Ouganda: "Nous encouragerons le peuple à ne pas croiser les bras face à une injustice flagrante", promet Bobi Wine

L'ancien chanteur devenu député, Bobi Wine, promet de manifester contre "toute illégalité et toute irrégularité" liées aux élections présidentielles et législatives du 14 janvier. Il affirme que Yoweri Museveni, au pouvoir depuis 35 ans, "semble déjà être en train" de truquer les élections, et appelle les Ougandais à ne pas "croiser les bras face à une injustice flagrante".
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Bobi Wine, dont le vrai nom est Kyagulanyi Ssentamu, le 27 mars 2020
© Ronald Kabuubi / AP
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À une semaine de l'élection présidentielle, Bobi Wine encourage "le peuple ougandais à ne pas croiser les bras face à une injustice flagrante". Le chef de l'opposition estime que son vote "sera plus ou moins un vote de protestation" et assure qu'il va "manifester contre toute injustice, [...] toute illégalité et toute irrégularité", dans un entretien à l'Agence France-Presse le 3 janvier.

Le concurrent le plus sérieux du président sortant Yoweri Museveni, devenu la cible privilégiée du régime, met en garde son adversaire : "Si le général Museveni truque les élections comme il semble déjà être en train de faire, nous demanderons au peuple ougandais d'élever sa voix, de manière non violente mais affirmée".

M. Wine a été arrêté à plusieurs reprises, et il craint d'ailleurs que les choses continuent autour du 14 janvier : "Nous savons que le régime pourrait même m'arrêter avant l'élection ou le jour de l'élection ou dès que j'aurais voté. C'est ce qu'ils ont toujours fait".


Plusieurs arrestations

La police ougandaise a indiqué le 30 décembre dernier avoir empêché le populaire chanteur Bobi Wine de rassembler ses partisans, invoquant les règles sanitaires relatives au Covid-19, mais a nié l'avoir arrêté.


"Merci de ne pas tenir compte des affirmations fausses" selon lesquelles Robert Kyagulanyi Ssentamu "a été arrêté pendant qu'il faisait campagne" dans la région du lac Victoria, avait alors indiqué la police ougandaise dans un communiqué.

La police précisait que Bobi Wine avait été "transféré vers son domicile" de Kampala, à une centaine de kilomètres de là, après avoir été "empêché de continuer à organiser des rassemblements de masse, sur fond de menaces accrues du coronavirus et au mépris total des directives sanitaires".

Plusieurs membres de son équipe ont eux été arrêtés, après avoir été filmés "dégonflant les pneus de véhicules de police, incitant à la violence, bloquant des policiers en service, violant les protocoles sanitaires et commettant plusieurs infractions routières", selon la police.

L'entourage de M. Museveni montre de nombreux signes de nervosité à l'encontre de Bobi Wine et la campagne électorale se déroule dans un climat de violences et de répression. Les partisans de M. Wine assurent, eux, que M. Museveni peut, sous couvert de déplacements officiels, faire campagne devant de larges foules, sans que la police ne réagisse.

Une énième arrestation de Bobi Wine mi-novembre avait déclenché de violents affrontements entre ses partisans et la police, faisant au moins 54 morts, selon M. Museveni. L'opposant avait été libéré après deux jours de garde à vue et inculpé d'"actes susceptibles de propager une maladie infectieuse" et infractions aux "règles sur le Covid-19".
 

Liberté sous caution pour l'avocat de Bobi Wine


Le 30 décembre, l'avocat de M. Wine, Nicholas Opiyo, défenseur respecté des droits humains et figure de la société civile, a été remis en liberté sous caution, une semaine après avoir été arrêté et inculpé de blanchiment d'argent, des poursuites largement qualifiées de "politiques".

Fondateur et directeur de l'ONG Chapter Four, très active en Ouganda dans la défense des libertés civiles, M. Opiyo, 40 ans, est également l'avocat de nombreux militants des droits humains ou de la cause homosexuelle.

Il a été inculpé le 24 décembre de blanchiment d'argent pour avoir reçu sur le compte bancaire de Chapter Four un don de 340.000 dollars "en ayant connaissance (...) que ces fonds étaient le produit d'un crime", selon l'acte d'accusation qui ne précise ni l'origine de cet argent ni à quelle infraction il serait lié.

La juge Jane Okuo Kajuga a rejeté la demande du Parquet de maintenir M. Opiyo en détention et l'a remis en liberté contre une caution équivalente à 3.300 euros. Des représentants de la société civile ougandaise et des diplomates des Etats-Unis et de plusieurs pays européens ont assisté à l'audience.


L'ambassade des Etats-Unis a salué sur Twitter la libération de M. Opiyo, ajoutant que "ceux qui minent la démocratie" subiront "des conséquences". Plusieurs rapporteurs spéciaux de l'ONU sur les droits humains ont dénoncé des "chefs d'accusations fictifs" contre M. Opiyo, critique éloquent du régime Museveni, et des poursuites "semblant uniquement liées au contexte électoral" en Ouganda.

La vice-présidente du Parlement européen, la finlandaise Heidi Hautala, avait appelé sur Twitter à "un procès équitable" pour M. Opiyo, "arrêté sur des bases malveillantes et fabriquées".