Présidentielle au Bénin : l'opposition dans le viseur de la justice

Elle s'était présentée sous les couleurs du Parti Les Démocrates pour la présidentielle du 11 avril avant que sa candidature ne soit retoquée. L'opposante béninoise Rekiath Madougou est sous les verrous depuis mercredi soir. Elle est la quatrième personnalité du parti interpellée en une semaine.
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Patrice Talon en France en 2016 Bénin
Le président béninois (ici en 2016 à Paris), brigue un second mandat le 11 avril 2021. Face à lui, deux candidatures ont été retenues.
© REUTERS/Philippe Wojazer/File Photo
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"Certains politiciens s’emploient à instrumentaliser les populations, à nouer des liens criminels avec des réseaux mafieux en vue de provoquer des troubles dans notre pays." Les mots prononcés la semaine dernière par le porte-parole du gouvernement à l'issue du Conseil des ministres ont pris une tournure très concrète pour le parti d'opposition Les Démocrates.

Dernière personnalité visée, l’opposante Rekiath Madougou. Un temps candidate à la présidentielle du 11 avril prochain avant que son dossier ne soit rejeté par la Cour constitutionnelle, elle est aujourd'hui poursuivie pour association de malfaiteurs et terrorisme. Interpellée mercredi soir, elle a passé la nuit à la brigade économique et financière avant d'être transférée ce jeudi matin à la Cour de répression des infractions économiques et du terrorisme (Criet), une cour spéciale considérée par l'opposition comme un instrument judiciaire destiné à la museler. La Cour la soupçonne de vouloir faire assassiner deux personnalités politiques béninoises. Accusation balayée par son camp. "Nous ne reculerons pas, quelles que soient les intimidations, les obstacles et les brimades", a réagi l'un des proches de Rekiath Madougou qui était à ses côtés lorsqu'elle a été interpellée.

Proche de l’ancien président Boni Yayi, Rekiath Madougou est la cheffe de file du parti Les Démocrates, fondé par celui qui a dirigé le Bénin de 2006 à 2016. A 46 ans, cette consultante internationale a passé le plus clair de son temps au Togo voisin où elle est conseillère spéciale du président Faure Gnassingbé.

"Otages politiques"

Quelques minutes avant son arrestation, la cheffe de file du parti Les Démocrates avait pris part à une réunion politique au cours de laquelle elle avait dénoncé les pratiques du régime du président Patrice Talon.

Mardi, déjà, deux militants du même parti que Rekiath Madougou ont été incarcérés, tous deux également inculpés pour "association de malfaiteurs et terrorisme", des "otages politiques", a alors commenté la cheffe du parti.
Bio Dramane Tidjani et Mamadou Tidjani étaient en garde à vue depuis le 22 février. Eux aussi ont été présentés au procureur spécial auprès de la Criet.
Mi-février, deux responsables du même parti, les anciens députés Noureini Atchadé et Justin Adjovi, avaient aussi été convoqués auprès de cette cour spéciale mais libérés après avoir été entendus.

"Harcèlement judiciaire", "accusations fantaisistes et sorties de l'imaginaire d'une justice sous ordres", le parti Les Démocrates n'a pas de mots assez durs pour qualifier les poursuites engagées à l'encontre de ses cadres.
Mais il n'est pas le seul visé. En début de semaine, la Criet a condamné l'opposant Sébastien Ajavon, en exil en France, à cinq ans de prison ferme par contumace pour "faux, usage de faux et escroquerie" .
Sébastien Ajavon avait déjà écopé, en 2018, de vingt ans de prison pour trafic de drogues. Pour ses avocats, il s'agit d'"une nouvelle affaire politique".

A un mois de la présidentielle du 11 avril, le climat politique béninois est à nouveau plombé.
Il y a deux ans, les élections législatives avaient déjà été l'occasion d'un bras de fer entre le président Patrice Talon et l'opposition. Une nouvelle loi électorale n'avait pas permis aux partis d'opposition de participer au scrutin, les électeurs avaient largement boudé les bureaux de vote

Le 11 avril, le 5 millions et demi d’électeurs béninois auront le choix entre trois candidats. Grand favori, Patrice Talon qui, au moment de son élection en 2016, avait affirmé vouloir faire un mandat unique, avant de se rétracter et d'annoncer sa candidature mi-janvier. Il brigue un deuxième mandat avec, face à lui, deux opposants peu connus du grand public : Alassane Soumanou, ancien ministre, du parti d'opposition des Forces cauris pour un Bénin émergent (FCBE) et Corentin Kohoué, dissident du parti Les Démocrates. Toutes les autres candidatures ont été rejetées par la Cour constitutionnelle.