Les deux favoris de la présidentielle au Liberia, le sénateur George Weah, légende du football africain, et le vice-président sortant, Joseph Boakai, confortaient leur avance dans les résultats partiels provisoires annoncés vendredi, avec un avantage substantiel pour l'ancien joueur de football.
Trois jours après le scrutin pour désigner le successeur d'Ellen Johnson Sirleaf, première femme élue chef d'Etat en Afrique, cette nouvelle vague de résultats fournis par la Commission électorale nationale (NEC) ne permettait toujours pas de déterminer si un second tour serait nécessaire. La Commission a donc réitéré ses appels à la patience et au calme.
"Cette commission est résolue à publier des résultats en temps utile, mais cela ne peut se faire au détriment de l'exactitude", a déclaré son président, Jerome Korkoya, soulignant qu'elle n'avait encore
"proclamé aucun vainqueur".
Sur 5.390 bureaux de vote au total,
"nous avons traité les résultats de 1.817 bureaux, ce qui représente 33,71%", a indiqué lors d'une conférence de presse le président de la NEC, Jerome Korkoya. Le taux de participation moyen observé dans ces bureaux s'établissait à 74,5 %, selon la Commission électorale. Avec plus de 204.000 voix, George Weah obtient 39,6 % des votes comptabilisés, et Joseph Boakai 31,1 %, avec près de 161.000 voix.
Les 18 autres candidats étaient largement distancés, l'avocat et vétéran de la politique Charles Brumskine se classant en troisième position, avec 9,3 % des suffrages, devant Alexander Cummings, ancien dirigeant de Coca-Cola pour l'Afrique, à 6,7 %.
"Mister George" en tête du scrutin
Sur les 15 provinces que compte le pays, George Weah faisait la course en tête dans 12, y compris celle de la capitale, Monrovia, dont il est sénateur depuis 2014 et qui concentre près de 40 % des quelque 2,1 millions d'électeurs. Le vice-président ne paraissait devoir s'imposer que dans sa province natale de Lofa (nord), la quatrième en nombre d'électeurs. Mais une vision d'ensemble ne se dégageait pas encore clairement, la proportion de bureaux de votes comptabilisés fluctuant d'une province à l'autre, d'un minimum de 18 % jusqu'à 100 %.
A 51 ans, l'ancien attaquant vedette du PSG et du Milan AC reste le Libérien le plus connu à l'étranger, 15 ans après avoir raccroché les crampons. Seul Africain à remporter le Ballon d'or (1995), Weah était largement absent du pays pendant la guerre civile. Battu à la présidentielle de 2005 par Ellen Johnson Sirleaf,
"Mister George" assure avoir
"gagné en expérience" après avoir fondé son propre parti en 2004 et été élu sénateur en 2014 face à un fils de Mme Sirleaf.
Il a choisi comme colistière Jewel Howard-Taylor, l'ex-épouse de l'ancien chef de guerre et président Charles Taylor (1997-2003), une sénatrice respectée et l'une des rares femmes d'influence du pays. Ses critiques jugent son programme trop vague et pointent son absentéisme au Sénat, mais il reste une idole pour la jeunesse et une incarnation positive du Liberia.
Outre leur futur chef de l'Etat, les plus de deux millions d'électeurs ont voté pour renouveler les 73 sièges de la Chambre des représentants. Les législatives ne comportent qu'un seul tour.
Le Libéria "prêt pour la transition", selon sa présidente
Elu en 2005 puis réélu en 2011 sur le
"ticket" de Mme Sirleaf, Joseph Boakai, 72 ans, se présente comme son héritier naturel. Issu, comme George Weah, de la population
"autochtone", et non de l'élite
"américano-libérienne" descendante d'esclaves affranchis qui domine le pays depuis sa création, il se décrit comme un homme ordinaire ayant réussi à s'extraire d'une condition modeste. Aux électeurs qui pourraient vouloir lui faire payer les difficultés économiques, il promet une meilleure gestion des ressources pour lutter contre la pauvreté.
Mardi, la présidente sortante, Ellen Johnson Sirleaf, qui ne pouvait plus se représenter après deux mandats de six ans, a estimé que le Liberia était
"prêt pour la transition", la première d'un dirigeant élu à un autre dans ce pays
"depuis trois générations". Mme Sirleaf, prix Nobel de la paix 2011, avait déjà appelé la veille les Libériens à mesurer
"le chemin parcouru" depuis la guerre civile qui a fait quelque 250.000 morts entre 1989 et 2003.
Le pays a ensuite connu une stagnation économique entre 2014 et 2016, frappé par l'épidémie d'Ebola en Afrique de l'Ouest et la chute des cours des matières premières. Pour redresser économiquement le pays, chacun des candidats a insisté sur une recette simple: le développement des routes pour M. Boakai, de l'agriculture pour le magnat des télécommunications Benoni Urey, de l'éducation et de la formation professionnelle pour MM. Weah et Cummings.
Exigence de transparence
Après le chef des observateurs de la Communauté des Etats d'Afrique de l'Ouest (Cédéao), l'ancien président ghanéen John Dramani Mahama, la mission d'observateurs de l'Union européenne a constaté certains problèmes d'organisation, qui ont parfois conduit
"des gens à quitter le bureau sans avoir voté", a indiqué la chef de cette mission, la Belge Maria Arena.
Pour que le résultat final soit crédible, les autorités libériennes devront faire preuve de la plus grande transparence sur le traitement des résultats, des bureaux de vote à leur validation.Maria Arena, chef de la mission d'observateurs de l'Union européenne
Le Centre Carter, qui a fait des observations similaires, souligne en outre que
"la publication rapide des résultats est un bon moyen d'instaurer la confiance dans l'électorat et de prévenir la confusion et la tension". L'ensemble des observateurs exhortent les candidats à porter tout contentieux devant la justice. La Cour suprême a indiqué cette semaine qu'elle siégerait pendant la période post-électorale pour examiner d'éventuels recours.
D'éventuelles contestations pourraient notamment venir de l'avocat et vétéran de la politique Charles Brumskine ou d'Alexander Cummings, ancien dirigeant de Coca-Cola pour l'Afrique, entre lesquels devrait se jouer la troisième place, selon les experts, et qui espèrent se qualifier pour un second tour. Le parti de M. Brumskine s'est dit
"profondément troublé par la découverte de nombreuses irrégularités" pendant le scrutin, appelant la commission électorale à différer toute annonce de résultats, menaçant de saisir la justice dans le cas contraire.
Après les Etats-Unis, historiquement liés à la plus ancienne république d'Afrique, le secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, a
"salué la tenue pacifique du scrutin" et félicité les Libériens pour s'être rendus aux urnes
"en grand nombre et avec enthousiasme".