Nouvelles arrestations en Algérie : "On cherche à criminaliser la société civile"

Huit personnes associées au mouvement de contestation populaire, le Hirak, ont été arrêtées pour activités subversives financées par une chancellerie "d'un grand pays étranger". Ce nouveau chef d'accusation est "inédit" selon les défenseurs des droits humains. Il vise à "criminaliser" le mouvement du Hirak, constate Said Salhi, vice-président de la Ligue Algérienne pour la Défense des Droits de l’Homme.

 
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Manifestations Hirak 16 avril 2021

Des algériens manifestent dans les rues d'Alger, le 16 avril 2021.

AP / Toufik Doudou
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Le communiqué de la  Direction générale de la Sûreté nationale algérienne est tombé. "Les services de sécurité ont arrêté une association criminelle composée de huit personnes âgées de 26 à 60 ans actives sous couvert d'une association culturelle, non agréée, à Bab El Oued", quartier populaire d'Alger.

Toujours selon les services de sécurité locaux de la police, cette association aurait acquis du matériel technologique moderne grâce "au financement d'une représentation diplomatique à Alger d'un grand pays étranger", sans identifier ce pays.

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Le financement aurait permis à l'association "de produire films, documents provocateurs" et "tracts appelant à la violence" durant les manifestations du Hirak, d'après le texte. Les responsables de l'association "ont reconnu ce financement sous couvert d'activités culturelles".

Pour Said Salhi, vice-président de la Ligue Algérienne pour la Défense des Droits de l’Homme (LADDH), cette accusation est un chef d'inculpation "inédit". Il correspond à "une nouvelle dérive, sur fond de répression tous azimut. Pour nous, ça répond à une stratégie claire qui vise à la criminalisation de tous les acteurs qui constituent le Hirak aujourd'hui."

Sur une photo relayée sur les réseaux sociaux, on voit des hommes menottés de dos, la tête baissée, entre deux policiers, derrière le matériel saisi.

L'association avec un pays n'est pas nommée mais le même jour des militants de SOS Bab El Oued, parmi lesquels son président Nacer Maghnine, ont été présentés au procureur du tribunal de Bab El Oued, selon le Comité national de libération des détenus (CNLD). Les militants ont été arrêtés lors d'une manifestation vendredi 16 avril à Alger. M. Maghnine a été placé sous mandat de dépôt.

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SOS Bab El Oued est pourtant bien connue dans le paysage associatif algérois : "Il s'agit d'une association à caractère culturel qui travaille dans l'insertion des jeunes du quartier et qui propose des projets d'accompagnement. Il y a certainement des bailleurs de fonds étrangers mais ce n'est pas la seule en Algérie! Cette association n'a jamais caché ses activités, qui sont même parfois accompagnées par les médias. Cette accusation est absurde," explique ainsi Said Salhi.

Selon le militant des droits humains, l'arrestation s'explique surtout par le fait que ce quartier de la capitale représente "le fief et le coeur du Hirak. Tous les contingents qui sortent le vendredi viennent en majorité de Bab el Oued. On essaie d'affaiblir le quartier et de casser sa dynamique."
 

"Cette accusation répond à une stratégie claire qui vise à la criminalisation de tous les acteurs qui constituent le Hirak aujourd'hui." Said Salhi,  vice-président de la Ligue Algérienne pour la Défense des Droits de l’Homme

Après ces arrestations, le siège de l'association "SOS Bab El Oued" a été perquisitionné, et "677 banderoles, sept ordinateurs, une caméra numérique ultra-moderne, 3 scanners et 12 imprimantes ont été saisis", d'après le CNLD. Selon le collectif des avocats de la défense, une partie des financements reprochés aux accusés remonterait à 2019.

Marches étudiantes 

Début avril, le président Abdelmadjid Tebboune a mis en garde les manifestants du Hirak contre tout "dérapage" et des "activités non innocentes".

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A l'approche des élections législatives anticipées en juin, le pouvoir veut serrer la vis à l'encontre des militants antipouvoir qui appellent à boycotter les urnes.

Le CNLD a fait état d'une dizaine d'interpellations ce mardi 20 avril avant la marche hebdomadaire des étudiants devant l'université de Tizi Ouzou, en Kabylie (nord-est).

Cette  stratégie des autorités s'articule entre "l'usure et la répression", selon le vice-président de la Ligue Algérienne pour la Défense des Droits de l’Homme. Elle "s'attaque à tous les acteurs organisés,  pour in fine vider le Hirak de sa substance, que ce soit les organisations, les syndicats, les personnalités, mais aussi pour essayer de décourager les couches moyennes", ajoute le militant des droits humains.

D'autres marches ont été organisées en Kabylie, à Bejaïa et Bouira, à l'occasion du 20e anniversaire du "Printemps noir", une série d'émeutes nées de la mort d'un lycéen en 2001 dans une gendarmerie, réprimées dans le sang (126 morts).

À Alger aussi, quelque 200 manifestants ont défilé pour réclamer la libération des détenus d'opinion, au slogan de "Libérez nos enfants pour qu’ils jeûnent avec nous" pendant la période du Ramadan.

Voir aussi : Algérie : le Hirak en quête d'un nouveau souffle ?

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Né en février 2019 du rejet massif d'un 5e mandat du président Abdelaziz Bouteflika, le Hirak réclame un changement radical du "système" politique en place depuis l'indépendance en 1962.