Où se trouvent les principales activités de Wagner en Afrique ?

Moscou se veut ferme. Le groupe paramilitaire Wagner va continuer d'opérer au Mali et en Centrafrique. C'est ce qu'a dit le chef de la diplomatie russe Sergueï Lavrov. Selon lui la rébellion avortée de cette organisation en Russie n'affectera pas la relation entre Moscou et ses alliés africains. Où se trouvent aujourd'hui les principales activités de Wagner sur le continent ?

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Carte de la présence en Afrique de Wagner
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  • En Centrafrique une présence militaire indispensable au président Touadéra

Des centaines de mercenaires de Wagner ont débarqué en Centrafrique en 2018, officiellement selon Moscou pour entraîner l'armée. Le régime de Faustin-Archange Touadéra reprochait à la France, l'ancienne puissance coloniale, de lui tourner progressivement le dos et de soutenir un embargo sur les armes qui empêchait, assurait Bangui, d'armer ses militaires pour combattre une multitude de groupes armés rebelles. Ces derniers occupent les deux tiers du territoire depuis le début d'une sanglante guerre civile en 2013.

Fin 2020, Faustin-Archange Touadéra, menacé par une offensive rebelle sur Bangui, avait appelé Moscou à la rescousse et des centaines d'autres mercenaires russes avaient débarqué et permis rapidement de repousser les groupes armés hors de la plupart des territoires qu'ils contrôlaient. Ces paramilitaires assurent également la protection personnelle du président Touadera.

Depuis, l'ONU, les ONG internationales et Paris accusent les Russes - tout comme les rebelles et les soldats centrafricains - d'exactions et crimes contre les civils.

 

La Russie a sous-traité avec Wagner, si la Russie n'est plus d'accord avec Wagner alors elle nous enverra un nouveau contingent.

Fidèle Gouandjika, ministre conseiller spécial du président centrafricain Faustin Archange Touadéra.

Ils accusent aussi Wagner d'y être devenu un "groupe prédateur" des maigres ressources - diamant, or et bois - de ce deuxième pays le moins développé au monde selon l'ONU, "bradées" par le régime du président Touadéra, contre la sécurité, à de multiples sociétés russes liées à Wagner, qui exploitent directement les gisements.

Le pouvoir à Bangui a réagi. "La République centrafricaine a signé (en 2018, ndlr) un accord de défense avec la Fédération de Russie et non avec Wagner", a déclaré à l'AFP Fidèle Gouandjika, ministre-conseiller spécial du président centrafricain Faustin Archange Touadéra, ajoutant: "La Russie a sous-traité avec Wagner, si la Russie n'est plus d'accord avec Wagner alors elle nous enverra un nouveau contingent".

  • Au Mali, le principal soutien militaire de la junte

Le Mali est en proie depuis 2012 à la propagation djihadiste et à une grave crise non seulement sécuritaire, mais aussi politique et humanitaire. Les colonels qui ont pris le pouvoir par la force en 2020 ont poussé à la rupture l'alliance militaire avec la France et ses partenaires en 2022, et se sont tournés vers la Russie. Le soutien de la Russie est passé par Wagner.

La France s'est retiré militairement du Mali en 2022. Et les mercenaires de Wagner ont pris le relais essentiellement dans le centre du pays. L'armée française estimait qu'ils étaient en 2022 un peu plus de 1000 hommes. Selon le Pentagone Wagner toucherait plus d'une dizaine de millions d'euros pour sa présence de la part de l'État malien.

Au Mali, le massacre de civils rassemblés à Moura, dans la région de Mopti, s'est déroulé du 27 au 31 mars 2022. Selon l'ONG Human Rights Watch durant cinq jours, environ 300 habitants de cette localité et ses environs auraient été exécutés par l'armée malienne et le groupe paramilitaire Wagner.

Le rapport du Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme sur le massace de Moura abonde dans le même sens.

L'ONU "a des motifs raisonnables de croire qu’au moins 500 personnes auraient été tuées (…) y compris une vingtaine de femmes et sept enfants"  dans cette localité connue pour être un lieu de transit des djihadistes de la Katiba Macina (Organisation djihadiste peule).
 
