Fil d'Ariane
La campagne met en lumière le contexte tendu et risqué dans lequel se prépare un scrutin rejeté par une large partie de la population.
Les candidats font face à une hostilité massive. Depuis le début de la campagne le 17 novembre, les cinq candidats évitent les grandes villes du nord du pays, les plus peuplées, et annoncent souvent leurs déplacements à la dernière minute. Leurs meetings sont régulièrement perturbés par des manifestants malgré le déploiement de forces de police.
Pour le mouvement de contestation populaire « Hirak », ils sont irrémédiablement assimilés au régime de Bouteflika et considérés comme complices du haut commandement militaire incarné par le général Ahmed Gaïd Salah, chef d'état-major de l'armée.
S'exprimant dans des petites salles souvent peu remplies, les candidats tentent difficilement de convaincre de leur soutien au « Hirak » et de faire croire qu'ils accéderont à ses revendications.
Mais comment persuader une population dont une des seules formes de contestation au régime a été, pendant des années, l’abstention ?
Seuls 37% des électeurs se sont déplacés lors des législatives de 2017 et 50% pour la présidentielle de 2014, et ces chiffres sont probablement artificiellement « gonflés », estiment de nombreux observateurs.
Louisa Dris-Aït Hamadouche professeure de Sciences politiques à l’Université d’Alger explique à nos confrères de l'Agence France-Presse : « Jusqu’ici les scrutins se tenaient dans l'indifférence générale avec une base électorale participante connue, constituée majoritairement de militants du Front de libération nationale (FLN, ex-parti unique au pouvoir), de formations alliées et d'associations satellites. A présent, l'indifférence a laissé la place à la contestation active. »
Contre les évidences, le général Gaïd Salah se réjouit publiquement de « l'élan populaire » autour du scrutin, donnant foi à des marches « populaires spontanées » de soutien qui mobilisent peu, et faisant comme s'il n'entendait pas les slogans hostiles criés bruyamment lors des manifestations massives hebdomadaires.
L’universitaire Mohamed Hennad s'inquiète du « risque de dérapages » et de violences dans un contexte où le pouvoir cherche à « dresser une partie de la population contre une autre », alors que le «Hirak» a toujours revendiqué son pacifisme et l'a fait respecter dans ses rangs.
Louisa Dris-Aït Hamadouch, estime que cette radicalisation des positions risque de diviser le pays. Elle parle de « fractures verticales entre gouvernants et gouvernés », auxquelles vont s’ajouter des « fractures horizontales au sein de la société ».
Personne n'a pourtant intérêt à « susciter des violences car les dividendes potentiels à court terme (pour le pouvoir) se transformeront en ingouvernabilité après les élections », avertit-elle.