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©TV5MONDE / Reportage: S. Roussi et E. Black - Montage : B. Martineau
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Présidentielle au Rwanda : chronique d'une victoire annoncée de Paul Kagame

Ce ne sont encore que des résultats partiels, mais ils donnent une excellente idée de l'issue prochaine de l'élection présidentielle rwandaise. D'après les décomptes partiels des votes divulgués samedi, le président sortant Paul Kagame a obtenu une victoire écrasante : il serait réélu avec plus de... 98% des voix.
La Commission électorale (NEC) a publié dans la nuit des résultats portant sur 80% des bulletins dépouillés, qui donnent M. Kagame très largement en tête avec 98,66% des suffrages exprimés, ses deux adversaires recueillant chacun moins de 1%. 

Selon ces résultats partiels, l'indépendant Philippe Mpayimana obtient 0,72% des suffrages exprimés, et Frank Habineza, leader du Parti démocratique vert, le seul parti d'opposition au Rwanda, recueille 0,45% des voix. "J'accepte le résultat et je félicite le FPR et Paul Kagame", a déclaré à l'AFP M. Mpayimana. "Je ne vais pas m'arrêter là. Je demande à tous les citoyens de me rejoindre pour que nous puissions être plus forts à la prochaine élection."

La NEC estime que 97% des 6,9 millions d'électeurs inscrits ont voté.​ Au total, 6,9 millions de Rwandais figurent sur les listes électorales, répartis dans 2.343 bureaux à travers le pays. Les résultats complets doivent être annoncés vers 16h00 locales (13h00 GMT) samedi. 
 
"Nous pensons qu'à ce niveau, nous aurons les mêmes résultats demain (samedi matin, ndlr)Le président de la NEC, Kalisa Mbanda

"Nous fêtons Paul Kagame"

Dès le début de la soirée, alors que le scrutin s'était déroulé dans le calme vendredi, plusieurs centaines de personnes se sont réunies à Kigali devant un écran géant installé dans un gymnase proche du stade national, pour fêter la victoire attendue du président sortant. "Nous fêtons Paul Kagame", a lancé un jeune homme dansant au rythme d'une musique pop assourdissante. "Un bon résultat c'est le FPR de Paul Kagame, mais on est confiant, il va gagner", a confié un autre, Bruce Iraguha, 22 ans.

 
Vote au Rwanda
Une électrice rwandaise en train de voter, le 4 août 2017, lors de la présidentielle 
©AP Photo / Jérôme Delay
Avant même le scrutin, une large victoire de M. Kagame était attendue. Visionnaire pour les uns, despote pour les autres, Paul Kagame, 59 ans, briguait un troisième mandat de sept ans. Ses deux adversaires étaient passés quasiment inaperçus dans une campagne phagocytée par le Front patriotique rwandais (FPR), parti contrôlant toutes les sphères de la société de ce petit pays de la région des Grands Lacs.

Paul Kagame "a libéré le pays, il a stabilisé le pays, et maintenant on peut marcher dans tout le pays nuit et jour sans problème", a expliqué Jean-Baptiste Rutayisire, un entrepreneur de 54 ans, qui a voté dans le même bureau du centre de Kigali que le président. "Il a fait beaucoup pour le pays et il continue (...), c'est un homme exceptionnel", a-t-il ajouté, en avouant ne pas connaître MM. Mpayimana et Habineza.

Une opposition de façade

Conscient de n'avoir quasiment aucune chance de l'emporter, M. Habineza s'était cependant réjoui que pour "la première fois depuis 23 ans un parti d'opposition se trouve sur les bulletins de vote", dans un entretien téléphonique vendredi avec l'AFP. Dans le Rwanda post-génocide, seuls des candidats indépendants ou alliés à M. Kagame avaient jusque-là pu se présenter à l'élection présidentielle.

En amont du scrutin, MM. Habineza et Mpayimana s'étaient plaints de nombreuses difficultés, dont le peu de temps à leur disposition pour lever des fonds et faire campagne. "Nous aurions voulu au moins deux mois. Vers la fin de la campagne, le nombre de personnes à nos rallyes a beaucoup augmenté", avait notamment déclaré Jean-Claude Ntezimana, secrétaire général du parti vert. Les deux rivaux de Paul Kagame ont rassemblé à peine quelques centaines de personnes lors de leurs réunions de campagne.​

Lors d'un récent meeting, M. Habineza avait de son côté assuré à l'AFP que placarder les couleurs de son parti avait été un vrai défi: "On nous a dit qu'on ne pouvait pas mettre nos drapeaux là où le FPR avait mis les siens, mais malheureusement le FPR a mis les siens partout!"

Des observateurs assurent que les candidatures de MM. Habineza et Mpayimana ne sont qu'une "façade" à destination de la communauté internationale : Paul Kagame était donné grand vainqueur du scrutin.

Couronnement de l'homme fort du Rwanda

La victoire de Paul Kagame ne semblait en effet faire aucun doute depuis le plébiscite par référendum en décembre 2015 - 98% des voix - d'une modification de la Constitution. Critiquée par les observateurs, cette révision lui a permis de briguer un nouveau mandat de sept ans et potentiellement de diriger ​ce petit pays de la région des Grands Lacs jusqu'en 2034.

 
Vote de Paul Kagame
Le président sortant rwandais Paul Kagame en train de voter le 4 août 2017
©AP Photo / Jérôme Delay
Paul Kagame est l'homme fort du Rwanda depuis que le FPR a renversé en juillet 1994 le gouvernement extrémiste hutu ayant déclenché le génocide qui a fait 800.000 morts, essentiellement parmi la minorité tutsi. Il a d'abord été vice-président et ministre de la Défense, dirigeant de facto le pays, avant d'être élu président en 2000 par le Parlement. En 2003 et 2010, il a été reconduit au suffrage universel avec plus de 90% des voix.

​"Cela confirme que les Rwandais ont fait un choix basé sur l'avenir dont ils veulent", a déclaré dans la nuit le chef de l'État devant des milliers de supporteurs réunis auprès du nouveau quartier général de son parti, le Front patriotique rwandais (FPR), à Kigali. "Nous allons continuer le travail que nous avons commencé pour promouvoir un meilleur Rwanda."

Le président sortant est crédité du développement spectaculaire, principalement économique, du Rwanda, un pays exsangue qui était au sortir du génocide. Mais Paul Kagame est aussi accusé de bafouer la liberté d'expression et de réprimer toute opposition. De nombreuses personnalités critiques ont ainsi été emprisonnées, forcées à l'exil et pour certaines assassinées.
 
"Il n'y pas d'élection au Rwanda, juste un couronnement."Robert Mugabe, journaliste rwandais