Fil d'Ariane
Sur le continent africain, la réélection d'Emmanuel Macron à la président de la République française a donné lieu à de nombreux messages de félicitations de présidents africains, de Alassane Ouattara en Côte d'Ivoire, à Mohamed Bazoum au Niger en passant par Macky Sall au Sénégal et Ali Bongo au Gabon.
Mais au Gabon, "tous ne sont pas aussi enthousiastes" selon Press Afrik. "En Afrique, la réélection d'Emmanuel Macron suscite des attentes", titre ce webzine basé à Dakar au Sénégal. Et de citer par exemple "Marc Ona, figure de la société civile gabonaise et président du mouvement citoyen Tournons la page International, demande à Emmanuel Macron de rompre vraiment avec la Françafrique, et de soutenir vraiment les démocraties sur le continent."
En Guinée, Le Lynx ne peut s'empêcher de comparer une élection présidentielle organisée en France et sur le continent africain. En France, c'est "propre et sans palabres". Mais "dans nos contrées, sous les tropiques, souligne le journal satirique guinéen, pour le même objectif, on développe bien d’autres stratégies, comportements et mentalités sous-tendus par une forte dose de subjectivité et d’irrationnel". Le journal guinéen peut parler d'expérience dans un pays marqué l'instabilité politique et les coups d'Etat. "Sur le plan organisationnel, les protagonistes sont toujours à couteaux tirés sur le choix de la structure devant organiser le scrutin et l’élaboration du fichier électoral. Ils s’étripent les chignons, comme de vieilles chipies, lors des découpages électoraux et l’implantation des bureaux de vote. ... Le tripatouillage des résultats lors des opérations de dépouillement et de centralisation clôt la parodie et ouvre la porte aux conflits post-électoraux latents ou incandescents dont on connaît les effets dévastateurs sur l’unité nationale, la cohésion sociale et le développement."
Pour le Pays, au Burkina Faso, "un autre aspect de la présidentielle française qui n’a pas manqué de fasciner du côté de l’Afrique, c’est le fait que le candidat malheureux a accepté de bon coeur sa défaite. En Afrique, il serait monté sur ses grands chevaux pour crier, à tort ou à raison, que sa victoire lui a été volée. Et bonjour les crises post-électorales ! "
Mais l'important est ailleurs selon ce quotidien de Ouagadougou: "il y a urgence pour la France à repenser en profondeur ses relations avec l’Afrique, de sorte à tenir compte véritablement des intérêts des populations africaines. Cela pourrait passer par exemple, par la révision de fond en comble des accords de coopération qu’elle avait noués avec le continent noir, à l’époque où les Africains percevaient De Gaulle comme un demi-dieu. Ce changement de logiciel pourrait passer aussi par la mort de cet instrument colonial et néocolonial qu’est le Franc CFA. "
L'Observateur Paalga n'y va pas par quatre chemins : "Marine a perdu et c’est (presque) toute l’Afrique qui pousse un ouf de soulagement dans la mesure où le fonds de son commerce politique se résume à la lutte contre l’immigration". Mais le quotidien burkinabé juge de façon cinglante le premier mandat du président Macron. "Rarement en tout cas l’image de la France en Afrique n’aura été aussi ternie que ces cinq dernières années et l’on se demande bien ce que, au-delà des discours bien ciselés, le rhéteur de l’Elysée pourra faire pour redorer un tant soit peu ce blason hexagonal." Et de poursuivre : "Sur le plan formel et théorique, son « agenda ambitieux entre l’Afrique et la France » qui devrait être le fil conducteur de sa politique africaine ressemble plus à un catalogue de bonnes intentions et de vœux pieux sur la question mémorielle (cas de l’Algérie et du Rwanda), la problématique des investissements et de l’aide publique au développement et, surtout, de la sécurité et de la lutte contre le terrorisme, notamment au Sahel où son intervention militaire est jugée mi- figue mi-raisin", juge le quotidien.
Pour le quotidien burkinabé, la France sous Macron est en recul en Afrique. "Pour les Africains, Macron dont ils n’attendent plus grand-chose aura été une grosse désillusion tant et si bien qu’en désespoir de cause, certains, notamment au Sahel en proie depuis une décennie au terrorisme, sont prêts à s’accrocher à tout et à n’importe quoi, même aux grosses pattes de l’Ours russe, quitte à remplacer un dominateur et un exploiteur par un autre qui aurait au moins l’avantage de ne pas traîner un lourd passif colonial."