Paul Kagamé : l'ancien guerillero devenu président

Tutsi anglophone, Paul Kagamé détient la présidence du Rwanda depuis 2000 mais, dans les faits, il est l'homme fort du pays depuis la fin du génocide en 1994. Son passé reste assez trouble. Il a notamment été actif dans des mouvements de lutte armée pendant des années. Retour sur son histoire.
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L’enfant chassé

L’enfant chassé
A droite, le jeune Paul Kagamé.
Né en octobre 1957 à Kamonyi dans le centre du Rwanda, Paul Kagamé est un Tutsi anglophone issu de la famille royale du pays. En 1961, devant la montée des persécutions contre les Tutsis, il quitte le Rwanda avec sa famille pour l’Ouganda. Il a 4 ans.

Le guérillero révolutionnaire

Le guérillero révolutionnaire
Yoweri Museveni, le mentor de Kagamé devenu président de l'Ouganda.
En 1979, alors qu'il a 22 ans, il rejoint les hommes de Yoweri Museveni qui luttent contre le dictateur ougandais Idi Amin Dada. Des troupes de guérilleros qui formeront la future Armée nationale de résistance (NRA). En 1986, après avoir chassé du pouvoir Milton Obote, Yoweri Museveni devient président de la République de l'Ouganda. Paul Kagamé est alors nommé chef des Services de Renseignements militaires de l'Armée ougandaise et crée avec trois autres chefs militaires tutsi rwandais le Front patriotique rwandais. Il en prend la tête en 1990 après avoir effectué un stage d’officier aux États-Unis. Il a alors 33 ans et a lu les grands classiques révolutionnaires, Che Guevara et Mao. C’est un chef de guerre austère, secret, autodidacte et bon tacticien. Il partage la vie de ses soldats, les mène au combat et fait régner une discipline de fer, n’hésitant pas à éliminer les recrues trop tièdes et les "espions". Entre temps, il s’est marié avec Jeannette Murefu, issue d’une famille tutsi exilée au Burundi. Ensemble, ils auront quatre enfants. En 1994, quand éclate le génocide contre les Tutsi, le FPR engage le combat contre les Forces armées rwandaises et parvient, malgré des troupes inférieures en nombre et des moyens militaires limités, à prendre le pouvoir à Kigali et à rétablir l’ordre.

L’homme de la reconstruction

L’homme de la reconstruction
L'épouse de Paul Kagamé en visite aux Etats-Unis.
Même s’il semble se contenter du poste de vice-président aux côtés du nouveau président hutu Pasteur Bizimungu, Paul Kagamé est considéré comme l’homme fort du Rwanda. Il a été nommé ministre de la Défense du gouvernement d’union nationale et chef d’état-major. En 2000, il est désigné président par le parlement et est reconduit au pouvoir lors des élections de 2003 avec 95 % des voix. Un résultat contesté par l'opposition. Six mois avant le scrutin, la justice rwandaise avait condamné l’ancien président Pasteur Bizimungu à 15 ans de prison (il sera par la suite gracié), écartant ainsi l'un des principaux opposants. Toutefois, l'élection d'un Tutsi par la majorité hutu est perçue comme un signe de réconciliation par la communauté internationale. De chef de guerre, Paul Kagamé se transforme peu à peu en chef d'État. Il délaisse le treillis militaire pour d'élégants costumes sombres ou des chemises multicolores. Il se consacre à la pacification de son pays et cherche à remettre l’économie en marche. Néanmoins, des accusations pèsent sur lui. En 1997 alors qu’il envoie des troupes dans l’ancien Zaïre voisin où de nombreux Hutus se sont réfugiés, Paul Kagamé est accusé d'ingérence dans les affaires internes du Zaïre du Maréchal Mobutu et de piller les ressources naturelles de cette région. Un conflit qui aurait fait jusqu'à 5 millions de morts selon Amnesty international, et qui débouchera sur la première guerre civile du Congo.

La poigne de fer

La poigne de fer
L'opposante Victoire Umuhoza Ingabire qui a été arrêtée.
A l’approche de l’élection présidentielle d’août 2010, la répression se durcit en Rwanda. "Le Président Paul Kagame semble se transformer en un dictateur permanent, soutenu par une aide extérieure massive", analyse Eleneus Akanga, rédacteur du Weekly Post rwandais Plusieurs opposants ont été tués. André Kagwa Rwisereka, ancien membre du FPR et chef d'un parti d'opposition au FPR, a été retrouvé le 14 juillet 2010 presque décapité, une machette à coté de son corps. Le journaliste indépendant Jean Léonard Rugambage a été assassiné par balles à Kigali le 24 juin 2010. En exil, le rédacteur en chef du journal Umuvugizi, Jean Bosco Gasasira, a déclaré à la Voix de l’Amérique : "Je suis à 100% sûr que c’était le bureau des services de sécurité nationale qui l’a abattu." Quant à l'opposante Victoire Umuhoza Ingabire, une Hutu revenue des Pays-Bas pour se présenter à l'élection présidentielle, elle a été arrêtée en vertu de la loi sur l’idéologie du génocide, accusée de "divisionnisme" et de travailler avec les ennemis de l’Etat, c’est-à-dire les restes de l’armée hutu appelé la Force Démocratique pour la Libération du Rwanda (FDLR). Paul Kagamé a donc la voie libre pour le scrutin du 9 août. Son maintien au pouvoir est assuré. Mais sa réputation à l'étranger commence sérieusement à se ternir. Le Premier ministre espagnol José Luis Zapatero a refusé de le recevoir le 16 juillet 2010 suite à des manifestations d'ONG. En février 2008, la justice espagnole avait émis des mandats d'arrêt internationaux pour génocide contre 40 militaires du régime de Paul Kagamé, pour des crimes commis avant l'arrivée au pouvoir du Front patriotique rwandais (FPR). Camille Sarret 6 août 2010

Portrait de l'homme fort de Kigali

Reportage de David Thomson et Mathieu Cellard TV5Monde - 10 août 2010 Durée : 2'35
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