Sept ans après le plus gros scandale financier de l'histoire du Bénin, le procès ICC Services a de nouveau été reporté vendredi 30 juin par la justice béninoise. Au coeur de ce dossier surnommé "l'affaire Madoff à la béninoise", une escroquerie à grande échelle de dizaines de milliers de Béninois. Une histoire devenue presque banale sur le continent africain...
Les victimes béninoises d'ICC Services devront encore prendre leur mal en patience. Quelques jours jours après son ouverture devant la Cour d'assises de Cotonou, au Bénin, le procès d'ICC Services a été de nouveau reporté à une "session ultérieure" pour défaut de qualité de l'expert psychiatrique et insuffisance de pièces.
Vingt personnes doivent comparaitre devant les juges béninois pour répondre aux chefs d'accusation d'"association de malfaiteurs", "escroquerie avec appel au public" et "exercice illégal d'activités bancaires et de micro-finance". Toutes sont impliquées dans le scandale d'"ICC Services" (Investment Consultancy and Computering Services), une affaire qui a connu un immense retentissement lorsqu'il a éclaté il y a sept ans.
Au coeur du procès : une fraude à la pyramide de Ponzi, qualifiée d'"affaire Madoff à la béninoise".
Structure de collecte et de placement financier, ICC Services promettait des rendements mirobolants à ses clients : jusqu'à 150%, voire 200% par trimestre, avec remboursement du capital au bout d'un an. Le montage financier consistait à rémunérer les premiers investisseurs avec l'argent déposé par de nouveaux clients.
"Je n'avais aucune raison de ne pas croire à cette affaire d'ICC Services. Des consoeurs et des amis avaient fait des dépôts et recevaient les dividendes", explique une victime, Aline Aklassato, tisserande. "Moi-même j'ai perçu mes dividendes pendant deux mois, soit 300.000 FCFA (457 euros), avant que les difficultés commencent".
Selon un rapport du Fonds monétaire international (FMI) datant de février 2011, "la fraude, qui ciblait les épargnants urbains, s'était développée pendant de nombreux mois, mais n'a attiré l'attention des autorités qu'en juin 2010 lorsque ICC Services, l'établissement en cause le plus important, s'est effondré". Comme d'autres sociétés de microfinance non agréées qui avaient monté des chaînes de Ponzi, ICC Services est devenue insolvable...
Des dizaines de milliers d'artisans, commerçants ou encore magistrats ont perdu toutes leurs économies dans cette affaire, certains ayant même emprunté de l'argent à des usuriers ou contracté des prêts bancaires pour pouvoir investir.
Sadiatou, autrefois commerçante prospère sur le marché de Cotonou, lui a confié "plus de cinq millions de FCFA" (7.600 euros). "Je vendais des bazins (tissus traditionnels) et je comptais sur les économies que je gagnerais pour élargir mon commerce. Mais il n'en sera rien", soupire la quinquagénaire, forcée à vendre des fournitures scolaires sur le pas de sa porte. "Mes activités en ont pris un coup. Ma santé aussi. J'ai déprimé pendant longtemps".
Selon un rapport du Fonds monétaire international (FMI), près de 150.000 personnes - jusqu'à 300.000 selon certaines estimations - ont été spoliées entre 2006 et 2010 par des sociétés de placement dont ICC Services, pour un total estimé à plus de 150 milliards de francs CFA (près de 230 millions d'euros).
Au Gabon, l'entreprise Bâtisseur de richesse (BR SARL) dirigée par Yves David Mapakou, pasteur d'une église pentecôtiste reconverti dans les affaires, aurait floué jusqu'à 30.000 clients français et gabonais, en promettant elle aussi de faire fructifier les fonds. Une plainte a été déposée à Paris en août 2016.
Le champion toutes catégories est sans conteste le Nigeria, géant anglophone de près de 200 millions d'habitants où s'est développée une arnaque sur internet baptisée "419" (du nom de l'article du code nigérian la sanctionnant) qui a fait des ravages dans le monde entier. Les sommes extorquées se sont élevées à plusieurs milliards de dollars.
Le principe est de soutirer de l'argent par email aux victimes, avec des variantes allant de la loterie aux offres d'emploi, en passant par les rencontres amoureuses. Ce type de fraudes, "parties du Nigeria, se sont ensuite répandues dans les pays voisins", notamment en Afrique de l'Ouest, où la police n'est pas formée pour enquêter sur des crimes transfrontaliers relativement sophistiqués, déclare Frank Engelsman, directeur de la société Ultrascan, spécialisée dans la fraude financière internationale.
Le procès ICC Services examinera uniquement l'aspect pénal du dossier. Cette semaine, peu de victimes étaient présentes en salle d'audience. Pour la plupart d'entre elles, la question essentielle est de procéder aux remboursements. Le gouvernement béninois avait bien
lancé en 2010 un programme de dédommagement des victimes grâce à la vente des biens saisis d'ICC Services, mais seule une minorité a obtenu réparation.
Sans compter que des zones d'ombre demeurent : comment ces sociétés, qui pour beaucoup ne disposaient pas d'agrément pour mener des activités financières, ont-elles pu prospérer toutes ces années? Ont-elles bénéficié de protections?
Dès 2010, le président du Bénin de l'époque, Thomas Boni Yayi, et plusieurs hauts responsables avaient été accusés de complicité. Aucun d'entre eux n'est aujourd'hui officiellement inquiété.