Le président Joe Biden a élevé le Kenya au rang d’”allié majeur, non-membre de l’OTAN”, lors de la visite d’État du président William Ruto aux États-Unis pendant 5 jours. Ce statut particulier renforce la coopération économique et militaire entre les deux pays.
Le président Joe Biden et le président du Kenya William Ruto se serrent la main après une conférence de presse dans la salle Est de la Maison Blanche à Washington, le jeudi 23 mai 2024.
“Ce soir, la Maison Blanche rayonne grâce à nos invités”, déclare Joe Biden à la délégation kényane, tout en leur portant un toast. Sous cette tente dressée sur la pelouse de la résidence du président jeudi 24 mai, devant 500 convives, William Ruto lui répond : “Je vous remercie très sincèrement [...] l’accueil que nous avons reçu et l’hospitalité du peuple américain ont été exceptionnels”.
Lors de cette visite d’État, la première d’un dirigeant africain à Washington depuis 2008, le Kenya a été élevé au rang d’”allié majeur, non-membre de l’OTAN” des États-Unis. Concrètement, ce statut offre des avantages militaires et économiques aux pays qui en disposent sans toutefois être intégré de l’Organisation du traité de l’Atlantique nord. Désormais 20 pays en bénéficient, dont en Afrique la Tunisie, le Maroc et l'Égypte. Le Kenya est le premier pays d'Afrique subsaharienne à recevoir ce titre.
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Le président américain ajoute : “C’est l’aboutissement d’années de collaboration. Nos opérations conjointes de lutte contre le terrorisme ont permis de réduire l’État islamique et mouvement terroriste islamiste al-Chabab dans toute l’Afrique de l’Est. Notre travail commun sur Haïti contribue à ouvrir la voie à la réduction de l’instabilité et de l’insécurité”.
Si Washington mise beaucoup sur le Kenya, c’est qu’il y voit un havre de stabilité démocratique, en plus d’une locomotive économique. Joe Biden promet également de visiter le pays ces prochains mois, en plus d’établir un nouvel accord commercial stratégique d’ici la fin de l’année.
“Le Kenya, c’est un pays de taille moyenne qui ne connaît pas de coup d’État, de djihadisme, de nationalisme hystérique, qui a un peu d’argent et qui a un territoire raisonnable”, note Gérard Prunier, historien spécialiste de la corne de l’Afrique, pour justifier le choix américain. L’anthropologue spécialiste du Kenya Benoît Hazard ajoute que le pays bénéficie d’une stabilité géopolitique, tout en bénéficiant d’une position géographique stratégique.
“Il y a des liens très forts entre les États-Unis et le Kenya”, précise l’anthropologue. Le soutien stratégique dans des secteurs-clés est important. Les États-Unis sont le troisième partenaire à l’export du Kenya et cela pourrait s’accentuer avec le vote d’un traité de libre-échange.
Le président kényan a aussi appelé Washington à prolonger un accord qui ouvre le marché américain à plusieurs pays africains, le "African Growth and Opportunity Act". Ce dernier doit expirer en 2025.
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Des géants de la technologie, comme Google et Microsoft, ont leurs quartiers généraux africains à Nairobi et projettent d’investir prochainement 20 milliards de dollars, selon les autorités kényanes. Le secteur du développement des énergies renouvelables est également au cœur des investissements. De nouveaux partenariats ont aussi été lancés dans la lutte contre le paludisme et le sida, ainsi que dans l’éducation.
Enfin, le soutien militaire étatsunien est constant au Kenya, notamment à la frontière somalienne, pour lutter contre le mouvement terroriste islamiste Harakat al-Chabab al-Moudjahidin.
Al-Chabab revendique des attaques meurtrières et très médiatisées au Kenya. En 2013, par exemple, un raid dans le centre commercial Westgate à Nairobi a fait plus de 70 morts. Et depuis le début d'année 2024, une trentaine d’attaques dans le pays ont été revendiquées par le groupe terroriste somalien, selon des données récoltées par le média britannique BBC. Les États-Unis coopèrent étroitement pour lutter contre al-Chabab et ont signé en septembre 2023 un accord de défense d’un montant de 100 millions de dollars. Un soutien est aussi apporté pour sécuriser la région des Grands Lacs, au sud-ouest du pays.
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Washington peut également s’appuyer sur le Kenya pour faire face à la crise sécuritaire et politique en Haïti. Nairobi s’apprête à envoyer un total de 1 000 policiers pour diriger une mission internationale, sous mandat de l’ONU, pour lutter contre les gangs armés qui contrôlent la quasi-totalité de la capitale Port-au-Prince. Deux cents sont déjà sur place depuis le 23 mai. Ce déploiement est le symbole d’une étroite collaboration sécuritaire entre les États-Unis et le Kenya.
Les deux gouvernements ont lancé un appel, selon le président américain, pour permettre "aux pays étranglés par la dette" d'avoir accès à "des pratiques de prêt transparentes, durables et accessibles". Mais le premier créancier du Kenya est la Chine. Pékin a lancé de nombreux projets d’investissements sur tout le continent, provoquant dans certaines situations des créances très lourdes. La dette kényane vis-à-vis de la Chine s'élève à près de 70 milliards de dollars.
William Ruto, qui s'était rendu à Pékin en octobre dernier, a estimé que les États-Unis avaient désormais l'occasion de revoir complètement leur stratégie pour l'Afrique et de renforcer leur soutien au continent.
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En plus de la Chine, les États-Unis font aussi face en Afrique à la Russie, qui avance ses pions sur le plan militaire. Le Niger vient par exemple de réclamer le départ des troupes américaines sur son sol, tout en nouant une coopération militaire avec Moscou.