Fil d'Ariane
Les cinq candidats à l'élection présidentielle sénégalaise : l'ex-ministre Madické Niang, El Hadji Issa Sall, chef d'un parti proche de la mouvance religieuse, l'ex-Premier ministre Idrissa Seck, candidat pour la troisième fois, le député Ousmane Sonko et le président sortant Macky Sall.
Né en 1956 à Tattaguine, une commune rurale située à une vingtaine de kilomètres de Fatick -ville d’origine du président sortant Macky Sall- il obtient un DUT en électronique à l’université Cheikh-Anta-Diop de Dakar après des études au lycée à Saint-Louis.
El Hadji Issa Sall part ensuite aux États-Unis, où il décroche un doctorat en informatique, à l’université George-Washington.
À son retour à Dakar, ce membre de l’aéroclub de Dakar a commencé sa carrière au service informatique de Météo Sénégal avant de rejoindre le Centre régional africain de technologie (Crat).
En 1998, il fonde l’Université du Sahel dont il est toujours le président. Cette Université est membre titulaire de l’Agence Universitaire de la Francophonie (AUF) et a été désignée Centre d'Excellence par l’Usaid dans le cadre de son programme de réduction de la fracture numérique.
L’Education est d’ailleurs l’un des axes majeurs de son programme.
Un an plus tard, Sonko rebondit et à la tête de son parti, le Pastef
(Patriotes du Sénégal pour le Travail, l’Ethique et la Fraternité), il est élu député à l’Assemblée nationale du Sénégal aux élections législatives de 2017.
Formation atypique, le Pastef est un parti politique fondé par des jeunes cadres de l’administration publique sénégalaise, du secteur privé, des professions libérales, des milieux enseignants et des hommes d’affaires qui, pour la plupart, n’ont jamais fait de politique.
En janvier 2018, il sort le livre "Pétrole et gaz au Sénégal - chronique d'une spoliation". Où là aussi, il s'attaque à la corruption et accuse Macky Sall et son entourage de malversations dans la gestion des ressources naturelles du pays.
Alors qu'il n'avait rencontré aucun dirigeant étranger il y a encore quelques mois, Ousmane Sonko a multiplié les déplacements et les rassemblements.
La renommée du chef du Pastef s'est notamment internationalisée avec sa tournée dans la diaspora. Et les Sénégalais sont nombreux à remplir les salles.
"Idy", comme ses partisans le surnomment, fait partie des "vieux routiers", des dinosaures de la vie politique sénégalaise. L'ancien maire de Thiès et actuel Président du Conseil départemental de la ville a démarré sa carrière dans la chose publique il y a plus de trente ans.
Né et grandi à Thiès il y a presque 60 ans, Idrissa Seck y a fait ses classes coraniques ainsi que ses études primaires et secondaires jusqu’au Bac avant d’obtenir une bourse et s’envoler pour la France.
Là, il intègre une prépa HEC (classe préparatoire à l'École des hautes études commerciales de Paris) au lycée Marcelin-Berthelot de Saint-Maur-des-Fossés avant de poursuivre, en 1983, à Sciences Po Paris.
Fort de cette expérience internationale, il fait ses premiers pas en politique dans la troisième campagne présidentielle d’Abdoulaye Wade en tant que directeur de campagne de l’avocat. Il n’a alors que 29 ans et présente une grande érudition islamique.
Quoiqu'il en soit, son travail et son implication ne suffiront pas à faire élire son champion, battu alors, en 1988, par Abdou Diouf. Après cet échec, il part aux Etats-Unis, Côte Est et l’Université de Princeton.
En 1991, de retour au Sénégal, il préfère passer son tour dans la campagne de 1993. Il attend son heure pour partir à la conquête du Parti démocratique du Sénégal (PDS), et obtient à la hussarde la tête du parti au nez et à la barbe de son rival Ousmane Ngom, ancien directeur de campagne de Wade et numéro deux du parti.
Il devint alors l’homme fort du PDS et contribuera grandement à la victoire d’Abdoulaye Wade en 2000, devenu alors troisième président du Sénégal.
Nommé Premier ministre en 2002, il est destitué dès 2004, à la faveur des luttes de palais et autres vengeances fomentées.
C’est ainsi qu’il se trouve impliqué en 2005 dans l’affaire des chantiers de Thiès et tombe en disgrâce.
Le 31 juillet 2005, la majorité parlementaire libérale vote sa mise en accusation devant la Haute Cour de justice pour plusieurs chefs d'accusation : détournement de fonds, corruption, faux et usage de faux, atteinte à la défense nationale et à la sûreté de l'État, etc.
