Un président élu dans un mois. C’est l’objectif fixé par Goodluck Jonathan, l’actuel président nigérian qui a lancé sa campagne le 8 janvier dernier, lors d’un grand meeting à Lagos, capitale économique du Nigeria. Dans le cadre de celle-ci, il s'est également rendu, jeudi 15 janvier, à Maiduguri, fief de Boko Haram où il n'avait pas mis les pieds depuis près de deux ans.
En poste depuis 2010, il se représente pour un troisième mandat alors qu’une règle tacite voudrait qu’après lui, chrétien du sud, un candidat nordiste et musulman devienne président.
C’est dans cette optique que Muhammadu Buhari, candidat nordiste de l’APC, principal parti d’opposition, se présente à la présidentielle. A 71 ans, cet ancien général à la retraite, est un candidat malheureux des trois derniers scrutins présidentiels : 2003, 2007 et 2011. Il incarne en quelque sorte celui qui pourrait sortir le pays de la grave crise sécuritaire que subit le Nigeria, puissant pays africain.
Vagues d’attentats
En effet, depuis plusieurs mois, chaque jour ou presque, le nord-est du Nigeria est la cible d’attaques signées Boko Haram. Parmi les derniers actes terroristes, de nombreux attentats kamikazes ont eu lieu ces derniers jours. Leur particularité ? Avoir été commis par des jeunes femmes. Le 11 janvier, deux femmes se font exploser dans un marché bondé de Potiskum, dans le nord-est du pays. La veille, c'est une fillette de 10 ans portant une bombe qui a tué 19 personnes sur un marché de Maiduguri. Sur place, les forces de l'ordre reconnaissent "la signature de Boko Haram".
Pour montrer qu'ils ne reculent devant rien et qu'ils sont de plus en plus armés et aguerris,les djihadistes de la secte n'hésitent plus à prendre des risques. La preuve en est avec la prise de la base militaire de Baga (MNJTF), les 3 et 4 janvier, sur les rives du Lac Tchad. Ce lieu stratégique regroupait des forces multinationales qui luttent contre Boko Haram. Les combattants islamistes « ont submergé les troupes et les ont forcées à abandonner la base », déclare par téléphone à l’AFP Usman Dansubdu, un habitant de Baga en fuite. Pour Ryan Cummings, spécialiste des questions de sécurité sur le continent africain, « la prise de Baga signifie que Boko Haram a maintenant le contrôle de l’ensemble du territoire (du nord-est) où le Nigeria partage ses frontières avec le Niger, le Cameroun et le Tchad », a t-il déclaré à l'AFP. Selon Seidik Abba, journaliste et analyste de l'actualité africaine, « le dispositif sécuritaire du Nigeria dans le nord-est s'est quasiment effondré et Boko Haram en profite. La secte a beaucoup recruté ces derniers temps. D'après certaines informations, ils auraient obtenu les moyens financiers qui leur ont permis de recruter des jeunes dans les pays voisins et au Nigeria ».
Des moyens qui leur ont permis également de s'attaquer à 16 localités des rives du Lac Tchad, quelques jours seulement après la prise de la caserne de Baga. Si aucun bilan précis ne peut être effectué pour le moment, Daniel Eyre, chercheur sur le Nigeria à
Amnesty International note : « si les informations indiquant que la ville a été en grande partie rasée et que des centaines de civils (peut-être même 2000) ont été tués sont exactes, nous sommes en présence d’une escalade sanglante très inquiétante des actions de Boko Haram contre la population civile ». Un responsable administratif de l’Etat de Borno assure, lui, que « plus de 20 000 déplacés provenant de Baga et des villages alentour se trouvent dans un camp à Maiduguri ».
Sans oublier les enlèvements à répétition. Récemment, 40 jeunes hommes ont été kidnappés dans le village de Malari, à 20km de la forêt de Sambisa, réputée pour être une des caches principales du groupe terroriste dans le nord-est du pays. Encore une signature de Boko Haram. En avril 2014, 200 lycéennes avaient disparu à Chibok. Elles ne sont toujours pas revenues.