Présidentielle en Côte d'Ivoire : le jour le plus long
Les Ivoiriens ne savent plus à quoi s’attendre. Les choses sont allées si vite, entre l'annonce de la victoire d'Alassane Ouatara et de la défaite du président sortant, par la Commission électorale ivoirienne et l'invalidation de ce résultat par le Conseil constitutionnel, puis la proclamation de l'élection de Laurent Gbagbo. Psychose croissante, rumeurs galopantes, batailles entre les soutiens des deux candidats... Retour sur le jeudi 2 décembre, une journée à multiples rebondissements.
Jeudi 2 décembre. Abidjan se réveille tardivement. L’attente des résultats a duré jusqu’au petit matin. « Je suis resté en vain devant la télévision jusqu’à 3 heures du matin », affirme Cindy Tagro. Elle habite le quartier chic de la Riviera. La nuit a été longue mais tranquille. Ce qui n’a pas été le cas à Wassakara, dans la commune populaire de Yopougon, à l'ouest d’Abidjan. Selon de nombreux témoignages, des hommes en armes ont investi, pendant le couvre-feu de la veille, le bureau du Rassemblement des républicains (RDR, opposition). Bilan : 8 morts selon les membres de ce parti. Des images de sol maculé de sang et d’impacts de balles lors de cette attaque font le tour du monde via la toile et les médias internationaux. Un bilan contesté par l’armée pointée du doigt. Dans un communiqué publié à la mi-journée, l'état-major des armées confirme « le décès de quatre personnes ». Selon ce communiqué, une patrouille des forces de l'ordre en « mission de vérification » dans le quartier a été « prise à partie par des tirs à l'arme automatique ». Elle a donc riposté, disent-ils. Pendant ce temps, Yopougon est sous haute tension. Dans certains secteurs comme le quartier Niangon, des familles préfèrent quitter la ville « quelques jours ». « Nous ne nous sentons plus en sécurité ici avec toutes ces nouvelles que nous entendons », déplore monsieur Aka. Il est partisan du PDCI-RDA (ancien parti au pouvoir aujourd’hui allié du RDR). Alors que la psychose s’empare de la population, les rumeurs refont surface. On craint le pire. D’autant plus que dans l’ouest du pays, des manifestations violentes ont eu lieu dans la nuit de mercredi à jeudi. On ne déplore heureusement aucune perte en vie humaine. Jusqu’à la mi-journée, on est partagé entre désolation, crainte et désespoir.
COMMISSION ELECTORALE CONTRE CONSEIL CONSTITUTIONNEL Les événements prennent un coup d’accélérateur quand, en milieu d’après-midi, le président de la Commission électorale, Youssouf Bakayoko, désigne l’opposant Alassane Ouattara vainqueur du second tour à l’issue des résultats provisoires. Les chaînes étrangères reprennent en boucle l’information.
La nouvelle se propage comme une trainée de poudre dans tout le pays. Dans certaines communes, des manifestations de joie sont perceptibles. Dans les communes, par exemple, de Koumassi et Abobo (banlieue d’Abidjan), des dizaines de personnes n’hésitent pas à envahir quelques artères pour manifester leur joie. Une joie qui sera vite altérée par le président du conseil constitutionnel. Dans un communiqué à la télévision, il annonce que « les résultats donnés par la Cei sont invalidés ». « La Commission électorale a épuisé son délai d’exécution », selon Yao Paul N’dré (écoutez l'extrait sonore).
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C’est la confusion totale. Beaucoup d’appréhensions, beaucoup d’interrogations. « Quel résultat va donner le conseil constitutionnel ? Comment sera-t-il accueilli au sud comme au nord ? » Bien malin qui pourra le dire. Les interrogations s’accentuent quand au journal de 20 heures de la télévision nationale, le porte-parole du Conseil national de la communication audiovisuel (Cnca) annonce que la chaîne cryptée Canal + va « suspendre toutes les chaines (internationales) qu’elle diffuse sur son bouquet ». Pire, « toutes les frontières terrestres, aériennes et maritimes » seront fermées à partir de ce jeudi soir, selon un communiqué des Forces armées. La nuit s’annonce longue. Les Ivoiriens savent que ce soir, ils ne dormiront que d’un œil. Ce vendredi 4 sera un nouveau jour, avec ses soubresauts et à coup sûr ses (événements) imprévus.