Depuis pluisieurs mois, la communauté chiite du Nigeria proteste dans les rues de la capitale Abuja pour réclamer la libération de leur chef spirituel Ibrahim Zakzaky, maintenu en prison alors que la justice a ordonné sa libération. Ces manifestations sont systématiquement réprimées par les forces de l'ordre. Le journaliste Jean-Christophe Servant réagit sur TV5MONDE.
Il vient d'être blessé lors d'échauffourées avec la police. En plein centre d'Abuja, d'autres manifestants lui viennent en aide. Tous réclament la libération de leur dirigeant Ibrahim Zakzaky, chiite pro-iranien resté en prison malgré une décision de justice ordonnant sa libération.
Ces derniers jours les manifestations se multiplient et avec elles la répression policière :
Ils m'ont fait tomber, ils m'ont battu avec un bâton en essayant de m'arrêter, mais les gens sont venus m'aider et je suis parti, alors ils ont battu beaucoup de gens, y compris des femmes. Vous pouvez voir le niveau de tyrannie et d'oppression. Des enfants ont été battus et emmenés par la police.Abdullahi Muhammad, chef des jeunes du Mouvement islamique du Nigeria
Au moins 115 personnes ont été arrêtées selon les autorités. C'est le bilan après plusieurs jours de protestations. La foule de Nigerians chiites interpellent aussi les autorités sur le traitement qui est réservé à Ibrahim Zakzaky en prison. Il a été molesté lors de son arrestation en décembre 2015. Le dirigeant y a perdu l'usage de son oeil gauche.
L'armée est accusée par des ONG d'avoir commis un bain de sang. 300 personnes ont été tuées lors des manifestions à Zaria (au nord du Nigeria). Dans un pays à majorité sunnite, les manifestants chiites craignent aujourd'hui pour leur vie.
Au lieu que les autorités les relâchent ou leur permettent d'exercer leur liberté d'association et de mouvement, vous voyez que la police utilise des gaz lacrymogènes et des méthodes indisciplinées pour disperser les manifestants. Ce n'est pas ce qui est attendu. On s'attendait à ce qu'ils aient pu leur fournir la sécurité et la sûreté nécessaires pour manifester, faire le tour de la ville sans nécessairement bloquer les droits des autres.Eze Onyekpere, CSJ - Organisation pour les droits de l'Homme
Une trentaine de personnes ont été blessées lors des rassemblements. De son côté le pouvoir dénonce des troubles qui "perturbent" l'ordre public.
Analyse du journaliste Jean-Christophe Servant, invité de TV5MONDE
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"Depuis la répression sanglante de la police en décembre 2015 qui a abouti selon les organisations des droits de l'Homme a minima à la mort de 347 personnes, il n'y a eu aucune enquête. Ibrahim Zakzaky, tout comme son épouse et plusieurs militants de Min (Mouvement islamique du Nigeria) sont aux arrêts illégalement puisque la Cour suprême du Nigeria a demandé leur libération (...)."
"On sait aujourd'hui que la question confessionnelle intra-musulmane sunnite-chiite est instrumentalisée au niveau politique. Les tensions qui règnent entre le "parrain" saoudien et le "parrain" iranien peuvent avoir à nouveau des conséquences sur la vie politique et les tensions sociales au Nigeria."
"L'affaire Zakzaky est extrêmement connue en Iran. Le ministère des affaires étrangères iranien a régulièrement tencé le gouvernement nigerian pour sa libération."