Idrissa Seck bénéficiera au début de l'année 2006, tour à tour d'un non-lieu pour l'accusation d'atteinte à la sûreté de l'État ainsi qu'un non-lieu sur le dossier des chantiers de Thiès. Il est libéré discrètement le 7 février 2006 après plus de 6 mois de prison (199 jours).
À l'issue de l'élection de 2012, le parti Rewmi d'Idrissa Seck qui avait soutenu le candidat Macky Sall au second tour entre dans la mouvance présidentielle dans le cadre de la coalition "Benno Bokk Yakaar" ("un Sénégal debout" en wolof).
C'est ainsi que des cadres de Rewmi sont nommés dans le gouvernement mais cette participation sera de courte durée.
En 2013, suite à de nombreux désaccords avec Macky Sall, Rewmi quitte la mouvance présidentielle.
Toutefois, la décision ne fait pas l'unanimité au sein du parti. Alors que les ministres Pape Diouf et Oumar Guèye décident de rester dans le camp du pouvoir, Idrissa Seck et son parti Rewmi se muent, eux, en opposants au président Sall.
Aujourd'hui, avec l'emprisonnement du maire de Dakar, Khalifa Sall et l'exil de Karim Wade, la route est plus dégagée pour Idrissa Seck, devenu de facto le leader de l'opposition.
Le candidat espère d’ailleurs obtenir le soutien de ces exclus de la présidentielle, notamment Khalifa Sall, qu’il ira "chercher à la prison s’il est élu", et de Karim Wade, avec qui les échanges se multiplient. Il a obtenu, ce mercredi 30 janvier 2019, le ralliement de Malick Gakou et de son "Grand Parti".
Revendiquer une filiation avec Abdoulaye Wade mais sans le PDS, c’est l’équation audacieuse que doit encore résoudre le candidat Madické Niang.
Début octobre 2018, Madické Niang se porte donc candidat à la présidentielle. Un coup d’éclat rapidement désavoué par la majorité du Parti démocratique sénégalais. Désavoué surtout par Abdoulaye Wade. L’ancien président signe un communiqué au vitriol dans lequel il accuse le dissident d’être téléguidé par le pouvoir, soit directement par Macky Sall.
Pourtant ces deux-là, Abdoulaye Wade et Madické Niang, se connaissent bien et se sont longtemps fréquentés et entraidés.
Né le 27 septembre 1953 à Saint-Louis, Madické Niang - l'aîné des cinq candidats - suit des études au Lycée Charles-de-Gaulle, avant de rejoindre la capitale pour "faire son droit".
Devenu avocat, il s’envole pour Abidjan, avant de s’inscrire au barreau de Dakar et défendre de grandes entreprises comme la Compagnie sucrière sénégalaise.
C'est ainsi que, de procès en audiences, il finit par défendre Abdoulaye Wade lui-même, dans le cadre de l'affaire de l’assassinat du vice-président du Conseil constitutionnel Maître Babacar Sèye, le 15 mai 1993.
En 2008, Madické Niang, alors ministre de l'Energie et des Mines, en écrit d’ailleurs un livre où il explique sa défense. Et répond à ses détracteurs, notamment le journaliste Latif Coulibaly dont le livre "Un meurtre sur commande" publié en 2006 aux éditions L'Harmattan en France contient des témoignages désignant le président Wade comme commanditaire de l'assassinat. La justice, elle, avait à l'époque innocenté sans ambiguïté Abdoulaye Wade.
En 2000, après l’élection de Wade, celui-ci nomme Niang tour à tour ministre de l’Habitat (2002-2003), puis des Mines et de l'Energie (2003-2004).
En 2007, après la réélection de Wade, il garde son portefeuille dans le premier gouvernement Sall (2004-2006), modifié en Mines et de l'Industrie dans le deuxième gouvernement Sall (2006-2007). Dans le gouvernement Ndiaye I, il est ministre de la Justice de 2007 à 2009, puis ministre des Affaires étrangères d'octobre 2009 à avril 2012, avant d'être remplacé par Alioune Badara Cissé.
La relation amicale entre Abdoulaye Wade et Madické Niang va être sérieusement affectée lors de l'affaire Karim Wade. Craignant une invalidation de la candidature du fils Wade (ce qui fut le cas par le Conseil constitutionnel), Madické Niang va poser sa candidature à la présidentielle de 2019.
Une démarche qui vaudra à ce père de deux enfants d'être exclu du Parti démocratique sénégalais en octobre 2018. Lequel soutenait le fils de l'ancien président.
