. Nous vivons dans la peur. Le gouvernement doit venir nous aider à retrouver la paix".
(Re)voir : Biafra : où est Nnamdi Kanu, la nouvelle figure du séparatisme du sud du Nigeria ?
L’atmosphère était également lourde dans les Etats voisins d'Anambra et d'Ebonyi. Des témoins rapportaient des rues vides et quadrillées par des véhicules militaires.
Le sud-est du Nigeria connaît de nouvelles flambées de violence ces derniers mois. Selon un décompte des médias locaux, au moins 127 policiers ou membres des forces de sécurité ont été tués et une vingtaine de postes de police et des bureaux de la commission électorale ont été pris d'assaut depuis le début de l'année.
Principal groupe séparatiste, l’Ipob, classée comme "organisaton terroriste" par les autorités nigérianes en 2017, dément toute responsabilité de son bras armé Réseau Sécuritaire de l’Est (ESN) dans ces attaques devenues hebdomadaires.
Il y a 54 ans, des généraux igbo d'une province rebelle déclaraient unilatéralement l’indépendance de "la République du Biafra" (1967-1970). S’en est suivie une guerre civile d’une rare atrocité et une terrible famine, provoquant la mort de plus d’un million de personnes.
Depuis l'arrivée au pouvoir du président Muhammadu Buhari, ancien général Haoussa originaire du nord, les velléités indépendantistes se sont réveillées.