Nigeria : Muhammadu Buhari, son combat contre Boko Haram

Le nouveau président du Nigeria, Muhammadu Buhari, termine sa première visite officielle au Niger et au Tchad, quelques jours seulement après son investiture, le vendredi 29 mai. Un signe fort qui montre sa réelle volonté de venir à bout de Boko Haram. La secte islamiste a tué plus de 15 000 personnes depuis 2009. Comment compte-t-il lutter contre les djihadistes ? Eléments de réponse.
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Muhammadu Buhari
Muhammadu Buhari, le nouveau président du Nigeria, salue ses supporters lors de son investiture, vendredi 29 mai 2015.
© AP Photo/Sunday Alamba
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A peine investi, Muhammadu Buhari semble déjà s'engager pleinement dans la lutte contre la secte islamiste Boko Haram. Le président nigérian termine ce vendredi, sa première visite officielle à l'étranger. La veille, il a salué, à N'Djamena, au Tchad, le rôle essentiel de l'armée tchadienne dans la lutte contre les insurgés islamistes de Boko Haram, appelant à un renforcement de la coopération entre le Tchad et le Nigeria. Muhammadu Buhari s'exprimait dans la capitale tchadienne où il a rencontré son homologue Idriss Déby.

Mercredi 3 juin, le président nigérian était à Niamey « pour une visite de travail et d’amitié, qui honore le Niger », rapporte un communiqué de la présidence nigérienne. "Je viens chercher l'appui de nos voisins. Je suis venu d'abord au Niger, demain j'irai à N'Djamena et je vais aussi parler avec le président du Cameroun, pour étudier les voies et moyens de consolider nos forces", avait déclaré le président de la première puissance d'Afrique.

 « Ce sont des signes qui montrent que quelque chose est en train de se passer dans la lutte contre Boko Haram au Nigeria », assure Seidik Abba, journaliste et analyste de l’actualité africaine. Nordiste, Muhammadu Buhari se sent d'autant plus concerné par le problème qui frappe sa région d'origine.

Coopérer avec les pays voisins

Le Cameroun, le Niger et le Tchad participent depuis le mois de février à une opération militaire et se félicitent de compter un certain nombre de victoires contre Boko Haram. 10 000 hommes des pays du bassin du lac Tchad et du Bénin sont mobilisés. Ces pays limitrophes du Nigeria espèrent beaucoup du nouveau président : « Qu’il soit plus disposé à coopérer avec ses voisins, ce qui n’a pas été le cas jusqu’ici », souligne le journaliste Seidik Abba. En effet, l’ancien président Goodluck Jonathan était fortement critiqué pour sa passivité face aux actions meurtrières de Boko Haram. Pour l’anecdote, le président Issoufou (Niger) aurait eu plus d’échanges au téléphone avec Buhari en huit semaines qu’avec Goodluck Jonathan en cinq ans, a confié à RFI une source bien informée à Niamey.

Goodluck Jonathan était également réticent à l’intervention de ses voisins sur son territoire. La plupart des pays limitrophes comme le Tchad sont d'ailleurs entrés au Nigeria sans l’autorisation du président. « Mais le Tchad a estimé qu’il était de son droit, de son devoir d’aller attaquer » les islamistes, assure Seidik Abba.

Les pays voisins comptent désormais sur une meilleure coopération et une meilleure implication du Nigeria au niveau sous-régional.« Avec la nouvelle administration au Nigeria, nous allons pouvoir rendre opérationnelle la force multinationale avec l’ensemble des pays du lac Tchad », a affirmé le président nigérien.

L’arrivée de Buhari suscite également beaucoup d’espoir concernant un rapprochement entre le Nigeria et le Cameroun, malgré le contentieux historique de l’île de Bakassi.

Au-delà de la coopération militaire, les relations sur le plan diplomatique régional sont également a améliorer. Récemment, « des officiels nigériens ont critiqués le Nigeria, rappelle Seidik Abba. Dans une interview, le président tchadien a, lui, critiqué le Nigeria en disant que le pays n’en faisait pas assez dans la lutte contre Boko Haram. Tout cela a créé une sorte de malaise dans la sous-région et dans les relations entre le Nigeria et les voisins. L’arrivée de Buhari va sûrement permettre d’ouvrir une nouvelle page ».

Renforcer la stratégie militaire

Ancien général, Muhammadu Buhari tient à revaloriser l’image de l’armée nigériane, fortement abîmée depuis que Boko Haram sévit dans le pays. « Buhari a fait partie de l’armée nigériane à l’époque où elle était prestigieuse, où elle pouvait envoyer des hommes en Sierra Leone, au Liberia pour faire la guerre », explique Seidik Abba. Eradiquer ces islamistes du territoire nigérian est pour lui « un défi à relever pour restaurer la crédibilité et l’image de l’armée nigériane ». Ce nationaliste souhaite par-dessus tout que le Nigeria soit lui-même capable d'assurer sa propre sécurité.

Pour endiguer la progression du groupe islamiste et mieux contrôler ses actions, le président Buhari a annoncé qu’il allait mettre en place un nouveau centre de commandement militaire à Maiduguri, la grande ville du nord-est nigérian. Selon lui, « la victoire ne peut pas être atteinte depuis un centre de commandement à Abuja », dans le centre du pays. Une décision applaudit par de nombreux observateurs qui y voient une réelle stratégie et une volonté d’agir. « Ce transfert est un geste très fort, à la fois sur le plan symbolique mais également sur le plan de l’efficacité, souligne Seidik Abba. Les populations vont être plus rassurées ».  

Rapprochement avec la communauté internationale

A l'inverse de son prédécesseur, Muhammadu Buhari paraît moins fermé aux discussions avec la communauté internationale. « Buhari part avec un capital d’estime puisqu’il a été élu dans des conditions démocratiques », affirme le journaliste. Lors de son investiture, vendredi 29 mai, Jonh Kerry était présent. « C’est la première fois que je vois un secrétaire d’Etat américain venir à l’investiture d’un chef d’Etat africain, assure Seidik Abba. Un signe de rapprochement entre la communauté internationale et la première puissance d’Afrique. « Buhari part sur de bonnes bases de coopération. Aujourd’hui, de mon point de vue, il peut demander des choses et les obtenir plus facilement que Goodluck Jonathan ».

Dans le cadre de discussions privées à Londres, peu avant son investiture, Buhari a également rencontré David Cameron. Le Premier ministre britannique a proposé au nouveau chef d’Etat nigérian de lui apporter de l’aide, notamment dans la lutte contre les islamistes armés.