Fil d'Ariane
"Je présume que Mohamed Bazoum aura son ticket pour le second tour". Seidik Abba, journaliste et très fin connaisseur des arcanes de la politique nigérienne, ne veut pas désigner un favori. Mais, s'il reconnaît que le dauphin du président sortant Mahamadou Issoufou figure "parmi les favoris", il rappelle que jamais depuis 1993 (à l'exception d'un scrutin tronqué remporté par le général Ibrahim Baré Maïnassara en 1996) la présidentielle nigérienne ne s'est jouée en un seul tour.
Même au plus fort de sa popularité il y a cinq ans, Mahamadou Issoufou a dû passer par un second tour pour être réélu. Au premier tour, il avait pourtant recueilli près de 48,5% des voix, très loin devant Hama Amadou, deuxième avec moins de 18%.
Pourquoi cette certitude concernant Mohamed Bazoum ? "Parce qu'il est adoubé par le président sortant tout d'abord", estime Seidik Abba, ajoutant qu'"il a avec lui toute la machine d'un pouvoir sortant avec ce que cela implique, y compris en terme de moyens financiers. Il a aussi obtenu le soutien d'une quarantaine de partis !"
Du côté de l'opposition, il existe également une alliance. Baptisée CAP 21, elle regroupe 18 partis et s’engage à soutenir, au second tour, le candidat de la coalition arrivé en meilleure position au premier. En 2016, une coalition équivalente, Copa 16, n'avait pas su empêcher une réélection triomphale (92,51%) de Mahamadou Issoufou avant de se disloquer. Néanmoins, outre Mohamed Bazoum, Seidik Abba souligne, par exemple, la candidature de l'ancien président Mahamane Ousmane qui, étant de Zinder, la deuxième ville du pays, "dispose d'un électorat dans le centre, dans l'un des principaux bassins électoraux du Niger".
Une personnalité de premier plan manque toutefois à l'appel. La candidature de l'ancien premier ministre et principal opposant Hama Amadou a été retoquée par la Cour constitutionnelle. Dans un arrêt rendu le 13 novembre, la Cour rejette le dossier de Hama Amadou sans apporter davantage d'explications, mais nul doute qu'elle s'appuie sur l'article 8 du code électoral, selon lequel "ne peuvent être inscrits sur la liste électorale (...) les individus condamnés définitivement pour délit à une peine d’emprisonnement ferme égale ou supérieure à un an et non réhabilités".
En 2017, Hama Amadou avait été condamné à un de prison dans une affaire de trafic de bébés volés. Cette même affaire lui avait valu de faire campagne depuis sa cellule de la prison de la prison de Filingué il y a cinq et, malgré cela, de se qualifier pour le second tour de la présidentielle d'alors. Hama Amadou a toujours qualifié ce procès de "politique". Son exclusion le serait aussi selon ses soutiens, mais aussi selon certains candidats de l'opposition, comme Albadé Abouba, ancien ministre de Mahamadou Issoufou, qui déplore dans une interview à Jeune Afrique "qu'aucune mesure d'amnistie n'ait été prise".
Si l'exclusion de Hama Amadou a pu faire tiquer dans les rangs de l'opposition, des critiques ont également été émises à propos du fichier électoral et de la Commission électorale. Mais il s'agit surtout de "suspicions", selon Seidik Abba, "pas d'une remise en cause comme on a pu le voir en Guinée ou en Côte d'Ivoire".
L'opposition se contente en effet d'appeler "à des améliorations de la gouvernance de la Céni". Quant au fichier électoral, scruté par l'Organisation internationale de la francophonie (OIF) et la Cédéao (Communauté des Etats d'Afrique de l'ouest), il a été jugé "fiable", à l'exception de quelques réserves à la marge.
En vertu de la Constitution de la VIIe République, adoptée en 1991, "Le Président de la République est élu au suffrage universel, libre, direct, égal et secret pour un mandat de cinq ans, renouvelable une seule fois. En aucun cas, nul ne peut exercer plus de deux mandats présidentiels ou proroger le mandat pour quelque motif que ce soit (...) L'élection du Président de la République a lieu au scrutin majoritaire à deux tours".
Ce dimanche 27 décembre, les Nigériens renouvelleront également leurs 171 députés.