Depuis, les relations se sont normalisées entre les deux amis, Abdoulaye Wade ayant même envoyé une lettre de réconciliation à Madické Niang, datée du 11 septembre 2018 :
Accusé par l’opposition d’avoir instrumentalisé la justice pour éliminer Khalifa Sall et Karim Wade, Macky Sall a toujours nié. Tout ce qu’il fait, c’est pour le Sénégal argue-t-il.
Né le 11 décembre 1961 à Fatick, la capitale de l’ancien royaume du Sine, ce géologue devenu président de la République du Sénégal a connu un parcours exponentiel.
Bon élève, il déroule une enfance heureuse et modeste entre un père, agent de la fonction publique originaire du Fouta, et une mère, vendeuse d'arachides.
Il obtient le diplôme d’ingénieur géologue au sein du prestigieux Institut de Science de la Terre de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar, puis poursuit sa formation comme géophysicien en France, à l’Ecole nationale supérieure du pétrole et des moteurs (ENSPM) de l’Institut Français du Pétrole (IFP) avant de revenir au Sénégal.
Politiquement, le jeune Sall -dont le père militait au PS- fleurte un temps avec les maoïstes et les marxistes-léninistes, pour finalement effectuer un virage à 180 degrés et voter en 1983 pour le libéral Abdoulaye Wade, de même qu'en 1988.
A la fin des années 1980, il adhère donc logiquement au Parti démocratique sénégalais (PDS) de Wade qui le repère et en fera l’un de ses ministres lors de ses mandatures : notamment ministre des Mines, de l'Énergie et de l'Hydraulique (2001-03), puis ministre de l'Intérieur et des Collectivités locales, porte-parole du gouvernement d'Idrissa Seck (2003-04), enfin Premier ministre (2004-2007). C'est lui qui conduit la campagne pour la réélection d'Abdoulaye Wade en 2007, avant que leurs relations se tendent.
Après avoir quitté le PDS, le 1er décembre 2008, il crée, avec une trentaine de cadres du parti d'Abdoulaye Wade, le parti Alliance pour la République (APR) qui, lors des élections locales du 22 mars 2009, remporte toutes les localités de Fatick, son fief : la ville de Gossas, douze collectivités locales au Nord du pays, et trois au Sud. Ainsi que toutes les grandes villes du pays dans le cadre d’une coalition formée avec les autres partis membres de la coalition Benno Siggil Senegaal.
En ligne de mire : l'élection présidentielle sénégalaise de 2012. Commence alors une vaste tournée mondiale qui le conduit à rencontrer la diaspora dans les grandes villes mondiales. Il prend conseil auprès de Jean-Pierre Pierre-Bloch, ancien député centriste français, également proche d'Abdoulaye Wade.
Il devient ainsi le candidat de la coalition "Macky 2012", avec pour slogan "la voie du véritable développement" ("Yoonu Yookuté" en wolof), et propose un programme bâti autour d’une promesse: le véritable développement.
Laquelle est construite autour : de la lutte contre les injustices sociales, du développement d'infrastructures, d'apprentissages et de la productivité, de l'exemplarité des institutions et de la garantie de la stabilité et de la sécurité du pays. Un programme assez proche de celui qu'il propose en 2019.
Au printemps 2012, il arrive en deuxième position du premier tour, avec 26,58 % des voix, contre 34,81 % au président sortant. Dans l'entre-deux-tours, il réunit tous les candidats battus dans la coalition Benno Bokk Yakkar ("Unis pour le même espoir", en wolof) et remporte le second tour face à celui qui a fut son mentor, avant la proclamation officielle des résultats par le Conseil constitutionnel (avec 65,80 % des voix, contre 34,20 % pour Abdoulaye Wade).
Il devient ainsi le quatrième président de la République du Sénégal et prête serment le 2 avril 2012.
Introverti et peu charismatique, ce qui lui vaut le surnom de "Niangal Sall" ("Sall le sévère", en wolof), on lui reconnaît intégrité et fermeté, rigueur et persévérance.
Polyglotte (il parle wolof, sérère, pulaar, français et anglais), il incarne également un renouvellement de génération dans la politique sénégalaise, même si l'étendue de son patrimoine soulève des questions et que les contrats attribués lors de son mandat en majorité à des entreprises étrangères n’ont fait qu’endetter le pays.
Quoiqu'il en soit Macky Sall a réussi à conserver sa coalition, alors qu'en face, le Parti socialiste n’a, pour la première fois, pas de candidat. La voie est-elle donc libre pour l'originaire du Sine ?
Certes, ses quatre adversaires ne sont pas des poids lourds. Beaucoup évoquent un boulevard même pour Macky Sall lors de ce scrutin et lui-même vise une réélection dès le premier tour. Rien n'est joué pour autant. Rendez-vous le 24 février.