Que sait-on des violences des ces derniers mois au Nord du Nigeria ? Benjamin Augé : Hors des communications officielles de l’armée nigériane et de la comptabilité des morts, on sait peu de choses. Sambo Dasuki, le nouveau National Security Adviser (NSA, conseiller sur la sécurité nationale, ndlr) auprès du président nigérian Goodluck Jonathan, connait bien Boko Haram car il vient lui-même de l’État de Sokoto au Nord du Nigeria. Mais, depuis qu’il a été nommé (en juin 2012, ndlr), il est difficile de comprendre s’il y a une stratégie concernant ce mouvement parce qu’il parle très peu, contrairement à son prédécesseur. Si on se fie aux actions des forces de l’ordre nigérianes dans les États au nord-est du Nigeria, il semble que sa stratégie depuis presque deux ans ne paye pas, en particulier en regard de la multiplication des tueries. Mais les violences dans le Nord du pays sont-elles bien le fait de Boko Haram même si elles ne sont pas revendiquées par le groupe ? Le problème avec Boko Haram est un peu le même qu’avec Al-Qaida, car plusieurs groupes autonomes cohabitent. Un jour ces derniers peuvent se revendiquer du mouvement global Boko Haram avec des objectifs politiques ou religieux, et d‘autres jours, ils s’inscrivent dans une logique de pure criminalité et ne revendiquent pas leur appartenance. Et pourtant, ce sont les mêmes hommes ! C’est la raison pour laquelle les observateurs de ce mouvement utilisent souvent le conditionnel parce que tout n’est pas revendiqué par Boko Haram. Vous avez aussi d’autres groupes comme Ansaru (
lire notre article), également dans la mouvance de Boko Haram, et qui la plupart du temps, pratiquent davantage le kidnapping que des tueries de masse. Savoir qui exactement est derrière ces différentes activités est complexe. Il y a au moins quatre types d’actions différentes imputées à Boko Haram : les tueries comme celle des 45 enfants tués dans le
lycée dans l'Etat de Yobe la semaine dernière ; les attaques des bâtiments officiels de l’Etat, de la police, de l’armée – et tout cela n’a rien à voir avec la religion parce que dans l’école comme chez les policiers, il y a des chrétiens et des musulmans – ; les kidnappings d’occidentaux (enlèvement de Français notamment : le
père Vandenbeusch et la famille Moulin-fournier, ndlr); et enfin, il y a les attaques strictement religieuses contre des églises par exemple. La pluralité de ces activités brouille le message religieux de Boko Haram.