Nigeria : plus d'une centaine d'agriculteurs assassinés par Boko Haram le jour des élections

Samedi 28 novembre, plus d'une centaine d'agriculteurs ont été tués froidement en plein travail dans une rizière située  près de Maiduguri, dans l'Etat du Borno, au nord-est du Nigeria. Une attaque attribuée à Boko Haram et qui s'est déroulée lors des premières élections locales organisées depuis le début de l'insurrection djihadiste en 2009. 
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Nigeria 43 agriculteurs tués
La brigade de lutte contre le terrorisme et la police assurent la sécurité dans les bureaux de la Commission électorale nationale indépendante à Kano, dans le nord du Nigéria, le 14 février 2019. 
(Photo AP / Ben Curtis)
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Au moins 110 civils ont été tués samedi par des membres présumés de Boko Haram dans un village du nord-est du Nigeria, selon un bilan des Nations unies, ce qui en fait une des attaque les plus meurtrières dans cette région, en proie à une sanglante insurrection jihadiste.

"Le 28 novembre, en début d'après-midi, des hommes armés sont arrivés à moto et ont mené une attaque brutale sur des hommes et des femmes qui travaillaient dans des champs à Koshobe", a déclaré dimanche le coordinateur humanitaire de l'ONU au Nigeria, Edward Kallon. "Au moins 110 civils ont été froidement tués, et de nombreux autres blessés dans cette attaque", a-t-il ajouté.

Un bilan qui n'a cessé de s'alourdir en l'espace de 24 heures. Il intervient après celui rendu public dimanche par les autorités nigérianes : "Alors qu'hier le bilan était de 43 morts, on vient de m'informer à mon arrivée qu'il est désormais de 70 morts", avait déclaré un peu plus tôt à la presse le gouverneur de l'Etat de Borno, épicentre de l'insurrection jihadiste, Babaganan Umara Zulum.

Le gouverneur s'exprimait depuis le village de Zabarmari, situé à proximité du champ attaqué, après avoir assisté à l'enterrement des 43 corps retrouvés la veille. Ce bilan pourrait encore s'alourdir avait prévenu le gouverneur. "Les opérations de recherche vont reprendre aujourd'hui", a-t-il ajouté.

A lire : Nigeria, Boko Haram, c’est qui ? C’est quoi ?

Samedi, des combattants de Boko Haram ont ligoté et égorgé des ouvriers agricoles qui travaillaient dans les rizières du village de Koshobe, non loin de la capitale provinciale Maiduguri.

"Nous avons retrouvé 43 corps sans vie, tous ont été égorgés, et six personnes gravement blessées", avait déclaré Babakura Kolo, le responsable d'un groupe d'autodéfense pro-gouvernemental. "C'est sans aucun doute l'œuvre de Boko Haram qui opère dans la région et attaque fréquemment les agriculteurs", a estimé M. Kolo qui a participé à l'évacuation des victimes.

Selon les responsables d'une milice pro-gouvernementale, les 43 premières victimes retrouvées faisaient partie d'un groupe de 60 ouvriers agricoles originaires de l'État de Sokoto, à environ 1.000 km à l'ouest, qui s'étaient rendus dans le nord-est pour trouver du travail dans les rizières.

Le président du Nigeria Muhammadu Buhari a "condamné le meurtre de ces agriculteurs dévoués à leur travail par des terroristes ", dans un communiqué. "Le pays entier est blessé par ces assassinats insensés", a-t-il ajouté.

(Re)voir : Il y a 4 ans, entretien avec deux repentis de Boko Haram [Le Mémo]

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​Les attaques ciblent de plus en plus fréquemment des bûcherons, éleveurs et pêcheurs. Ils les accusent d'espionner et de transmettre des informations aux militaires et milices qui combattent les violences djihadistes dans la région.

Un scrutin sanglant

Ce drame intervient le jour des élections des représentants et conseillers régionaux des 27 circonscriptions de l'Etat du Borno. Ce scrutin avait été maintes fois repoussé depuis 2008, Boko Haram, et sa faction rivale, le groupe Etat Islamique en Afrique de l'Ouest (Iswap), ayant multiplié les attaques meurtrières: ils contrôlent depuis une partie du territoire. 

Pour cinq circonscriptions situées sur les pourtours du lac Tchad, zone contrôlée par le groupe Iswap, les habitants ont voté ce samedi loin de chez eux, à Maiduguri.

​A lire : Nigeria : l'armée annonce avoir libéré 1000 otages de Boko Haram

C'est dans cette ville et sa périphérie que des centaines de milliers de personnes ont trouvé refuge dans des camps de fortune après l'attaque de leurs villages par des djihadistes. "C'est mon devoir de venir et de voter pour les représentants et les conseillers régionaux car ils sont les responsables de ma localité", a déclaré Bukar Amar, un déplacé du conflit qui a voté pour sa localité depuis le camp de Bakassi.

"Jusqu'ici, les élections se sont bien déroulées et nous espérons que tous les électeurs pourront glisser leur bulletin dans l'urne avant la fermeture des bureaux", avait déclaré en milieu de journée Abdulrahman Bulama Ali, un responsable des élections dans ce camp.

Déplacés sans ressources 

Depuis plusieurs mois, les autorités ont encouragé les personnes déplacées à retourner dans leur village, affirmant qu'il n'était plus possible de les prendre en charge financièrement.  

Un nombre important de déplacés ont ainsi regagné leurs lieux d'habitation, pourtant ravagés par les violences. Ces déplacés dépendent presque entièrement de l'aide humanitaire pour survivre. Reste que les humanitaires sont eux-aussi les cibles d'attaques. 

(Re)voir : Nigeria, hommage aux cinq humanitaires tués

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"Nous avons enregistré des niveaux d'insécurité alimentaire similaires à ceux de 2016-2017, au pic de la crise humanitaire, lorsque le risque de famine menaçait le nord-est", a déclaré en novembre le coordinateur humanitaire de l'ONU au Nigeria, Edward Kallon. 

Le conflit qui dure depuis plus de dix ans a créé une crise humanitaire dramatique, récemment aggravée par de mauvaises récoltes et les restrictions liées au coronavirus. Environ 2 millions de personnes ont dû fuir leur domicile depuis le début du conflit en 2009, qui a fait plus de 36.000 morts.

(Re)voir : Nigeria, Boko Haram, 10 ans après

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Environ 4,3 millions de personnes ont été victimes d'insécurité alimentaire en juin 2020, durant la période de soudure. L'ONU prévoit que ce chiffre augmente de 20% l'année prochaine à la même saison.