Le Mali possède des mines d'or. Selon le mensuel Jeune Afrique, le groupe d'Evgueni Prigojine depuis fin 2021 cherche à exploiter les ressources en or du pays. Les mercenaires russes auraient selon Jeune Afrique ainsi monté deux sociétés minières et essaient de récupérer des permis miniers avec des hommes d'affaires maliens.
 
Pour l'instant la junte au Mali n'a pas réagi à la mutinerie avortée du groupe paramilitaire en Russie.
  • Au Soudan, Wagner reste discret et exploite l'or du pays

Wagner est implanté au Soudan depuis des années. La société privée bénéficie d'un accès privilégié aux mines d'or du pays. Le groupe paramilitaire russe se fait discret depuis le début des affrontements qui opposent l'armée régulière aux très redoutées Forces de soutien rapide (FRS).

Le Soudan regorge de métal précieux, dont une immense majorité est exportée illégalement. Nombre de mines sont tenues par les FSR de Hemedti.

Wagner, selon l'AFP, agit via la société M Invest d'Evguéni Prigojine et sa filiale Meroe Gold, qui s'installe au Soudan en 2017. Elle travaille avec la société Aswar, contrôlée par les renseignements militaires soudanais.

Le groupe de journalistes Organized Crime and Corruption Reporting Project (OCCRP) a établi la preuve d'un contrat entre Meroe et Aswar. La société russe se voit aussi exemptée en 2018 de la taxe de 30% imposée par la loi soudanaise aux sociétés aurifères.

Quel rôle joue Wagner dans les combats entre Burhane et Hemedti? "Aujourd'hui, pas un seul combattant de Wagner n'est au Soudan", avait affirmé Evguéni Prigojine sur Telegram.

  • En Lybie, une présence importante aux côtés du maréchal Haftar

Les mercenaires de Wagner sont présents en Libye depuis au moins 5 ans. Ils ont été recrutés dans un premier temps pour former les combattants en Cyrénaique du maréchal Khalifa Haftar opposé au gouvernement de Tripoli reconnu par les Nations unies.

Le général Khalifa Haftar en août 2017 à Moscou

Le général Khalifa Haftar en août 2017 à Moscou, lors d'une rencontre avec le chef de la diplomatie russe, Sergueï Lavrov.

© AP Photo/Ivan Sekretarev, File

Wagner fait alors partie d'une alliance comprenant les Émirats Arabes Unis, l'Égypte et l'Arabie saoudite soutenant le Général Hafater et l'Armée nationale libyenne, les forces de Haftar.

Un cessez-le feu en Libye a été décrété en 2020 entre le gouvernement de Tripoli et le camps de Khalifa Haftar. Il stipule que les combattants étrangers doivent quitter le territoire libyen. Les mercenaires de Wagner seraient toujours présents.

Le contingent de Wagner serait d'environ 2000 hommes en 2021 selon All Eyes on Wagner.

La Libye est devenu selon l'ONG All eyes on Wagner une plateforme logistique du groupe Wagner vers le Soudan et ses activités aurifères. Le pays sert également de plateforme de rotatopn des équipes en partance pour le Mali ou la RCA.

  • Une presence  dans d'autres pays africains

Entre 2016 et 2021, le Centre pour les études stratégiques et internationales (CSIS) dont le siège est à Washington a trouvé de "fortes preuves" de la présence de SMP russes au Soudan, au Soudan du Sud, en Libye, en Centrafrique, à Madagascar et au Mozambique.

Des mercenaires russes se trouveraient également dans d'autres pays africains : Botswana, Burundi, Tchad, Comores, République démocratique du Congo, Congo, Guinée, Guinée Bissau, Nigeria, Zimbabwe. Une liste non exhaustive, d'autres sources parlant d'une vingtaine de pays. Souvent Wagner y exerce surtout une influence économique bien plus que sécuritaire. La sociéte privée a ainsi un bureau économique au Cameroun chargé de traiter ses activites commerciales sur le continent.

Le Burkina s'est lui rapproché de la Russie et le 4 mai dernier, le capitaine Ibrahim Traoré, chef du pouvoir militaire, déclarait que ce pays était devenu "un allié stratégique" comme d'autres.

Mais le capitaine Traoré et son gouvernement militaire ont démenti à plusieurs reprises avoir recours aux services des mercenaires de Wagner après avoir poussé vers la sortie les soldats français présents à Ouagadougou.