Présidentielle au Bénin : début de campagne dans un climat politique tendu

A moins de trois mois de la présidentielle au Bénin, une campagne électorale sans grand suspense s'est ouverte avec l'annonce récente de la candidature du président Patrice Talon à un second mandat. Face à lui, une opposition à genoux qui dénonce un scrutin verrouillé.
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Patrice Talon à l'Elysée le 6 avril 2016
Le président du Bénin, Patrice Talon, en visite en France en avril 2016.
© AP Photo/Michel Euler
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Le président Patrice Talon, qui au moment de son élection en 2016 avait affirmé vouloir faire un unique mandat, s'est depuis ravisé et, sans surprise, s'est officiellement lancé dans la course à la présidentielle prévue le 11 avril.
"Je resterai dans l’action permettant de renforcer la bonne gouvernance. Je serai candidat à cause de cela, rien qu’à cause de la bonne gouvernance, je serai candidat", a-t-il déclaré le 15 janvier à Adjohoun, commune rurale à moins de 50 km de Cotonou, en clôturant une tournée de deux mois à travers les 77 communes du pays.
"La bonne gouvernance nous a permis d’avoir des richesses pour commencer à construire sérieusement notre pays, ce que la démocratie n’a pas amené, ce que les libertés n’ont pas suffi à amener", a poursuivi le chef de l'Etat dans une déclaration à la presse.

Accusations

Pour l'opposition, qui estime que le président a engagé ce pays d'Afrique de l'Ouest dans un tournant autoritaire depuis son arrivée au pouvoir, sa candidature ne faisait aucun doute.
Il est notamment accusé par ses détracteurs d'avoir instrumentalisé la justice, avec la création d'un tribunal spécial, pour éloigner de la vie politique ses principaux adversaires.
Parmi eux, l'homme d'affaire Sébastien Ajavon, arrivé troisième à la dernière présidentielle et condamné en 2018 à 20 ans de prison pour trafic de drogue. Cette condamnation a été jugée illégale par la Cour africaine des droits de l'Homme, saisie par l'opposant en exil à Paris, mais le Bénin refuse de l'annuler.

"Front pour la démocratie"

"Nous savions depuis longtemps que M. Talon serait candidat. Il n'a pas fait tout ce qu’il a fait pour ne pas se porter candidat", a réagi lundi auprès de l’AFP, Donklam Abalo porte-parole du parti de Sébastien Ajavon, Union Sociale libérale (USL).
L'opposition dénonce un scrutin verrouillé à l'avance par une nouvelle disposition de la loi électorale qui impose à chaque candidat d'être parrainé par 16 maires ou députés. Or, lors des législatives d'avril 2019, aucun parti d'opposition n'avait été autorisé à présenter de listes et, à l'issue des municipales d'avril 2020 boycottées par une partie des opposants, seuls six maires de cette mouvance ont été élus.

"Si le président peut se présenter, il doit nous permettre nous aussi de nous présenter à cette élection", poursuit M. Abalo.

En décembre dernier, La Cour africaine des droits de l'Homme (Cadhp) a rendu un nouvel arrêt contre l'Etat béninois ordonnant l'annulation de la récente révision constitutionnelle, mais celui-ci n'a pas été appliqué.
Début janvier, la Cour constitutionnelle du Bénin s'est déclarée incompétente pour juger un recours déposé contre le système des parrainages, laissant le pays dans le statu quo.

Pour tenter de peser face au président Talon dans ce scrutin, une partie de l'opposition a créé mi-janvier une grande coalition dénommée "Front pour la Restauration de la démocratie". Elle est menée par Joël Aïvo, un universitaire entré en politique il y a quelques mois seulement et peu connu du grand public.
Mais pour pouvoir se présenter, il devra encore trouver les 16 parrainages nécessaires, et pour cela... se tourner vers les députés et maires affiliés à la mouvance présidentielle.