Le Liberia commencera à juger les crimes de guerre d'ici 5 ans, a annoncé le bureau chargé d'établir la Cour spéciale des crimes de guerre et économique au Liberia. Les guerres civiles ont fait environ 250 000 morts entre 1989 et 2003.
Sur cette photo d'archive du 14 octobre 2011, des personnes passent devant des bâtiments endommagés ou inachevés à la suite de la guerre civile qui a duré dix ans et demi au Libéria, dans le centre de Monrovia, au Libéria. L'ex-femme de l'ancien président libérien Charles Taylor a déclaré le 11 août 2013 que le criminel de guerre condamné avait fait « le sacrifice ultime » en quittant le pays il y a 10 ans aujourd'hui, un événement qui a effectivement mis fin à une guerre civile brutale de 14 ans qui a fait 250 000 morts.
Les premiers procès pour crimes de guerre au Liberia, très attendus, débuteront dans les cinq prochaines années, plus de vingt ans après les guerres civiles qui ont fait quelque 250 000 morts, a déclaré à l'AFP l'avocat chargé de mettre en place le tribunal spécial.
"Sur la base de tous les engagements que j'ai pris et de la dynamique que je vois, le tribunal aura, bien avant l'expiration des six ans" du mandat du président libérien Joseph Boakai entamé en janvier 2024, "au moins entamé son premier procès, voire l'aura conclu", a dit Jallah Barbu, désigné en novembre par M. Boakai à la tête du bureau chargé d'établir la Cour spéciale des crimes de guerre et économique au Liberia.
Le président du Liberia, Joseph Boakai, pose pour une photo avant le début de la réunion de la CEDEAO, à Abuja, au Nigeria, le dimanche 15 décembre 2024.
Ce tribunal devra juger la multitude d'abominations perpétrées de toutes parts lors des deux guerres civiles qui ont fait environ 250 000 morts entre 1989 et 2003 : massacres de civils, actes de cannibalisme, tortures, viols, mutilations, enrôlement d'enfants soldats.
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Malgré les pressions de la société civile et de la communauté internationale, le Liberia n'a encore tenu aucun procès sur cette période. Des condamnations ont toutefois été prononcées par des tribunaux étrangers.
"Je ne pense pas que ce soit trop tard. Nous avons aujourd'hui une formidable occasion de montrer notre situation dans le monde et d'aller de l'avant. Il y a un temps pour tout. C'est le moment", a assuré M. Barbu.
L'un des principaux belligérants, Prince Johnson, qu'une vidéo montrait en train de siroter une bière pendant que ses hommes torturaient à mort le président Samuel Doe en 1990, est décédé il y a moins d'un mois.
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M. Johnson était l'un des huit chefs de guerre dont une Commission vérité et réconciliation installée en 2006 avait préconisé en 2009 qu'ils soient jugés par un tribunal spécial.
Il était aussi l'un des principaux opposants à la création de ce tribunal, jouant, comme d'autres, sur le danger de rouvrir de vieilles blessures et déclarant qu'établir une telle cour, c'était "chercher des ennuis pour le pays".
"Nous voulons nous assurer que lorsque nous aurons mis un terme à ce processus" de justice, "le peuple libérien sera heureux, notre pays sera sur une meilleure trajectoire, au moins en ce qui concerne le respect de l'État de droit, pas seulement par la parole, mais aussi dans les actes", souligne M. Barbu.
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Après des années de quasi inaction, le Parlement s'était prononcé en avril pour la création d'un tribunal spécial soutenu par l'ONU "pour juger ceux qui portent la plus grande responsabilité des crimes de guerre et des crimes contre l'humanité" et d'un tribunal national pour juger les crimes économiques.
Le juge président Shireen Fisher, troisième à droite, et d'autres juges non identifiés attendent le début de l'audience d'appel de l'ancien président libérien Charles Taylor au Tribunal spécial pour la Sierra Leone à Leidschendam, dans l'ouest des Pays-Bas, mardi 22 janvier 2013. L'ancien président libérien Charles Taylor fait appel de sa condamnation historique pour crimes de guerre et de sa peine de 50 ans de prison pour avoir armé et soutenu des rebelles meurtriers lors de la brutale guerre civile en Sierra Leone. Le chef de guerre de 64 ans devenu président a été reconnu coupable en avril dernier d'avoir aidé et encouragé les rebelles de la Sierra Leone, devenant ainsi le premier ancien chef d'État depuis la Seconde Guerre mondiale à être condamné par un tribunal international pour crimes de guerre.
"Je veux dire au peuple libérien qu'il n'a jamais été question d'établir un tribunal en dehors du Liberia", a indiqué l'avocat. "Il s'agira d'un tribunal spécial qui sera de nature hybride" et respectera "les lois locales et internationales", a-t-il précisé.
M. Barbu a déclaré que le bureau avait reçu "un engagement très fort de la part du gouvernement pour soutenir ce processus".
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"Nous avons également reçu des engagements similaires de la part de nos partenaires, en particulier de la communauté internationale", a-t-il ajouté, tout en soulignant que depuis qu'il est arrivé à ce poste il y a deux mois, seul le gouvernement britannique a contribué financièrement, en finançant un voyage de reconnaissance de 5 000 dollars en Sierra Leone.