Fil d'Ariane
La Commission nationale électorale indépendante (Inec) a annoncé mardi en soirée la victoire écrasante de Muhammadu Buhari. Il remporte 21 Etats des 36 que compte la fédération nigériane. L'Inec a précisé mercredi matin que M. Buhari, 72 ans, du Congrès progressiste (APC), avait remporté l'élection avec 2,57 millions de voix d'avance sur son rival. Il a recueilli 53,95% des suffrages exprimés. Goodluck Jonathan, 57 ans, du Parti démocratique populaire (PDP), a obtenu 44,96% des voix à l'élection qui s'est déroulée samedi et dimanche.
Au lendemain de l’annonce des résultats, la presse nigériane est euphorique. Pour le quotidien Punch la victoire appartient au peuple nigérian et marque le début d’une "nouvelle ère". Le journal Leadership qualifie cette victoire de renouveau pour le Nigeria. Selon lui, "Muhammadu Buhari fait partie de l’Histoire".
Sans tarder, l'Union européenne a "chaleureusement félicité" la victoire du candidat Buhari. Le président français François Hollande a "salué la détermination du peuple nigérian" ainsi que "le sens des responsabilités" du président sortant, qui a reconnu sa défaite. Laurent Fabius, chef de la diplomatie française, assistera à la cérémonie d'investiture du nouveau président.
A Lagos, la capitale économique et la plus grande ville du pays, des feux d'artifice ont été lancés dans le quartier populaire d'Obalende et les partisans du nouveau président ont laissé exploser leur joie dans les rues, à pied, dans des triporteurs et même à cheval.
A Abuja, une foule compacte dansait devant le QG de campagne de l'APC.
"Il s'agit de la première alternance démocratique de l'histoire du Nigeria. Il n'est pas question de musulman ou de chrétien, ou même de parti politique. Cela montre aux politiciens que s'ils ne font pas leur travail, on peut les mettre dehors", s'est enthousiasmé Anas Galadima, qui faisait partie de la fête.
Pour le commentateur politique Chris Ngwodo, la victoire de Muhammadu Buhari "instaure une suprématie (...) de l'électorat", dans un pays où, bien souvent, la bataille était gagnée d'avance pour le président sortant. "La dynamique entre les gouvernés et le gouvernement a changé pour de bon", a-t-il poursuivi.
Des milliers de Nigérians sont descendus dans les rues de Kano, la plus grande ville du nord musulman, pour célébrer la victoire de celui qu'ils ont plébiscité avec près de deux millions de voix. Une nuée de scooters et de voitures tous feux allumés faisaient des rodéos avec leurs engins, dans un nuage de gaz d'échappement. Des femmes voilées scandaient "Juste Buhari!" en choeur dans la foule. Nombre d'entre eux brandissaient des balayettes, le symbole du parti de Buhari, le Congrès progressiste (APC), qui s'est engagé à lutter contre des années de mauvaise gouvernance et de corruption.
A Kaduna, dans le centre du Nigeria, où des affrontements entre chrétiens et musulmans avaient fait près d'un millier de morts lors de la défaite de M. Buhari à la présidentielle de 2011, la foule exultait elle aussi, mardi soir, après avoir retenu son souffle tout le week-end dans l'attente des résultats.